ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
26Â juin 2025Â ( *1 )
« Pourvoi – Concurrence – Règlement (CE) no 139/2004 – Concentration d’entreprises – Marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité – Acquisition par RWE AG des actifs de production d’électricité d’origine renouvelable et nucléaire d’E.ON SE – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 »
Dans les affaires jointes C‑464/23 P, C‑465/23 P, C‑467/23 P, C‑468/23 P et C‑470/23 P,
ayant pour objet cinq pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 21 juillet 2023,
EVH GmbH, établie à Halle-sur-Saale (Allemagne), représentée par Mes T. Heymann et I. Zenke, Rechtsanwälte (C‑464/23 P),
Stadtwerke Leipzig GmbH, établie à Leipzig (Allemagne), représentée par Mes T. Heymann et I. Zenke, Rechtsanwälte (C‑465/23 P),
TEAG Thüringer Energie AG, établie à Erfurt (Allemagne), représentée par Mes T. Heymann et I. Zenke, Rechtsanwälte (C‑467/23 P),
EnergieVerbund Dresden GmbH, établie à Dresden (Allemagne), représentée par Mes T. Heymann et I. Zenke, Rechtsanwälte (C‑468/23 P),
GGEW, Gruppen-Gas- und Elektrizitätswerk Bergstraße AG, établie à Bensheim (Allemagne), représentée par Mes T. Heymann et I. Zenke, Rechtsanwälte (C‑470/23 P),
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. G. Meessen et I. Zaloguin, en qualité d’agents, assistés de Me T. G. Funke, Rechtsanwalt,
partie défenderesse en première instance,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
E.ON SE, établie à Essen (Allemagne), représentée initialement par Mes C. Barth, C. Grave, D.-J. dos Santos Goncalves et R. Seifert, Rechtsanwälte, puis par Mes C. Barth, A. Fuchs, C. Grave et D.-J. dos Santos Goncalves, Rechtsanwälte,
RWE AG, établie à Essen, représentée initialement par Mes U. Scholz, J. Siegmund et J. Ziebarth, Rechtsanwälte, puis par Mes U. Scholz, J. Siegmund et M. von Armansperg, Rechtsanwälte,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer (rapporteur) et B. Smulders, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leurs pourvois, EVH GmbH (C‑464/23 P), Stadtwerke Leipzig GmbH (C‑465/23 P), TEAG Thüringer Energie AG (C‑467/23 P), EnergieVerbund Dresden GmbH (C‑468/23 P) ainsi que GGEW, Gruppen-Gas- und Elektrizitätswerk Bergstraße AG (C‑470/23 P) demandent l’annulation, respectivement, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 mai 2023, EVH/Commission (T‑312/20, ci‑après l’« arrêt T‑312/20 », EU:T:2023:252), de l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2023, Stadtwerke Leipzig/Commission (T‑313/20, ci-après
l’« arrêt T‑313/20 », EU:T:2023:257), de l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2023, TEAG/Commission (T‑315/20, ci-après l’« arrêt T‑315/20 », EU:T:2023:259), de l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2023, EnergieVerbund Dresden/Commission (T‑317/20, ci-après l’« arrêt T‑317/20 », EU:T:2023:261), et de l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2023, GGEW/Commission (T‑319/20, ci-après l’« arrêt T‑319/20 », EU:T:2023:263) (ci-après, pris ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels celui‑ci a rejeté leurs recours tendant
à l’annulation de la décision C(2019) 1711 final de la Commission, du 26 février 2019, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE (affaire M.8871 – RWE/E.ON Assets) (JO 2020, C 111, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).
I. Le cadre juridique
A. Le règlement (CE) no 139/2004
2 Les considérants 20 et 21 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), énoncent :
« (20) Il est utile de définir la notion de concentration de telle sorte qu’elle couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Il convient par conséquent d’inclure dans le champ d’application du présent règlement toutes les entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. Il convient en outre de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont
étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref.
(21) Le présent règlement devrait également être applicable lorsque les entreprises concernées acceptent des restrictions qui sont directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration. Les décisions de la Commission [européenne] déclarant des concentrations compatibles avec le marché commun en application du présent règlement devraient automatiquement couvrir ces restrictions, sans que la Commission soit tenue d’apprécier ces restrictions cas par cas. Toutefois, à la demande des
entreprises concernées, la Commission devrait, dans les cas suscitant des questions inédites ou non résolues donnant lieu à une véritable insécurité, déterminer expressément si une restriction est ou non directement liée et nécessaire à la réalisation de la concentration. Un cas suscite une question inédite ou non résolue donnant lieu à une véritable insécurité si la question n’est pas couverte par l’avis pertinent de la Commission en vigueur ni par une décision publiée de la Commission. »
3 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Appréciation des concentrations », dispose :
« 1.   Les concentrations visées par le présent règlement sont appréciées en fonction des objectifs du présent règlement et des dispositions qui suivent en vue d’établir si elles sont ou non compatibles avec le marché commun.
Dans cette appréciation, la Commission tient compte :
a) de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté [européenne] ;
b) de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en fait de barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande des produits et services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals ainsi que de l’évolution du progrès technique et économique pour autant
que celle-ci soit à l’avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence.
2.   Les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché commun.
3.   Les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun.
4.   Pour autant que la création d’une entreprise commune constituant une concentration au sens de l’article 3 ait pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes, cette coordination est appréciée selon les critères de l’article [101], paragraphes 1 et 3, [TFUE] en vue d’établir si la concentration est compatible ou non avec le marché commun.
5.   Dans cette appréciation, la Commission tient notamment compte de :
– la présence significative et simultanée de deux entreprises fondatrices ou plus sur le même marché que celui de l’entreprise commune, sur un marché situé en amont ou en aval de ce marché ou sur un marché voisin étroitement lié à ce marché,
– la possibilité donnée aux entreprises concernées par leur coordination résultant directement de la création de l’entreprise commune d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits et services en cause. »
4 L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définition de la concentration », prévoit :
« 1.   Une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :
a) de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises, ou
b) de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen.
2.   Le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment :
a) des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ;
b) des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.
3.   Le contrôle est acquis par la ou les personnes ou entreprises :
a) qui sont titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ou
b) qui, n’étant pas titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ont le pouvoir d’exercer les droits qui en découlent.
4.   La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du paragraphe 1, point b).
[...] »
5 L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement dispose :
« Les concentrations de dimension communautaire visées par le présent règlement doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation et après la conclusion de l’accord, la publication de l’offre publique d’achat ou d’échange ou l’acquisition d’une participation de contrôle. »
6 L’article 5 du règlement no 139/2004, intitulé « Calcul du chiffre d’affaires », se lit comme suit :
« 1.   Le chiffre d’affaires total au sens du présent règlement comprend les montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services réalisées par les entreprises concernées au cours du dernier exercice et correspondant à leurs activités ordinaires, déduction faite des réductions sur ventes ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée et d’autres impôts directement liés au chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires total d’une entreprise concernée ne tient pas compte des
transactions intervenues entre les entreprises visées au paragraphe 4 du présent article.
Le chiffre d’affaires réalisé soit dans la Communauté, soit dans un État membre, comprend les produits vendus et les services fournis à des entreprises ou des consommateurs soit dans la Communauté, soit dans cet État membre.
2.   Par dérogation au paragraphe 1, lorsque la concentration consiste en l’acquisition de parties, constituées ou non en entités juridiques, d’une ou de plusieurs entreprises, seul le chiffre d’affaires se rapportant aux parties qui sont l’objet de la concentration est pris en considération dans le chef du ou des cédants.
Cependant, deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération.
[...] »
7 L’article 6 de ce règlement, intitulé « Examen de la notification et engagement de la procédure », dispose :
« 1.   La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception.
a) Si elle aboutit à la conclusion que la concentration notifiée ne relève pas du présent règlement, elle le constate par voie de décision.
b) Si elle constate que la concentration notifiée, bien que relevant du présent règlement, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide de ne pas s’y opposer et la déclare compatible avec le marché commun.
La décision déclarant la concentration compatible est réputée couvrir les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration.
c) Sans préjudice du paragraphe 2, si la Commission constate que la concentration notifiée relève du présent règlement et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’engager la procédure. Sans préjudice de l’article 9, cette procédure sera close par voie de décision conformément à l’article 8, paragraphes 1 à  4, à moins que les entreprises concernées n’aient démontré, à la satisfaction de la Commission, qu’elles ont abandonné la concentration.
2.   Si la Commission constate que, après modifications apportées par les entreprises concernées, une concentration notifiée ne soulève plus de doutes sérieux au sens du paragraphe 1, point c), elle déclare la concentration compatible avec le marché commun, conformément au paragraphe 1, point b).
La Commission peut assortir la décision qu’elle prend en vertu du paragraphe 1, point b), de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu’elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.
[...] »
8 L’article 8 dudit règlement, intitulé « Pouvoirs de décision de la Commission », prévoit :
« 1.   Lorsque la Commission constate qu’une concentration notifiée répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, et, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, aux critères de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE], elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.
La décision déclarant la concentration compatible est réputée couvrir les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration.
2.   Lorsque la Commission constate qu’une concentration notifiée, après modifications apportées par les entreprises concernées, répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, et, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, aux critères définis à l’article [101], paragraphe 3, [TFUE], elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.
La Commission peut assortir sa décision de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées se conforment aux engagements qu’elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.
La décision déclarant la concentration compatible est réputée couvrir les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration.
3.   Lorsque la Commission constate qu’une concentration répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 3, ou, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, ne répond pas aux critères de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE], elle prend une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun.
4.   Si la Commission constate qu’une concentration :
a) a déjà été réalisée et qu’elle a été déclarée incompatible avec le marché commun, ou
b) a été réalisée en violation d’une condition dont est assortie une décision prise en vertu du paragraphe 2 et indiquant que, faute de respecter cette condition, la concentration répondrait au critère énoncé à l’article 2, paragraphe 3, ou que, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, elle ne répondrait pas aux critères énoncés à l’article [101], paragraphe 3, [TFUE],
la Commission peut :
– ordonner aux entreprises concernées de dissoudre la concentration, notamment par la séparation des entreprises fusionnées ou la cession de la totalité des actions ou actifs acquis, afin de rétablir la situation antérieure à la réalisation de la concentration. Dans le cas où un tel rétablissement ne serait pas possible, la Commission peut prendre toute autre mesure appropriée pour rétablir, dans la mesure du possible, la situation antérieure à la réalisation de la concentration,
– ordonner toute autre mesure appropriée afin que les entreprises concernées dissolvent la concentration ou prennent des mesures visant à rétablir la situation antérieure à la réalisation de la concentration, comme requis dans sa décision.
[...] »
9 L’article 21, paragraphe 1, du même règlement, intitulé « Application du règlement et compétence », se lit comme suit :
« Le présent règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3, et les règlements (CE) no 1/2003 [du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1)], (CEE) no 1017/68 [du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1968, L 175, p. 1)], (CEE) no 4056/86 [du
Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d’application des articles 85 et 86 du traité [CEE] aux transports maritimes (JO 1986, L 378, p. 4),] et (CEE) no 3975/87 [du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1),] ne sont pas applicables, sauf aux entreprises communes qui n’ont pas de dimension communautaire et qui ont pour objet ou pour effet la coordination
du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes. »
B. Les lignes directrices sur les concentrations horizontales
10 Les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations horizontales ») exposent :
« [...]
13. [...] la Commission détermine, en application de l’article 2 du règlement [no 139/2004], si l’opération de concentration entraverait de manière significative la concurrence effective, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, et devrait par conséquent être déclarée incompatible avec le marché commun. Il convient de souligner que ces facteurs ne constituent pas une liste de contrôle type à appliquer mécaniquement et dans tous les cas. L’analyse
concurrentielle repose davantage, dans chaque cas, sur une appréciation globale des effets prévisibles de la concentration, compte tenu des facteurs et des conditions à prendre en considération. Les éléments précités ne sont pas tous pertinents dans tous les cas de concentration horizontale et il n’est pas toujours nécessaire de tous les analyser avec le même degré de précision.
[...]
26. Un certain nombre de facteurs qui, pris séparément, ne sont pas nécessairement déterminants, peuvent influer sur la probabilité qu’une opération de concentration entraîne des effets non coordonnés significatifs. Tous ces facteurs ne doivent pas forcément être réunis pour que de tels effets soient probables. De plus, la liste de facteurs qui suit ne doit pas être considérée comme exhaustive.
Les parties à la concentration détiennent des parts de marché élevées
27. Plus sa part de marché est élevée, plus une entreprise a de chances de posséder un pouvoir de marché. Plus l’addition des parts de marché est importante, plus les risques que l’opération entraîne une augmentation significative du pouvoir de marché sont élevés. Plus est importante l’augmentation de la clientèle sur laquelle sera dégagée une plus grande marge bénéficiaire après une augmentation des prix, plus il est probable que les parties à l’opération trouveront une telle augmentation des
prix profitable, même si elle s’accompagne d’une réduction de la production. Bien que les parts de marché et leur progression ne constituent que de premières indications d’un pouvoir de marché et d’une augmentation de celui-ci, ce sont généralement des facteurs importants pour l’appréciation d’une opération [...]
Les parties à la concentration sont des concurrents proches
28. Sur un même marché en cause, les produits peuvent être différenciés [...] de telle sorte que certains produits sont des substituts plus proches que d’autres [...]. Plus le degré de substituabilité entre les produits des parties à une opération de concentration est élevé, plus il est probable que celles-ci augmenteront significativement leurs prix [...]. À titre d’exemple, une opération de concentration entre deux producteurs qui offrent des produits qu’un très grand nombre de clients
considèrent comme leur premier ou leur second choix pourrait engendrer d’importantes augmentations de prix. Ainsi, le fait que la rivalité entre les parties ait été une source de concurrence importante sur le marché peut constituer un facteur clé dans l’analyse [...]. L’existence, avant la concentration, de marges élevées [...] peut aussi rendre plus probables des augmentations de prix significatives. L’incitation des parties à la concentration à augmenter les prix a plus de chances d’être
limitée lorsque leurs concurrents produisent des substituts proches de leurs produits que lorsqu’ils proposent des substituts moins proches [...]. Il y a donc moins de risques qu’une opération de concentration entrave de manière significative la concurrence effective, notamment par création ou renforcement d’une position dominante, s’il existe un degré de substituabilité élevé entre les produits des parties à la concentration et ceux de producteurs rivaux.
[...]
L’entité issue de la concentration peut freiner l’expansion des concurrents
36. S’ils étaient autorisés, certains projets de concentration entraveraient de manière significative la concurrence effective en maintenant l’entité issue de l’opération dans une position qui lui donnerait la capacité et l’incitation de rendre plus difficile le développement de petites entreprises et de concurrents potentiels ou de limiter la capacité des rivales à la concurrencer. En pareil cas, les concurrents peuvent ne pas être à même, que ce soit individuellement ou collectivement,
d’exercer une contrainte telle sur l’entité issue de l’opération qu’elle n’augmenterait pas les prix ou ne prendrait pas d’autres mesures préjudiciables à la concurrence. Par exemple, la nouvelle entité peut avoir un contrôle ou une influence tels sur l’offre de ressources nécessaires à la production [...] ou sur les possibilités de distribution [...], que l’expansion ou l’entrée de firmes rivales pourrait être plus coûteuse. De même, le contrôle que la nouvelle entité exerce sur les brevets
[...] ou d’autres types de droits de propriété intellectuelle [par exemple, les marques [...]] peut rendre plus difficile l’expansion ou l’entrée de rivaux. Sur des marchés où l’interopérabilité entre différentes infrastructures ou plates-formes est importante [...], une opération de concentration peut donner à la nouvelle entité issue de l’opération la capacité et l’incitation d’augmenter les coûts ou de diminuer la qualité de service de ses rivales [...]. Dans le cadre de cette analyse, la
Commission peut tenir compte, entre autres, de la puissance financière de la nouvelle entité par rapport à ses concurrents [...]
L’opération de concentration élimine un important moteur de la concurrence
37. Certaines entreprises ont un rôle plus important dans le jeu de la concurrence que ne le laisseraient supposer leurs parts de marché ou tout autre indicateur similaire. Toute opération à laquelle serait partie une entreprise de ce type pourrait modifier la dynamique de la concurrence de manière significative et préjudiciable à celle-ci, en particulier si le marché est déjà concentré [...]. Par exemple, il se peut qu’une entreprise soit récemment entrée sur le marché et qu’il soit prévu
qu’elle exercerait à l’avenir une forte pression concurrentielle sur les autres entreprises présentes sur le marché.
38. Sur les marchés où l’innovation est un important moteur de la concurrence, une opération de concentration peut accroître la capacité et l’incitation des entreprises à apporter de nouvelles innovations sur le marché et, partant, la pression concurrentielle sur les entreprises rivales pour innover sur ce marché. Inversement, la concurrence effective peut être entravée de manière significative par une concentration entre deux entreprises innovantes importantes, par exemple entre deux entreprises
ayant des produits en cours de développement pour un marché de produits spécifique. De même, une entreprise dont la part de marché est relativement faible peut néanmoins constituer un important moteur de la concurrence si ses produits en cours de développement sont prometteurs [...] »
C. La communication consolidée sur la compétence
11 La communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1, et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10, ci-après la « communication consolidée sur la compétence ») prévoit :
« [...]
(38) La définition générale et téléologique d’une concentration figurant à l’article 3, paragraphe 1[, du règlement no 139/2004] – l’issue étant l’acquisition du contrôle d’une ou de plusieurs entreprises – implique qu’il importe peu de savoir si le contrôle a été acquis à l’issue d’une seule ou de plusieurs opérations juridiques dès lors que le résultat final résulte en une concentration unique. Des opérations multiples constituent une seule et même opération de concentration aux fins de
l’article 3 dès lors qu’elles sont par essence unitaires. Toute la question est alors de savoir si le résultat conduit à conférer à une ou plusieurs entreprises un contrôle économique direct ou indirect sur les activités d’une ou de plusieurs autres entreprises. Pour y répondre, il convient de cerner la réalité économique sous-jacente, et donc l’objectif économique poursuivi par les parties. En d’autres termes, pour apprécier le caractère unitaire des opérations en question, il convient de
déterminer, dans chaque cas, si ces opérations sont interdépendantes au sens où une opération n’aurait pas été effectuée sans l’autre [...]
(39) Le considérant 20 du règlement sur les concentrations explique à cet égard qu’il convient d’assimiler à une opération de concentration unique les opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel. [...]
[...]
(41) Ceci étant, des opérations multiples, même faisant l’objet d’un lien conditionnel réciproque, ne peuvent être considérées comme une concentration unique que si, in fine, le contrôle est acquis par la ou les mêmes entreprises. [...]
[...]
(44) Le principe selon lequel des opérations multiples peuvent être assimilées à une opération de concentration unique [...] ne s’applique que s’il en résulte une prise de contrôle d’une ou de plusieurs entreprises par la ou les mêmes personnes ou entreprises. »
D. Le règlement de procédure du Tribunal
12 Les articles 91 et 92 du règlement de procédure du Tribunal fixent, respectivement, l’objet des mesures d’instruction et la procédure relative à celles-ci.
13 Les articles 93 à  95 de ce règlement de procédure prévoient les modalités procédurales de la preuve par témoins.
14 L’article 96 dudit règlement de procédure concerne l’expertise.
II. Les antécédents du litige et la décision litigieuse
15 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 2 à  18 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 2 à  16 de l’arrêt T‑317/20. Aux fins de la présente procédure, ils peuvent être résumés comme suit.
A. Le contexte de la concentration
16 RWE AG est une société de droit allemand qui intervenait, au moment de la notification de l’opération de concentration envisagée, dans l’ensemble de la chaîne de fourniture d’énergie, y compris dans les domaines de la production, de la fourniture en gros, du transport, de la distribution, du commerce de détail d’énergie, ainsi que des services énergétiques aux consommateurs (tels que le relevé de compteur, la mobilité électrique, etc.) (ci-après le « marché de l’électricité »). RWE et ses
filiales, y compris innogy SE, opèrent dans plusieurs États membres.
17 E.ON SE est une société de droit allemand qui, au même moment, exerçait ses activités dans l’ensemble de la chaîne de fourniture d’électricité, qu’il s’agisse de production, de vente en gros, de distribution ou de commerce de détail d’électricité. E.ON possède et exploite des actifs de production d’électricité dans plusieurs États membres.
18 Les requérantes sont des entreprises du secteur public, de droit allemand, qui produisent de l’électricité tant à partir de sources d’énergie conventionnelles (ci‑après l’« électricité conventionnelle ») qu’à partir de sources d’énergie renouvelables, et dont les actifs de production se situent en Allemagne.
19 La concentration en cause en l’espèce s’inscrit dans le cadre d’un échange complexe d’éléments d’actifs entre RWE et E.ON, annoncé les 11 et 12 mars 2018 par les deux entreprises concernées (ci-après l’« opération globale »). Cet échange a pris la forme d’une première opération, qui est la concentration en cause en l’espèce, par laquelle RWE souhaite acquérir le contrôle exclusif ou le contrôle en commun de certains actifs de production d’E.ON. Une deuxième opération de concentration consiste en
l’acquisition par E.ON du contrôle exclusif des activités de distribution et de commerce de détail ainsi que de certains actifs de production d’innogy, société contrôlée par RWE. Enfin, une troisième opération de concentration prévoit que RWE acquerra 16,67 % des parts d’E.ON.
20 Par courriers envoyés, respectivement, les 17 avril, 24 avril, 25 avril, 16 juillet et 13 novembre 2018, les requérantes ont fait part à la Commission de leur souhait de participer à la procédure relative aux première et deuxième opérations de concentration.
21 Le 26 juin 2018, une réunion s’est tenue entre les représentants des requérantes dans les affaires C‑464/23 P, C-465/23 P, C‑467/23 P et C‑470/23°P et la Commission, lors de laquelle ceux-ci ont exprimé à la Commission les inquiétudes de leurs clientes au regard des première et deuxième opérations de concentration ainsi que leur souhait de participer aux procédures y afférentes. Le 28 août 2018, des réunions individuelles se sont tenues entre la Commission et chacune de ces quatre requérantes,
lors desquelles celles-ci ont soumis leurs observations sur ces opérations de concentration.
22 La deuxième opération de concentration (ci-après l’« opération M.8870 ») a été notifiée à la Commission le 31 janvier 2019. La Commission a, s’agissant de cette opération, adopté la décision C(2019) 6530 final, du 17 septembre 2019, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE (affaire M.8870 – E.ON/Innogy) (JO 2020, C 379, p. 16).
23 La troisième opération de concentration a été notifiée au Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne), qui l’a autorisée par décision du 26 février 2019 (affaire B8-28/19, ci-après l’« opération B8‑28/19 »).
B. La procédure administrative
24 Le 22 janvier 2019, la Commission a reçu notification d’un projet de concentration en application de l’article 4 du règlement no 139/2004, par laquelle RWE souhaitait acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, le contrôle exclusif ou le contrôle en commun de certains actifs de production d’E.ON.
25 Le 31 janvier 2019, la Commission a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la notification préalable de cette concentration (affaire M.8871 – RWE/E.ON Assets) (JO 2019, C 38, p. 22, ci-après l’« opération M.8871 »), conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 139/2004.
26 Les actifs de production d’E.ON que RWE doit acquérir dans le cadre de l’opération M.8871 comprennent, d’une part, les entités et les parts dans les entités suivantes, opérant dans le secteur de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables :
– E.ON Climate & Renewables GmbH (Allemagne) ;
– Amrum Offshore West GmbH (Allemagne) ;
– E.ON Climate & Renewables UK Limited (Royaume‑Uni) ;
– E.ON Climate & Renewables North America LLC (États‑Unis) ;
– E.ON Wind Sweden AB (Suède) ;
– E.ON Climate & Renewables Italia Srl (Italie) ;
– Arkona (Allemagne), et
– Delta Nordsee (Allemagne).
27 En outre, RWE acquerra 60,08 % des parts sociales de Rampion NewCo (Royaume‑Uni), qui elle-même détient 50 % des parts sociales de Rampion Offshore Wind Limited (Royaume‑Uni), obtenant ainsi une participation indirecte de 30,1 % dans Rampion Offshore Wind.
28 Les actifs de production d’E.ON qui font partie de l’opération M.8871 comprennent, d’autre part, des participations et les droits de tirage associés dans des actifs nucléaires, à savoir :
– une participation minoritaire de 12,5 % dans Kernkraftwerke Lippe‑Ems GmbH (Allemagne) ;
– une participation minoritaire de 25 % dans Kernkraftwerk Gundremmingen GmbH (Allemagne), de même qu’une quote-part de 25 % du combustible et des déchets nucléaires ainsi que des actifs immobiliers liés à cette centrale nucléaire.
29 Dans le cadre de son examen de l’opération M.8871, la Commission a réalisé une enquête de marché et a donc transmis à certaines entreprises, dont les requérantes, un questionnaire auquel celles-ci ont répondu, le 30 janvier 2019.
30 Par courriers du 31 janvier 2019, les requérantes ont réitéré leur souhait de participer à la procédure menée par la Commission et, à cette occasion, d’être entendues par la Commission dans l’hypothèse où celle-ci déciderait d’ouvrir la phase d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.
C. La décision litigieuse
31 Le 26 février 2019, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle l’opération M.8871 a été déclarée compatible avec le marché intérieur lors de la phase d’examen prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et à l’article 57 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3).
III. Les procédures devant le Tribunal et les arrêts attaqués
32 Par cinq requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 mai 2020, les requérantes ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
33 Dans leurs recours, les requérantes ont invoqué, en des termes en substance identiques, six moyens d’annulation tirés, le premier, d’une scission erronée de l’analyse de l’opération globale, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation du droit d’être entendu, le quatrième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, le cinquième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le sixième, de la violation de l’obligation de diligence.
34 Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté les recours.
IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
35 Par cinq requêtes déposées au greffe de la Cour le 21 juillet 2023, les requérantes ont introduit les présents pourvois.
36 Le même jour, ces requérantes, qui avaient par ailleurs introduit, au cours de l’année 2021, cinq recours en annulation de la décision visée au point 22 du présent arrêt (affaires T‑53/21, T‑55/21, T‑56/21, T‑61/21 et T‑62/21), toujours pendants devant le Tribunal le 21 juillet 2023, ont demandé la suspension de l’examen des présents pourvois jusqu’au prononcé des arrêts du Tribunal à intervenir dans ces affaires.
37 Par décision du 19 septembre 2023, le président de la Cour, après avoir entendu les parties sur ces demandes de suspension ainsi que sur une éventuelle jonction des présents pourvois, a rejeté ces demandes et ordonné cette jonction.
38 Par leurs pourvois, les requérantes demandent à la Cour, en des termes identiques, chacune pour ce qui la concerne :
– d’annuler les arrêts attaqués et la décision litigieuse ;
– à titre subsidiaire et en tout état de cause, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens, y compris les frais d’avocats et de déplacement exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.
39 La Commission et les autres parties demandent à la Cour :
– de rejeter les pourvois et
– de condamner les requérantes aux dépens.
V. Sur les pourvois
40 Au soutien de leurs pourvois, les requérantes invoquent, en des termes identiques, quatre moyens, tirés de la méconnaissance de l’article 101 TFUE et de la violation des droits procéduraux des requérantes (premier moyen), d’une application erronée de l’article 3 du règlement no 139/2004 (deuxième moyen), d’une application erronée de l’article 2 de ce règlement (troisième moyen) et d’une violation des principes relatifs à la répartition de la charge de la preuve (quatrième moyen).
A. Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 101 TFUE et de la violation des droits procéduraux des requérantes
1.  Sur la recevabilité
a) Â Argumentation des parties
41 La Commission soutient que les pourvois n’identifient pas les points des arrêts attaqués qui seraient entachés d’erreurs de droit, de sorte que ces pourvois ne satisferaient pas aux exigences prévues à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.
b)  Appréciation de la Cour
42 Conformément à une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité
du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 4 octobre 2024, thyssenkrupp/Commission, C‑581/22 P, EU:C:2024:821, point 57 et jurisprudence citée).
43 Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard. La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant
manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (arrêt du 4 octobre 2024, thyssenkrupp/Commission, C-581/22 P, EU:C:2024:821, point 58 et jurisprudence citée).
44 En l’espèce, force est de constater que les requérantes ont identifié avec précision les points des arrêts attaqués qu’elles entendent critiquer par leur premier moyen et ont exposé de manière précise et spécifique les erreurs de droit que le Tribunal aurait prétendument commises à ces points.
45 Il s’ensuit que le premier moyen est recevable.
2. Â Sur le fond
a)  Sur la première branche
1)Â Argumentation des parties
46 Les requérantes contestent l’exclusion par le Tribunal, aux points 393 et 394 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 392 et 393 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, de l’applicabilité de l’article 101 TFUE. Cette exclusion « en bloc » serait dépourvue de toute motivation précise et serait erronée. Tout d’abord, l’efficacité de l’interdiction des ententes énoncée à l’article 101 TFUE ne saurait être compromise par les prescriptions d’ordre procédural figurant dans le règlement
no 139/2004, si bien que le Tribunal ne pouvait pas se référer à ce règlement pour écarter l’application de cette disposition. En outre, il ne résulterait pas de l’arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt (C‑248/16, ci-après l’« arrêt Austria Asphalt », EU:C:2017:643, points 33 et 34), invoqué par le Tribunal, qu’une concentration ne peut matériellement enfreindre l’article 101 TFUE en vertu du règlement no 139/2004.En effet, cet arrêt porterait, en réalité, sur la distinction des exigences
procédurales prévues, d’une part, par ce règlement et, d’autre part, par le règlement no 1/2003. Ainsi, le droit primaire s’appliquerait aux opérations de concentration lorsque les parties à l’opération s’entendent – comme en l’espèce – pour restreindre le jeu de la concurrence, ce qui ressortirait tant de l’historique du règlement no 139/2004 que de son libellé et de la jurisprudence.
47 Selon la jurisprudence également, l’application du règlement no 139/2004 n’exclurait pas celle du droit primaire matériel. Dans l’arrêt du 16 mars 2023, Towercast (C‑449/21 P, EU:C:2023:207, points 33 et suivants), la Cour aurait considéré que si l’article 21 du règlement no 139/2004 exclut l’applicabilité du règlement no 1/2003 pour les concentrations définies à l’article 3 du règlement no 139/2004, cet effet de blocage ne concerne, de par son libellé même, que les actes de droit dérivé. En
définitive, ces principes s’imposeraient pour éviter des divergences d’appréciation en matière de contrôle des concentrations.
48 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2) Appréciation de la Cour
49 En ce qui concerne le grief que les requérantes formulent au sujet de la motivation de l’arrêt du Tribunal, il y a lieu de relever d’emblée que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la
juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de
savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 29 juillet 2024, Ryanair et Laudamotion/Commission, C-591/21 P, EU:C:2024:635, point 166 ainsi que jurisprudence citée).
50 En l’espèce, le Tribunal, après avoir, au point 392 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 391 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, exposé que les requérantes soutiennent que, par l’opération globale, RWE et E.ON se sont réparti les étapes de la chaîne de valeur sur le marché de l’électricité en Allemagne, ce qui représenterait une restriction de la concurrence contraire à l’article 101 TFUE, a relevé, au point 393 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 392
des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, qu’il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 que ce règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à son article 3, pour lesquelles le règlement no 1/2003 ne trouve, en principe, pas à s’appliquer. Le Tribunal, se référant à l’arrêt Austria Asphalt, a ajouté que, en revanche, ce dernier règlement demeure applicable aux comportements des entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du
règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales.
51 Au point 394 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 393 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a ajouté que le fait que l’objet de la décision litigieuse concernait une opération de concentration n’était pas contesté. Il a également conclu, à ce point, que, au vu de son appréciation figurant au point 393 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 392 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, l’argument des requérantes tiré d’une violation de l’article 101 TFUE
était inopérant.
52 Ce faisant, le Tribunal, contrairement à ce que font valoir les requérantes, a respecté l’obligation de motivation lui incombant au titre de l’article 296 TFUE. À cet égard, ainsi qu’il ressort des pourvois des requérantes, celles-ci ont pu avancer des griefs au fond contre les appréciations contenues dans ces points des arrêts attaqués et les appréciations de la Cour figurant aux points 54 à  58 du présent arrêt démontrent que la Cour a pu exercer son contrôle sur l’appréciation du Tribunal.
53 S’agissant des critiques de fond des requérantes à l’égard de cette appréciation, il convient de relever qu’elles procèdent d’une lecture erronée des arrêts attaqués.
54 Au point 394 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 393 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal n’a pas exclu l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords passés entre RWE et E.ON aux fins de l’opération M.8871.
55 À ces points, le Tribunal a constaté, en substance, que, dès lors que l’objet de la décision litigieuse était l’examen d’une opération de concentration notifiée à la Commission, c’était au travers du règlement no 139/2004, dont l’objet est le contrôle préventif des opérations de concentration au regard des articles 101 et 102 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Austria Asphalt, points 30 et 31), et non au travers du règlement no 1/2003, dont l’objet est le contrôle des accords, des décisions, des
pratiques concertées et des situations de position dominante visés aux mêmes dispositions du traité, que le respect de l’article 101 TFUE devait être et avait été, à juste titre, contrôlé par la Commission.
56 Or, ce faisant, le Tribunal n’a pas méconnu la réglementation applicable et s’est référé, à bon droit, au point 393 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 392 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, à la jurisprudence relative à cette réglementation figurant aux points 32 et 33 de l’arrêt Austria Asphalt.
57 Cette appréciation du Tribunal n’est pas davantage remise en cause par l’arrêt du 16 mars 2023, Towercast (C‑449/21 P, EU:C:2023:207), cité par les requérantes. Dans cette affaire, l’opération de concentration concernée, qui ne dépassait pas les seuils définis à l’article 1er du règlement no 139/2004, n’avait pas été notifiée, de sorte que le règlement no 139/2004 n’avait, à la différence de l’opération de concentration en cause en l’espèce, pas été mis en Å“uvre et que l’effet de blocage prévu Ã
son article 21, paragraphe 1, ne pouvait s’appliquer.
58 Pour autant que les requérantes prétendent que RWE et E.ON se seraient entendues pour restreindre la concurrence, par le biais d’une opération complexe qui aurait consacré un « cessez le feu » entre des « anciens concurrents acharnés », et que la Commission et le Tribunal ne pouvaient pas faire abstraction de ces circonstances, il convient de relever que si de telles circonstances auraient pu ou pourraient, le cas échéant, à la suite d’une plainte, faire l’objet d’une enquête de la Commission au
titre du règlement no 1/2003, elles n’étaient pas susceptibles de relever de l’examen structurel de l’opération de concentration mené par la Commission dans la décision litigieuse au titre du règlement no 139/2004 et, par suite, du contrôle par le Tribunal de la légalité de cette décision.
59 Il résulte des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen est non fondée.
b)  Sur la deuxième branche
1)Â Argumentation des parties
60 Les requérantes relèvent que le Tribunal, en raison de sa position relative à l’article 101 TFUE, n’a pas vérifié si les éléments de preuve qu’elles avaient présentés caractérisaient une restriction de la concurrence interdite par cet article 101. Or, il ressortirait du dossier que RWE et E.ON sont convenues de se répartir le marché de l’électricité. Le Tribunal aurait pu, et dû, qualifier cette répartition du marché d’interdite en vertu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En outre, il ne
serait pas contesté que la Commission n’a procédé à aucun contrôle de l’opération M.8871 au regard de l’article 101 TFUE et que les parties à cette opération n’ont pas davantage apporté la moindre justification que ladite opération produirait des effets favorables, au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
61 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2) Appréciation de la Cour
62 Par la présente branche, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas avoir vérifié si les éléments de preuve qu’elles ont produits au cours des procédures en première instance caractérisaient l’existence d’une entente contraire à l’article 101 TFUE.
63 Il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que la Commission avait, à juste titre, examiné la concentration en cause dans le cadre du contrôle préventif prévu par le règlement no 139/2004, et, par la suite, que tout élément relatif à l’existence d’une entente anticoncurrentielle au sens de l’article 101 TFUE aurait pu ou pourrait faire, le cas échéant, l’objet d’une plainte dans le cadre du règlement no 1/2003.
64 Or, il n’appartient pas au Tribunal de procéder à des appréciations sans lien avec le contrôle de la légalité de la décision qui fait l’objet du recours en annulation porté devant lui.
65 Dans ces conditions, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant inopérante.
c)  Sur la troisième branche
1)Â Argumentation des parties
66 Les requérantes font valoir, en substance, que, le Tribunal a violé leur droit à être entendues en ce que, d’une part, en ayant retenu le caractère inopérant de l’argument tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, tous les faits exposés par elles pour établir la violation de cette disposition auraient été ignorés pour des motifs purement formels. D’autre part, le rejet par le Tribunal, aux points 406 à  411 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 405 à  410 des arrêts
T‑317/20 et T‑319/20, de la demande de comparution personnelle ou d’audition de témoins présentée par les requérantes, méconnaîtrait le droit de ces dernières d’être entendues.
67 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2) Appréciation de la Cour
68 Par la présente branche, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé leur droit d’être entendues en ignorant les faits qu’elles ont avancés et en n’organisant pas la comparution à l’audience ou l’audition de certains témoins, en ce qui concerne un comportement de RWE et d’E.ON qui serait susceptible d’être contraire à l’article 101 TFUE.
69 Selon une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union qui est désormais exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 40 ainsi que jurisprudence citée). Ce principe comprend le droit d’être entendu (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2024, Energotehnica, C‑792/22,
EU:C:2024:788, point 54).
70 Le droit d’être entendu implique que l’intéressé soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments sur lesquels l’autorité compétente entend fonder sa décision l’affectant. Par ailleurs, le respect du droit d’être entendu dans le cadre d’une procédure juridictionnelle implique non pas que le juge doive incorporer intégralement dans sa décision l’ensemble des allégations avancées par chacune des parties, mais que, après avoir écouté les allégations des parties
et avoir examiné les éléments de preuve, il doive se prononcer sur les conclusions du recours et motiver sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2023, Global Silicones Council e.a./ECHA, C‑559/21 P, EU:C:2023:842, point 76 ainsi que jurisprudence citée).
71 En revanche, ce droit n’englobe pas l’obligation, pour le Tribunal, d’ordonner des mesures d’instruction. En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, s’agissant de l’appréciation, par le juge de première instance, de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Il appartient
donc au seul Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à celle-ci (arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, EU:C:2020:918, point 53 et jurisprudence citée).
72 Il s’ensuit que, lors du contrôle effectué par la Cour dans le cadre d’un pourvoi, il convient de vérifier si les parties ont effectivement été en mesure de présenter, au cours de la procédure écrite, leurs allégations et les fondement invoqués par celles-ci, ainsi que, le cas échéant, au cours de la procédure orale, les détails de leurs allégations et leurs réponses aux allégations des autres parties de la procédure. Toutefois, le Tribunal n’est pas tenu de reproduire, dans sa décision rendue en
première instance, toutes les allégations écrites ou orales des parties et n’est pas tenu, non plus, de prendre position à l’égard de chacune d’elles (arrêt du 14 mars 2013, Viega/Commission, C‑276/11 P, EU:C:2013:163, points 35 et 36).
73 En l’espèce, d’une part, il ressort du dossier soumis à la Cour que les requérantes ont eu l’occasion de faire valoir, au cours de la procédure devant le Tribunal, l’ensemble de leurs arguments relatifs à l’existence d’une entente entre RWE et E.ON, qui serait contraire à l’article 101 TFUE. À cet égard, la circonstance qu’un grief soit considéré comme étant inopérant n’implique nullement que les requérantes n’aient pas été entendues.
74 D’autre part, le Tribunal n’était pas tenu d’incorporer ces arguments dans son raisonnement ni de faire droit à la demande de comparution personnelle ou d’audition de témoins, à supposer même que celle-ci eût été recevable ratione temporis, car ces arguments et cette demande portaient sur un grief, à savoir celui tiré de l’existence d’une entente contraire à l’article 101 TFUE, considéré à bon droit par le Tribunal comme étant inopérant aux points 392 à  394 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et
T‑315/20 ainsi qu’aux points 391 à  393 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20.
75 La troisième branche du premier moyen doit donc être rejetée.
76 Dans ces conditions, le premier moyen est rejeté.
B. Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 3 du règlement no 139/2004
77 Par ce moyen, les requérantes soutiennent que les opérations M.8871, M.8870 et B8‑28/19 font partie intégrante d’une concentration unique et que, partant, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal, elles auraient dû être examinées dans le cadre d’une procédure unique de contrôle des concentrations prévue par le règlement no 139/2004.
1.  Sur la première branche
a) Â Argumentation des parties
78 Les requérantes soutiennent, premièrement, que le Tribunal se serait à tort abstenu de se prononcer sur sa propre compétence pour connaître de l’opération B8-28/19 et se serait erronément fondé sur la prémisse que la Commission n’était pas tenue d’inclure formellement l’entrée de RWE à hauteur de 16,67 % au capital d’E.ON dans la procédure relative à l’opération M.8871 (points 61 à  72 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que points 60 à  71 de l’arrêt T‑317/20), pour en
conclure que, si elles estimaient que l’opération B8-28/19 était susceptible de revêtir une dimension communautaire, il leur revenait d’adresser une plainte à la Commission afin de lui demander d’en connaître.
79 En effet, ni l’arrêt du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission (C‑170/02 P, EU:C:2003:501, points 27 à  30), cité au point 68 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 67 de l’arrêt T‑317/20, ni aucun autre motif n’imposerait aux requérantes de déposer des plaintes séparées et, le cas échéant, de former des recours distincts. Ce serait le devoir de la Commission de vérifier l’existence et la portée d’une concentration.
80 Deuxièmement, en invoquant un défaut de preuve d’une prise de contrôle (point 70 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que point 69 de l’arrêt T‑317/20), le Tribunal aurait dénaturé les faits. En effet, les requérantes auraient fourni des explications complètes concernant l’influence et le contrôle exercés par RWE au sein d’E.ON. En outre, l’Investor Relationship Agreement (accord de relations entre investisseurs, ci-après l’« IRA »), que le Tribunal oppose à ces arguments,
n’aurait jamais été communiqué aux requérantes. Enfin, l’IRA n’empêcherait pas RWE de déroger à cet accord dans l’exercice de son droit de vote. Ledit accord serait de toute façon entaché de nullité, puisqu’il violerait l’article 134, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’Aktiengesetz (loi allemande sur les sociétés anonymes), ce qui aurait été expliqué en détail lors de l’audience, mais ne serait pas mentionné dans les arrêts attaqués.
81 Troisièmement et indépendamment de ce qui précède, il aurait incombé à la Commission et au Tribunal d’examiner l’entrée de RWE au capital d’E.ON à hauteur de 16,67 % même si celle-ci, prise isolément, ne constituait pas une concentration au sens du règlement no 139/2004 dès lors que, en vertu du considérant 21 de ce règlement, la Commission pourrait examiner les accords liés à la réalisation de la concentration.
82 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
b)  Appréciation de la Cour
83 Par la présente branche, qui vise les points 61 à  72 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que les points 60 à  71 de l’arrêt T‑317/20, les requérantes font, en substance, grief au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission aurait dû se prononcer, dans la décision litigieuse, sur sa compétence, et par suite, formellement inclure la prise de participation minoritaire de RWE au capital d’E.ON, c’est‑à ‑dire l’opération B8‑28/19, dans la procédure relative à l’opération
M.8871. Elles reprochent également au Tribunal d’avoir dénaturé certains éléments de fait du dossier.
84 Au point 61 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 60 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a relevé que la Commission avait rappelé dans la décision litigieuse son obligation, dans son appréciation des effets concurrentiels de toute acquisition de contrôle, de tenir compte également des participations minoritaires détenues par l’acquéreur dans d’éventuelles sociétés apparentées, et que la Commission avait donc vérifié si l’acquisition de la participation de RWE dans
E.ON, faisant l’objet de l’opération B8-28/19, était susceptible de réduire l’intérêt de ces parties à se concurrencer ou de leur donner la capacité et un intérêt à exclure des concurrents.
85 Aux points 62 et 63 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 61 et 62 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a conclu que la Commission avait tenu compte de la participation acquise par RWE dans E.ON dans le cadre de l’appréciation des effets de l’opération M.8871, mais n’avait pas examiné la compatibilité de l’opération B8-28/19 avec le marché intérieur au regard du règlement no 139/2004, le Tribunal observant que c’est l’autorité compétente allemande qui a examiné la
compatibilité de cette concentration au regard du droit allemand.
86 Aux points 64 à  66 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 63 à  65 de l’arrêt T‑317/20, en réponse aux arguments des requérantes selon lesquels la Commission aurait dû examiner la concentration B8-28/19 dès lors que la participation minoritaire acquise par RWE sur E.ON permettait à RWE d’exercer une influence déterminante sur E.ON, le Tribunal a rappelé la définition de la notion de « concentration », au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, et a relevé que
les requérantes considéraient que l’opération B8-28/19 constituait une telle concentration et reprochaient donc à la Commission de ne pas l’avoir examinée.
87 Au point 67 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 66 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a exposé que l’objet du recours introduit devant lui portait formellement sur la décision litigieuse ayant déclaré l’opération M.8871 compatible avec le marché intérieur et que, même si cette décision contenait des éléments sur la participation acquise par RWE dans E.ON de nature à faire comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas considéré l’opération B8-28/19
comme étant une concentration, au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, cette décision ne statuait pas de manière explicite sur cette question ni, par extension, sur la compétence de la Commission pour connaître de la compatibilité de cette concentration avec le marché intérieur. Dès lors, selon le Tribunal, les requérantes ne pouvaient invoquer un moyen tiré d’une scission erronée de l’opération globale, pour lui demander de trancher une question de compétence qui n’avait pas été abordée
par la Commission dans la décision effectivement attaquée devant lui.
88 Le Tribunal a également souligné que si les requérantes avaient estimé que l’opération B8-28/19 était susceptible de revêtir une dimension communautaire, il leur aurait appartenu d’adresser une plainte à la Commission, auquel cas cette dernière aurait dû statuer sur le principe même de sa compétence d’autorité de contrôle (point 68 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que point 67 de l’arrêt T‑317/20).
89 Le Tribunal a observé que, en tout état de cause, l’acquisition d’une participation minoritaire ne peut donner lieu à une prise de contrôle que si des droits spécifiques sont attachés à cette participation, conférant un contrôle exclusif de droit, ou si l’actionnaire minoritaire obtient, en raison de circonstances particulières, un contrôle exclusif de fait (point 69 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que point 68 de l’arrêt T‑317/20). Or, d’une part, les requérantes
n’avaient pas soutenu que de tels droits étaient attachés à la participation acquise par RWE (point 70 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que point 69 de l’arrêt T‑317/20) et, d’autre part, RWE ne saurait, compte tenu de l’IRA, obtenir la majorité aux assemblées générales d’E.ON, même en présence d’un faible nombre d’actionnaires. Le Tribunal a observé que, de plus, les requérantes n’avaient pas avancé d’indices pour soutenir la plausibilité d’une quelconque coordination
entre [confidentiel] ( 1 ) et RWE aux assemblées générales d’E.ON qui pourrait conférer à RWE une majorité stable dans ces assemblées. Partant, selon le Tribunal, il ne pouvait être considéré que RWE avait acquis un contrôle exclusif de fait sur E.ON (point 71 des arrêts T‑312/20, T-313/20, T-315/20 et T‑319/20 ainsi que point 70 de l’arrêt T‑317/20), et les requérantes n’étaient pas fondées à soutenir que l’opération B8-28/19 constituait une concentration, au sens de l’article 3 du règlement
no 139/2004 (point 72 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que point 71 de l’arrêt T‑317/20).
90 En premier lieu, s’agissant du grief selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne constatant pas que la Commission aurait dû se prononcer, dans la décision litigieuse, sur sa compétence pour contrôler l’opération B8-28/19, il convient de rappeler que le système de contrôle des concentrations organisé par le règlement no 139/2004 comporte l’obligation pour les opérateurs économiques de notifier à la Commission leurs opérations de concentration, ainsi que l’interdiction de
mettre en œuvre ces opérations avant que la Commission n’ait constaté leur compatibilité avec le marché commun. Dans ce cadre, la Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception, en vue de l’adoption d’une décision que la concentration notifiée ne relève pas de ce règlement, ou qu’elle ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, ou qu’elle soulève de tels doutes (article 6, paragraphe 1, dudit règlement) avec pour conséquence, dans ce dernier
cas, l’ouverture d’une procédure formelle d’examen menant à une décision de compatibilité (article 8, paragraphes 1 et 2, du même règlement) ou d’incompatibilité de la concentration notifiée (article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004), ou encore, dans le cas d’une concentration déjà réalisée et incompatible ou violant une condition, à une décision ordonnant la dissolution de cette concentration (article 8, paragraphe 4, de ce règlement).
91 Il découle des dispositions rappelées au point précédent que la Commission ne saurait examiner, afin de la déclarer éventuellement compatible avec le marché commun, une opération de concentration qui ne lui a pas été notifiée en violation de l’obligation prévue à l’article 4 dudit règlement. Toutefois, dans le cas où une plainte lui est adressée dénonçant de tels faits comme étant constitutifs d’une concentration de dimension communautaire visée par le règlement no 139/2004, la Commission est
tenue de se prononcer sur sa compétence de contrôle à l’égard de ces faits, pour, le cas échéant, déterminer s’ils constituent une telle concentration, illégale faute d’avoir été notifiée et si, dans un tel cas, il convient d’infliger des amendes en application de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004.
92 En l’occurrence, le Tribunal a constaté que l’opération B8-28/19, soumise au contrôle de l’Office fédéral des ententes, n’avait pas été notifiée à la Commission. Partant, si la Commission a dûment pris en considération l’acquisition par RWE d’une participation minoritaire dans E.ON pour apprécier les interactions concurrentielles susceptibles d’en résulter entre les parties à l’opération M.8871, qui lui avait été notifiée, elle n’avait pas, en l’absence de plainte, à déterminer d’office sa propre
compétence à l’égard de l’opération B8-28/19.
93 Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner l’interprétation qu’a donnée le Tribunal de l’arrêt du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission (C‑170/02 P, EU:C:2003:501, points 27 à  30), celui-ci n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant le grief des requérantes selon lequel la Commission aurait dû se prononcer, dans la décision litigieuse, sur l’opération B8-28/19.
94 En outre, il convient de relever que, contrairement à ce que suggèrent les requérantes dans leurs pourvois, le Tribunal a mentionné et vérifié les appréciations opérées par la Commission au sujet de la prise de participation minoritaire de RWE dans E.ON (voir points 61 à 71 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi que points 60 à  70 de l’arrêt T‑317/20 ; voir, également, points 269, 308 et 364, dernières phrases, et 370 et suivants des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 ainsi que
points 268, 307 et 363, dernières phrases, et 369 et suivants des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
95 En deuxième lieu, s’agissant du grief tiré d’une dénaturation des faits par le Tribunal, en ce que, contrairement aux affirmations de cette juridiction figurant aux points 70 et 71 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20, ainsi qu’aux points 69 et 70 de l’arrêt T‑317/20, tout d’abord, elles avaient bien fourni des explications au soutien de leurs allégations relatives à l’influence et au contrôle exercé par RWE au sein d’E.ON, ensuite, l’IRA ne leur aurait jamais été communiqué et,
enfin, cet accord n’empêchait pas RWE d’y déroger lors de l’exercice de son droit de vote, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 86).
96 Or, les motifs exposés par le Tribunal respectivement aux points 65 à  68 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 64 à  67 de l’arrêt T‑317/20 suffisent à justifier que le Tribunal ait écarté, dans ces arrêts, la première branche du premier moyen par laquelle les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir contrôlé l’opération B8-28/19. Le fait que tant le point 69 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 que le point 68 de l’arrêt T‑317/20
débutent par « En tout état de cause » confirme cette appréciation.
97 Étant donné que, au stade des pourvois, les requérantes ne sont pas parvenues à établir, à l’occasion du grief qu’elles ont soulevé au soutien de la présente branche du deuxième moyen, que ces points des arrêts attaqués sont entachés d’une erreur de droit, le présent grief doit être rejeté.
98 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel il aurait incombé à la Commission et au Tribunal d’examiner l’entrée de RWE au capital d’E.ON à hauteur de 16,67 % même si celle-ci, prise isolément, ne constituait pas une concentration au sens du règlement no 139/2004, il a déjà été relevé, au point 94 du présent arrêt, que la Commission a apprécié cette prise de participation minoritaire, ce que le Tribunal a dûment mentionné et vérifié dans les arrêts attaqués.
99 Dans ces conditions, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
2. Â Sur la seconde branche
a) Â Argumentation des parties
100 Les requérantes relèvent que, aux points 74 à  119 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 73 à  118 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a rejeté leurs arguments selon lesquels les opérations M.8871, M.8870 et B8‑28/19 forment une concentration unique. Cette interprétation par le Tribunal de la notion de « concentration », au sens du règlement no 139/2004, méconnaîtrait les objectifs du traité FUE et l’importance du considérant 20 de ce règlement, ainsi que les termes
de la communication consolidée sur la compétence. Même si ce considérant 20 n’est pas repris dans le corps dudit règlement, le législateur de l’Union y confirmerait qu’il retient une conception large de la notion de « concentration », sans exclure que des opérations d’échange étroitement liées puissent également constituer une concentration unique. D’ailleurs, le libellé tout aussi large de l’article 3 du règlement no 139/2004 permettrait de considérer comme étant une concentration unique
plusieurs opérations par lesquelles différentes entreprises acquièrent le contrôle de différentes « autres » entreprises, ce qui, en définitive, ne serait pas remis en question par l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 139/2004. Cela aurait été confirmé par le Tribunal dans son arrêt du 23 février 2009, Cementbouw Handel & Industrie/Commission (T‑282/02, EU:T:2006:64, points 111 et suivants).
101 Contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 84 et 85 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 83 et 84 de l’arrêt T‑317/20, l’examen conjoint des opérations d’échange n’aurait pas été écarté par un choix délibéré du législateur, pas plus que ce dernier n’aurait pas décidé que seule la communication consolidée sur la compétence était décisive. Or, dans le livre vert sur la révision du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au
contrôle des opérations de concentration entre entreprises [COM(2001) 745 final] (ci-après le « livre vert »), la Commission aurait plaidé pour que les opérations d’échange soient considérées comme une seule et même opération de concentration. Au cours de la procédure législative, la discussion sur la révision envisagée aurait toutefois abouti à ce que l’application de la notion de « concentration » en cas d’acquisitions multiples soit garantie par le considérant 20.
102 Au demeurant, la communication consolidée sur la compétence ne serait qu’une mesure administrative interne qui ne lierait pas le Tribunal. Dans ses conclusions dans l’affaire Austria Asphalt (C‑248/16, EU:C:2017:322), l’avocate générale Kokott aurait elle aussi précisé que cette communication ne faisait pas partie du cadre juridique pertinent. Le Tribunal aurait, par conséquent, commis une erreur de droit en fondant son appréciation des opérations d’échange sur les points 41 et 44 de ladite
communication pour refuser de considérer les opérations M.8871, M.8870 et B8‑28/19 comme constituant une concentration unique.
103 La Commission, RWE et E.ON ainsi que le gouvernement allemand contestent les arguments des requérantes.
b)  Appréciation de la Cour
104 Par la seconde branche du deuxième moyen, qui vise, en substance, le raisonnement du Tribunal figurant aux points 74 à  86 des arrêts T‑312/20, T-313/20, T-315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 73 à  85 de l’arrêt T‑317/20, les requérantes reprochent au Tribunal son interprétation de la notion de « concentration unique ». Selon elles, une concentration unique peut rassembler plusieurs opérations par lesquelles différentes entreprises acquièrent le contrôle de différentes autres entreprises.
L’interprétation par le Tribunal de la notion de « concentration », au sens du règlement no 139/2004, méconnaîtrait les objectifs du traité FUE et l’importance du considérant 20 de ce règlement, ainsi que les termes de la communication consolidée sur la compétence.
105 Aux points 74 à  77 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 73 à  76 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal, après avoir relevé que la notion de « concentration unique » figure uniquement au considérant 20 du règlement no 139/2004, d’une part, a observé que ce considérant 20 ne contient pas de définition exhaustive des conditions dans lesquelles deux opérations ou plus constituent une concentration unique, et, d’autre part, a rappelé qu’un considérant de règlement, s’il
peut éclairer l’interprétation à donner à une règle de droit, ne saurait ni constituer une telle règle ni mener à une définition non conforme aux dispositions du règlement au préambule duquel il s’intègre.
106 Au point 78 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 77 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal en a déduit que la notion de « concentration unique » devait être interprétée de manière compatible avec la notion de « concentration », définie à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, sans élargir la portée de cette disposition.
107 Aux points 79 et 80 des arrêts T‑312/20, T-313/20, T-315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 78 et 79 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a déduit de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 qu’afin de considérer deux ou plusieurs opérations comme constituant une concentration unique au sens de ce règlement, il faut notamment, outre l’interdépendance de ces opérations en ce sens qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres, que le résultat de ces opérations consiste Ã
conférer à une ou plusieurs entreprises le contrôle économique sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises.
108 Aux points 81 à  86 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 80 à  85 de l’arrêt T‑317/20, le Tribunal a répondu à l’argument des requérantes, selon lequel le considérant 20 du règlement no 139/2004 aurait concrétisé la volonté de la Commission, manifestée dans le livre vert, de considérer de manière très générale les échanges d’actifs comme étant une seule concentration afin d’assurer une appréciation cohérente de l’ensemble de l’opération, en observant que cette
volonté n’avait pas été suivie par le législateur de l’Union dans le règlement no 139/2004 et en concluant que, compte tenu des conditions rappelées au point 80 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 79 de l’arrêt T‑317/20, la notion de « concentration unique » n’a pas vocation à s’appliquer lorsque des entreprises indépendantes acquièrent le contrôle de cibles différentes, comme dans le cas d’un échange d’actifs.
109 Contrairement aux arguments exposés par les requérantes, ces appréciations du Tribunal ne méconnaissent ni les objectifs du traité FUE, ni l’importance du considérant 20 du règlement no 139/2004, ni les termes de la communication consolidée sur la compétence.
110 Tout d’abord, le Tribunal a constaté, à bon droit, que le considérant 20 du règlement no 139/2004 n’était pas contraignant et ne pouvait mener à une définition de la notion de « concentration unique » qui ne soit pas conforme à l’article 3 de ce règlement.
111 Ensuite, le Tribunal a relevé, également à juste titre, en substance, qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 que deux ou plusieurs opérations ne peuvent constituer une concentration unique aux fins du contrôle des concentrations que si, outre leur nécessaire interdépendance, elles aboutissent à conférer le contrôle exclusif à une entreprise, ou le contrôle en commun à deux ou plusieurs entreprises, sur une ou plusieurs autres entreprises.
112 Le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur en constatant que le livre vert avait pour objectif de démarrer un processus de consultation, n’avait pas créé d’obligation à la charge de la Commission et, enfin, n’avait pas été concrétisé par le législateur de l’Union dans le règlement no 139/2004, s’agissant des propositions de ce livre vert relatives aux opérations d’échanges d’actifs.
113 En ce qui concerne la référence opérée par les requérantes à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 139/2004, il convient d’observer que cette disposition ne fait que déterminer le moment à partir duquel plusieurs opérations d’acquisition doivent être considérées comme étant une seule concentration aux fins du calcul du chiffre d’affaires. En revanche, ladite disposition ne définit pas la notion de « concentration » elle-même.
114 S’agissant, enfin, de la communication consolidée sur la compétence, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Tribunal n’a pas jugé, aux points 84 et 85 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’aux points 83 et 84 de l’arrêt T‑317/20, que seule cette communication était décisive aux fins de la définition de la notion de « concentration unique ». En effet, il a indiqué que, étant donné que les propositions du livre vert relatives aux
opérations d’échanges d’actifs n’avaient pas été intégrées par le législateur de l’Union dans la version finale du règlement no 139/2004, ces propositions n’étaient pas pertinentes en l’espèce, si bien que seuls ce règlement et ladite communication étaient pertinents à cet égard. Par ailleurs, le simple fait que la communication consolidée sur la compétence soit dépourvue de valeur contraignante ne saurait, en soi, avoir pour conséquence que la prise en compte de celle-ci par le Tribunal
revienne à entacher les arrêts attaqués d’une erreur de droit, d’autant plus que les requérantes n’établissent pas que l’interprétation retenue par la Commission dans cette communication ne serait pas susceptible de trouver un fondement dans le règlement no 139/2004.
115 Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 86 des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20 et T‑319/20 ainsi qu’au point 85 de l’arrêt T‑317/20, que la notion de « concentration unique » n’a pas vocation à s’appliquer lorsque des entreprises indépendantes acquièrent le contrôle de cibles différentes, comme c’est le cas, à l’instar de la présente affaire, lors d’un échange d’actifs.
116 La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.
117 Il s’ensuit que le deuxième moyen des pourvois est rejeté.
C. Sur le troisième moyen, tiré d’une application erronée de l’article 2 du règlement no 139/2004
1.  Sur la première branche
a) Â Argumentation des parties
118 Les requérantes font valoir que les points 205 à  228 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que les points 204 à  227 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20 sont entachés d’une erreur de droit en ce qu’ils confirment l’erreur manifeste d’appréciation du marché en cause commise par la Commission.
119 Aux points 220 et 221 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 219 et 220 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal aurait estimé que « quelles que soient les définitions du marché [...] finalement retenues, la concentration ne posait pas de problème de concurrence » et que les requérantes n’auraient invoqué « aucun argument spécifique » ni « [expliqué] concrètement pour quelles raisons la Commission aurait dû retenir une définition différente des [...] marchés ». Cette
présentation dénaturerait les faits et méconnaîtrait les exigences de preuve pouvant être imposées aux requérantes. En effet, dans leurs requêtes et dans une étude préparée à leur demande par une entreprise de conseil économique et transmise à la Commission (ci‑après l’« étude Oxera »), les requérantes auraient exposé avec précision leur propre définition du marché et les conclusions qu’elles en ont tirées pour reprocher à la Commission une enquête insuffisante et/ou une erreur manifeste
d’appréciation en ce qu’elle a laissé ouverte la délimitation du marché. Le Tribunal aurait donc disposé de tous les éléments de preuve pour être en mesure de statuer.
120 Le Tribunal et la Commission n’auraient pas pu ignorer la définition du marché. La décision litigieuse n’indiquerait pas pour quelle raison la Commission a considéré que, malgré les éléments de preuve susmentionnés, le pouvoir de marché croissant de RWE sur le marché de la première vente d’électricité ne posait aucun problème, quelles que soient les définitions de marché envisageables.
121 La Commission, RWE, E.ON et le gouvernement allemand contestent les arguments des requérantes.
b)  Appréciation de la Cour
122 Par la première branche du troisième moyen, les requérantes soutiennent que les points 205 à  228 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que les points 204 à  227 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20 sont entachés d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal n’a pas censuré l’erreur manifeste d’appréciation du marché en cause qu’aurait commise la Commission dans la décision litigieuse.
123 S’agissant du contrôle incombant à la Cour sur pourvoi, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256 TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur
dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 11 et jurisprudence citée).
124 En outre, le requérant qui allègue une dénaturation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal doit indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (arrêt du 4 octobre 2024, thyssenkrupp/Commission, C‑581/22 P, EU:C:2024:821, point 102 et jurisprudence citée). Cette dernière suppose que le Tribunal ait manifestement outrepassé les limites d’une
appréciation raisonnable des éléments de preuve [arrêt du 4 juillet 2024, Portugal/Commission (Zone franche de Madère), C‑736/22 P, EU:C:2024:579, point 56 et jurisprudence citée]. Il ne suffit donc pas de montrer qu’un document pourrait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal. Enfin, la dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du
13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 142 et jurisprudence citée).
125 Par ailleurs, la Cour n’est pas non plus compétente pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui des faits qu’il constate, puisqu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments de preuve produits devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C‑500/99 P, EU:C:2002:45, point 59 et jurisprudence citée). Le Tribunal est également seul compétent pour décider si ces éléments de preuve suffisent ou
doivent être complétés (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).
126 S’agissant du critère du contrôle incombant au Tribunal sur la décision litigieuse, il convient de rappeler que, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans le contexte du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1989, L 395, p. 1) (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 38), les règles de fond du règlement no 139/2004 confèrent à la Commission un certain pouvoir
discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique complexes. En conséquence, le contrôle par le juge de l’Union de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations.
127 Il convient d’ajouter que, dans le cadre du contrôle que le Tribunal exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission, il n’appartient pas à celui-ci de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, points 64 et 66, ainsi que du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 75). Il s’ensuit que le contrôle exercé par le Tribunal sur
les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement no 139/2004 porte sur la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 84).
128 En l’espèce et à la lumière de ce qui précède, il convient de relever que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rappelant, au point 210 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 209 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, que la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du Tribunal.
129 Aux points 219 à  228 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 218 à  227 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a examiné la motivation de la décision litigieuse et l’argumentation des requérantes et a constaté que ces dernières n’avaient pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la définition du marché pertinent.
130 S’agissant du grief des requérantes selon lequel, en ce que le Tribunal relève qu’elles n’ont avancé aucun argument spécifique pour remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle la concentration ne posait pas de problème de concurrence quelles que soient les définitions du marché finalement retenues, cette juridiction dénaturerait les faits et méconnaîtrait les exigences de preuve pouvant être imposées, il convient de le rejeter. En effet, il ressort d’une lecture d’ensemble
de ces points, à la lumière des limites dans lesquelles s’inscrit le contrôle par le Tribunal des appréciations économiques complexes de la Commission, que le Tribunal n’y a pas affirmé l’absence, dans les recours introduits devant lui, d’arguments contestant l’appréciation de la Commission relative à la définition du marché en cause. À cet égard, le Tribunal a d’ailleurs spécifiquement évoqué l’argumentation des requérantes selon laquelle le marché de l’électricité issue de sources d’énergie
renouvelables bénéficiant du Gesetz für den Ausbau erneuerbarer Energien (Erneuerbare-Energien-Gesetz – EEG 2017) (loi allemande sur les énergies renouvelables), du 21 juillet 2014 (BGBl. 2014 I, p. 1066, ci-après la « loi EEG »), serait un marché autonome. Cependant, le Tribunal a constaté, en substance, l’absence d’éléments relatifs aux caractéristiques propres aux différentes sources d’énergie, à leur absence d’interchangeabilité, aux conditions de la concurrence et à la structure de la
demande et de l’offre, qui justifieraient, dans le cadre du contrôle restreint lui incombant, de constater que la Commission avait commis une erreur manifeste dans son appréciation du marché en cause. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le Tribunal ne modifie pas les exigences probatoires incombant à toute partie invoquant un fait, mais relève seulement, à ces points des arrêts attaqués, que les éléments avancés par celles-ci ne sont pas de nature à remettre en cause les
appréciations de la Commission relatives au marché de produits en cause.
131 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par leur grief, les requérantes visent, en réalité, à contester devant la Cour l’appréciation par le Tribunal des éléments de preuve dont il disposait, et à obtenir de la Cour un nouvel examen des faits. Or, ainsi qu’il ressort du point 123 du présent arrêt, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, hors le cas de la dénaturation, non établie en l’occurrence, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la
Cour.
132 La première branche du troisième moyen doit, partant, être rejetée.
2.  Sur la deuxième branche
a) Â Argumentation des parties
133 Les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 229 à  259 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 228 à  258 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, a commis une erreur de droit en approuvant l’analyse prospective insuffisante, parce que temporellement trop courte, des effets de la concentration.
134 En effet, en premier lieu, le Tribunal aurait erronément suggéré, aux points 233 et 234 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 232 et 233 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, qu’un examen des parts de marché serait suffisant, tandis que les éléments présentés par les requérantes constitueraient des « éléments hypothétiques dont la portée économique [...] ne peut être évaluée »« avec une marge d’erreur raisonnable ».
135 En deuxième lieu, ce serait à tort que le Tribunal, aux points 235 à  239 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 234 à  238 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, n’a pas censuré la Commission pour avoir insuffisamment tenu compte de l’évolution de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire au 31 décembre 2022, en opérant une distinction globale entre la période antérieure à l’année 2022 et la période postérieure, s’agissant des effets de la concentration sur les parts
de marché détenues par RWE. Premièrement, le Tribunal aurait lui-même constaté que ces considérations étaient limitées aux parts de marché détenues par RWE, ce qui ne tiendrait pas compte des particularités du marché de la première vente d’électricité. Deuxièmement, aux considérants 30, 35, 62 et 65 de la décision litigieuse, la Commission n’aurait pas suffisamment examiné les effets de la concentration au-delà de l’année 2022, mais se serait bornée à constater que les capacités nucléaires
transférées par E.ON disparaîtraient avec la sortie du nucléaire au cours de l’année 2022 et que de tels effets seraient dès lors limités. Or, cela ne serait pas conforme à l’article 2 du règlement no 139/2004, qui exigerait que l’analyse prospective soit effectuée avec une grande attention, puisque l’opération globale et la disparition durable de la concurrence potentielle d’E.ON affecteraient la concurrence sur le marché de la première vente d’électricité, même au-delà de l’arrêt de
l’utilisation des capacités de production des centrales nucléaires au cours de l’année 2022. Troisièmement, il ne saurait être question de diligence dans l’établissement de l’analyse prospective, dès lors que la Commission admettrait elle-même, au considérant 62 de la décision litigieuse, visé par les arrêts attaqués (point 236 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 235 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20) qu’elle n’a pas mené une enquête exhaustive à cet égard. La présentation
des faits dans les arrêts attaqués, en ce qu’elle contredirait le contenu de la décision litigieuse, dénaturerait cette décision au préjudice des requérantes.
136 En troisième lieu, en indiquant, au point 240 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 239 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, qu’« il serait raisonnable de considérer qu[e la Commission] s’est fondée sur une période de 3 à  5 ans à compter de la notification de la concentration, faite au cours de l’année 2019, pour conduire son analyse », le Tribunal prêterait à la Commission, en dénaturant les faits, des pronostics qui ne ressortent aucunement de la décision litigieuse.
137 Cela étant, cette supposée perspective d’une durée de trois à cinq ans ne saurait pas davantage constituer un pronostic prudent, cette période étant nettement trop courte pour examiner les effets de la concentration sur le marché de la première vente d’électricité. En outre, le Tribunal aurait estimé que les périodes de dix à quinze années retenues par la Commission dans d’autres procédures seraient sans pertinence, alors que ces affaires portaient, comme en l’espèce, sur des prévisions sur les
marchés de la production d’électricité. De même, il ne serait pas exact que la Commission ne disposait pas d’éléments qui lui auraient permis de « procéder à une analyse prospective plus éloignée dans le temps » (points 246 et suivants des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 245 et suivants des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Enfin, la dénégation par le Tribunal, au point 257 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 256 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, de la
distorsion de concurrence dénoncée par les requérantes du fait du financement par le gouvernement allemand de la sortie du charbon par RWE, au motif que ce financement a été déclaré conforme aux dispositions régissant les aides de l’État dans l’affaire SA.58181, serait, elle aussi, erronée.
138 La Commission, RWE, E.ON et le gouvernement allemand contestent les arguments des requérantes.
b)  Appréciation de la Cour
139 Par la deuxième branche du troisième moyen, qui vise les points 229 à  259 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que les points 228 à  258 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en approuvant l’analyse prospective selon elles insuffisante, parce que temporellement trop courte, des effets de la concentration.
140 Aux points 231 à  235 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 230 à  234 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a rappelé, en se référant à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, que, dans le contrôle des concentrations, il est exigé de la Commission qu’elle fournisse un pronostic sur l’évolution future du marché. Le Tribunal a relevé que cette analyse prospective devrait être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas
d’examiner des événements passés pour lesquels sont souvent disponibles de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, mais de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée. Le Tribunal a précisé que l’analyse prospective consistant à examiner en quoi une opération de concentration pourrait modifier les facteurs déterminant
l’état de la concurrence sur un marché donné, requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet, afin de retenir ceux dont la probabilité est la plus forte. Enfin, le Tribunal a rappelé que l’appréciation d’une opération de concentration s’effectue uniquement sur la base des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette opération et non sur la base d’éléments hypothétiques dont la portée économique ne peut être évaluée au moment où intervient la
décision d’autorisation. Il en a conclu qu’il est attendu de la Commission qu’elle procède à une appréciation des effets de la concentration sur une période dont la durée maximale ne saurait dépasser l’horizon de la survenance, à un degré de certitude suffisant, de certains événements. Il ne saurait donc être exigé de la Commission qu’elle se prête à une analyse prospective sur la base d’éléments dont elle ne serait pas en mesure d’envisager, avec une marge d’erreur raisonnable, les effets sur
le long terme.
141 Le Tribunal a observé que, dans la décision litigieuse, la Commission avait distingué deux périodes, la première courant à compter de la réalisation de la concentration jusqu’au 31 décembre 2022, date décidée par le législateur allemand pour la sortie du nucléaire, et la seconde postérieure à cette date, le Tribunal notant que la Commission n’avait toutefois pas précisé l’horizon maximal de cette seconde période et considérant raisonnable de retenir que cette institution s’était fondée, pour
conduire son analyse, sur une période de trois à cinq ans à compter de la notification, faite au cours de l’année 2019, de cette concentration (points 236 à  240 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 235 à  239 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
142 Au grief des requérantes selon lequel la Commission aurait plutôt dû, suivant sa pratique décisionnelle antérieure, envisager une période d’analyse prospective de 15 à  20 ans, compte tenu, selon elles, de la durée des cycles d’investissement propres au marché de l’électricité et des bouleversements que connaîtrait ce marché en raison de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire, le Tribunal a répondu que, dans ces affaires antérieures, la Commission avait disposé d’éléments lui
permettant, avec une certitude raisonnable, d’envisager l’évolution du marché durant un tel laps de temps (point 245 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 244 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
143 Le Tribunal a examiné si, en l’espèce, la Commission avait disposé d’éléments qui lui auraient permis de procéder à une analyse prospective plus éloignée dans le temps que celle opérée dans la décision litigieuse (points 246 à  258 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 245 à  257 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Il a observé, à cet égard, que les requérantes ne faisaient état que de leurs propres projets d’investissement, sans mentionner de projets que RWE pourrait réaliser Ã
la suite de la concentration et que, au contraire, les requérantes avaient signalé que RWE et E.ON pourraient être dissuadés de réaliser des investissements massifs après la concentration. Le Tribunal en a déduit que, à supposer que les cycles d’investissement dans ce secteur s’étalaient bien sur des périodes de 15 à  20 ans, comme le soutenaient les requérantes, la Commission ne pouvait fonder son analyse prospective sur une telle période pour cette seule raison (point 249 des arrêts T‑312/20,
T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 248 des arrêts T‑317/20 et T-319/20). Quant au potentiel impact de la sortie du charbon, le Tribunal a relevé que le Gesetz zur Reduzierung und zur Beendigung der Kohleverstromung (loi sur la réduction et la fin de la production d’électricité à partir du charbon), du 8 août 2020 (BGBl. 2020 I, p. 1818, ci-après la « loi sur la sortie du charbon »), était postérieure à l’adoption de la décision litigieuse, mais qu’elle avait été adoptée à la suite d’un rapport
antérieur à cette adoption et qui envisageait une sortie du charbon vers l’année 2038 (points 250 et 251 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 249 et 250 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Le Tribunal a relevé que ledit rapport ne se prononçait pas sur une date précise de fermeture des centrales électriques au charbon d’Uniper SE – société dont les requérantes mentionnaient la disparition pour soutenir que la structure du marché allait changer au profit de RWE –, mais
indiquait que l’exploitant de la mine de charbon fournissant Uniper envisageait une exploitation jusqu’au milieu des années 2030 (points 252 et 253 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 251 et 252 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Le Tribunal, après avoir évoqué un communiqué de presse du gouvernement allemand, du 15 janvier 2020, faisant état d’un accord avec les Länder pour la sortie du charbon, un communiqué de presse d’Uniper du 30 janvier 2020 mentionnant sa volonté de
sortir du charbon et certaines perspectives relatives à l’absence de mise en service de la centrale électrique au charbon Datteln 4, a observé que c’est dans ce contexte que la loi sur la sortie du charbon avait été adoptée, dont l’article 4, s’il prévoit un calendrier de réduction et d’arrêt des émissions des centrales électriques au charbon, ne cite pas, contrairement à la loi sur la sortie du nucléaire, les noms des centrales électriques au charbon concernées (points 253 et 254 des arrêts
T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 252 et 253 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
144 Le Tribunal en a déduit que même si la Commission avait connaissance qu’une loi sur la sortie du charbon était en préparation et qu’Uniper arrêterait l’exploitation de ses centrales électriques au charbon, elle n’était pas en mesure de connaître, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, les modalités exactes de cette loi, qui ne furent précisées qu’au mois de janvier 2020. Il a également relevé que les requérantes ne s’intéressaient qu’à Uniper sans tenir compte des effets probables de
ladite loi sur RWE, qui détenait également des centrales électriques au charbon. Enfin, il a relevé que dès lors que les actifs de production d’électricité conventionnelle d’E.ON concernés par la concentration étaient des actifs nucléaires et non des centrales électriques au charbon, la Commission n’avait pas à prendre en considération les changements induits par la même loi sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité pour anticiper d’une manière raisonnable les
effets de la concentration sur un marché ainsi redéfini. Le Tribunal a ajouté que cela se justifiait d’autant plus que, la sortie du charbon devant s’étaler jusqu’à l’année 2038, un tel exercice aurait exigé de la Commission une projection dans un futur très lointain pouvant être marqué par des changements non encore prévisibles, mais susceptibles de modifier encore la structure du marché (point 255 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 254 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
145 Quant à l’argument des requérantes selon lequel la loi sur la sortie du charbon provoquerait une distorsion de la concurrence dans la mesure où le gouvernement allemand doterait RWE de moyens financiers considérables, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas qualifié le mécanisme d’appel d’offres de la République fédérale d’Allemagne de distorsion de concurrence, mais avait conclu que les aides que constituent ces moyens financiers étaient compatibles avec le marché intérieur
(point 257 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 256 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
146 Le Tribunal a conclu que la Commission ne disposait pas d’éléments lui permettant de se livrer à une analyse prospective fondée sur une période plus longue que celle qu’elle avait retenue (point 258 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 257 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
147 D’emblée, il convient de relever que le rappel des obligations incombant à la Commission, figurant aux points 231 à  233 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 230 à  232 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, s’agissant de l’analyse prospective de l’évolution future du marché concerné devant être effectuée par cette institution se recoupe avec les appréciations de la Cour reprises aux points 80 à  85 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments (C‑376/20 P,
EU:C:2023:561), et que les requérantes n’invoquent pas, et encore moins n’établissent, que le Tribunal aurait commis une erreur de droit auxdits points des arrêts T‑312/20, T‑313/20, T‑315/20, T‑317/20 et T‑319/20. En revanche, elles soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en approuvant l’analyse prospective, selon elles insuffisante, parce que temporellement trop courte, des effets de la concentration.
148 À cet égard, le premier grief des requérantes selon lequel le Tribunal aurait suggéré qu’un examen des parts de marché serait suffisant, rappelé au point 134 du présent arrêt, procède d’une lecture erronée des arrêts attaqués. En effet, aux points 233 et 234 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 232 et 233 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal n’a pas laissé entendre qu’un examen des parts de marché suffirait, ni commenté la qualité des éléments présentés par les
requérantes, mais seulement rappelé la portée de l’obligation d’examen de la Commission.
149 S’agissant du deuxième grief des requérantes, tiré de ce que la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte de l’évolution de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire, il convient de relever que ce grief vise les appréciations effectuées par la Commission dans la décision litigieuse et non les constatations du Tribunal. S’agissant de ces dernières, ledit grief se limite aux affirmations générales selon lesquelles, d’une part, le Tribunal n’aurait pas tenu compte des
particularités du marché de la première vente d’électricité et, d’autre part, la présentation des faits, en ce qu’elle contredirait le contenu de la décision litigieuse, dénaturerait cette décision au préjudice des requérantes. À cet égard, outre le fait que l’allégation d’une dénaturation doit comporter, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 124 du présent arrêt, l’indication précise des éléments dénaturés et la démonstration des erreurs d’analyse ayant conduit le Tribunal Ã
cette dénaturation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, il convient de relever que, par leur grief, les requérantes reprochent en réalité au Tribunal non pas une erreur de droit, mais son appréciation des éléments de preuve. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 125 du présent arrêt, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments de preuve produits devant lui.
150 S’agissant du troisième grief des requérantes selon lequel le Tribunal aurait dénaturé les faits en prêtant à la Commission, au point 240 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 239 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, des pronostics qui ne ressortiraient pas de la décision litigieuse, il convient de relever que les faits prétendument dénaturés ne sont pas clairement identifiés.
151 Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle un horizon de pronostic de trois à cinq ans ne pouvait constituer un horizon suffisant, cette période étant, selon les requérantes, trop courte pour le marché de la première vente d’électricité, qui impliquerait des coûts élevés et se caractériserait par des cycles d’investissement nettement plus longs, il convient de relever que ni l’article 2 du règlement no 139/2004 ni la jurisprudence invoquée par les requérantes ne définissent une période
précise aux fins de l’analyse prospective par la Commission des effets futurs de l’opération de concentration notifiée. En outre, par ce grief, ainsi que par leurs arguments selon lesquels la Commission aurait eu en sa possession des éléments d’information qui auraient pu lui permettre de procéder à une analyse prospective plus éloignée dans le temps, les requérantes visent, en définitive, à soumettre à l’appréciation de la Cour, sans pour autant établir aucune dénaturation ni aucune erreur de
droit du Tribunal, l’appréciation des faits opérée par la Commission et validée par le Tribunal dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse.
152 Dans ces conditions, il convient de rejeter la deuxième branche du troisième moyen.
3.  Sur la troisième branche
a) Â Argumentation des parties
153 Les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 260 à  336 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 259 à  335 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, a commis des erreurs de droit dans l’appréciation du pouvoir de marché de RWE.
154 Tout d’abord, le Tribunal aurait, en effet, erronément qualifié l’attribution et l’importance des actifs d’E.ON acquis par RWE. Premièrement, les points 286 et suivants des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que les points 285 et suivants des arrêts T‑317/20 et T‑319/20 montreraient que le Tribunal a erronément compensé les capacités provenant des petites centrales d’innogy transférées à E.ON par les capacités acquises par RWE, considérant ainsi comme acquis que l’activité de RWE serait
en déclin (point 291, in fine, des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 290, in fine, des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Cette erreur serait due au fait que la Commission, non censurée à cet égard par le Tribunal, n’a pas délimité le marché. Or, les capacités de ces petites centrales auraient dû être rattachées au marché non pas de la première vente d’électricité, sur lequel RWE renforce sa position dominante, mais de l’activité de détail, dont RWE se serait retirée au profit de
son partenaire E.ON. Deuxièmement, l’accroissement nominal de la part de marché de RWE, en apparence faible du fait de la sortie du nucléaire et du charbon et du développement simultané de la production d’électricité de sources d’énergie renouvelables, ne pourrait pas être considéré comme étant « non critique », au regard de l’article 2 du règlement no 139/2004. La Commission se serait elle-même engagée à évaluer « en tout état de cause [...] les parts de marché à la lumière de l'évolution
probable des conditions prévalant sur celui-ci ». Ainsi, elle aurait dû elle-même poursuivre son enquête, ce qui n’aurait pas été le cas.
155 Ensuite, dans leur analyse du Residual Supply Index (indice de fourniture résiduelle, ci-après le « RSI »), les autorités allemandes considéreraient qu’un fournisseur dispose d’un pouvoir de marché lorsqu’il joue un rôle pivot, à savoir que, sans ses installations, la demande ne peut être satisfaite pendant plus de 5 % des heures de l’année (point 303 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 302 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Or, tel serait précisément le cas en l’espèce,
comme le montrerait l’étude Oxera, citée au point 310 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 309 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20. Le Tribunal aurait néanmoins jugé que cette variation est dépourvue de pertinence aux fins de l’application de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, car, selon lui, une augmentation du rôle pivot de RWE à hauteur de 1,5 (2019) ou de 1,3 (2022) point de pourcentage ne s’écarte pas radicalement de la variation constatée dans
d’autres études fournies par des tiers. Or, cela n’invaliderait pas le dépassement constaté du seuil de position dominante par RWE, mais ne ferait que confirmer la validité de l’étude Oxera. Le Tribunal aurait également omis de relever qu’il est constant que la Commission n’a réalisé elle-même aucune prévision sur la base du RSI et que l’Office fédéral des ententes, qui coopère étroitement avec elle, n’a pour sa part considéré le RSI que sous l’angle historique et non pas sous l’angle de son
évolution future, ce qui ne constituerait pas un pronostic diligent. Par ailleurs, aux points 300 à  311 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 299 à  310 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal aurait fait abstraction du fait que l’Office fédéral des ententes a largement confirmé la pertinence des prévisions de l’étude Oxera.
156 Enfin, en ce qui concerne le potentiel croissant de RWE à recourir à une utilisation stratégique de son parc grandissant de centrales, le Tribunal ne se serait pas suffisamment penché sur les contre-arguments des requérantes et aurait confirmé, par une interprétation erronée de l’article 2 du règlement no 139/2004, les arguments de la Commission (points 312 à  329 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 311 à  328 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Aux points 316 à  322 des arrêts
T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 315 à  321 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal reproduirait la présentation inexacte de la Commission selon laquelle les centrales électriques qui produisent à partir de sources d’énergie renouvelables seraient généralement « les plus coûteuses à retenir » du fait de la faiblesse de leurs coûts marginaux et que les centrales bénéficiant de la loi EEG profiteraient de manière considérablement réduite d’une hausse des prix sur le marché de
la première vente d’électricité. Or, les prémisses mêmes de cette affirmation échoueraient à refléter l’utilité stratégique du portefeuille global qui s’est accru.
157 La Commission, RWE, E.ON et le gouvernement allemand contestent les arguments des requérantes.
b)  Appréciation de la Cour
158 Par la troisième branche du troisième moyen, qui vise les points 260 à  336 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que les points 259 à  335 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, les requérantes soutiennent que l’appréciation du pouvoir de marché de RWE effectuée par le Tribunal est entachée d’erreurs de droit.
159 S’agissant, en premier lieu, des arguments des requérantes mentionnés au point 154 du présent arrêt, selon lesquels le Tribunal aurait erronément qualifié l’attribution et l’importance des actifs d’E.ON acquis par RWE, il convient de relever que les requérantes contestent en réalité l’appréciation des faits et des éléments de preuve par la Commission, puis par le Tribunal, sans pour autant établir d’erreur de droit commise par le Tribunal. Au surplus, s’agissant des arguments selon lesquels les
capacités des petites centrales d’innogy ne relèveraient pas du marché de la production et de la première vente d’électricité, il convient de rappeler que la critique par les requérantes du contrôle par le Tribunal des appréciations de la Commission relatives à la définition du marché a été rejetée aux points 122 à  132 du présent arrêt.
160 En second lieu, s’agissant de la question de l’intensité du rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, c’est-à -dire du degré de caractère indispensable des capacités de production de RWE pour que la demande sur le marché de l’électricité puisse être satisfaite, les requérantes se réfèrent à l’étude Oxera, qui prouverait une augmentation de ce rôle pivot à plus de 5 % des heures de l’année. Elles reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas
avoir tiré les conséquences de cette circonstance pour conclure que la Commission aurait dû constater le renforcement d’une position dominante de RWE du fait de l’opération notifiée.
161 Il convient de relever que, aux points 300 et suivants des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 299 et suivants des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a examiné l’appréciation par la Commission de l’ampleur du rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité. Le Tribunal a relevé, en substance, que l’analyse du RSI consiste à déterminer si une société joue un rôle pivot, c’est-à -dire si elle est indispensable à la satisfaction
de la demande. En pratique, cette analyse a pour objet de mesurer, pour toutes les heures d’une année donnée, si la capacité de production des concurrents de l’entité examinée suffit pour répondre à la demande indépendamment de la capacité de production de cette dernière (point 302 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 301 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20). Après s’être référé aux constatations figurant dans la décision litigieuse selon lesquelles, d’après les autorités de
concurrence allemandes, un rôle pivot de 5 % est indicatif d’un pouvoir de marché de l’entité examinée, et le RSI présente des limites qui en réduisent l’utilité dans le contrôle des concentrations, le Tribunal a constaté que la Commission avait néanmoins pris en considération les analyses du RSI aux fins de son appréciation (points 304 et 305 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 303 et 304 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
162 Aux points 306 à  310 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 305 à  309 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a procédé à un examen des constats opérés par la Commission dans la décision litigieuse s’agissant de ces analyses et, notamment, de l’analyse issue de l’étude Oxera produite par les requérantes. Le Tribunal a retenu qu’était étayé le constat de la Commission selon lequel les hypothèses sur lesquelles reposait cette étude, à savoir la rétention par RWE de ses
capacités de production éolienne et son contrôle sur les capacités de production d’E.ON, ne reflétaient pas la réalité (points 308 et 309 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que points 307 et 308 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, renvoyant respectivement aux points 322 et 391 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 321 et 390 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
163 En outre, le Tribunal a relevé que l’augmentation du rôle pivot de RWE selon l’étude Oxera n’était pas radicalement différente de celle constatée dans d’autres études fournies par des tiers et que les valeurs du RSI calculées pour l’année 2024 étaient identiques pour la situation en l’absence de concentration et pour celle à la suite de la concentration, ce qui démontrait l’absence d’accroissement du rôle pivot de RWE postérieurement à la sortie du nucléaire à la fin de l’année 2022 (point 310
des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi que point 309 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20).
164 Le Tribunal en a conclu que les requérantes ne démontraient pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans son analyse du rôle pivot de RWE.
165 Force est de constater que ce contrôle par le Tribunal des appréciations de la Commission ne comporte aucune erreur de droit et que, par leurs griefs, les requérantes visent, en substance, à faire réexaminer par la Cour les faits et les éléments de preuve soumis au Tribunal. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée au point 123 du présent arrêt, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, hors le cas de la dénaturation, non établie en l’occurrence, une question
de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour.
166 En troisième lieu, les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 312 à  329 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 311 à  328 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, ne s’est pas suffisamment penché sur les contre-arguments qu’elles avaient avancés, relatifs à un potentiel croissant de RWE à recourir à une utilisation stratégique de son parc grandissant de centrales, et aurait confirmé à tort les arguments de la Commission à cet égard.
167 Il convient de relever que, à ces points, le Tribunal a examiné la question des incitations de RWE à adopter des stratégies de rétention de capacité et à recourir à d’autres usages stratégiques de son portefeuille de production d’électricité.
168 Le Tribunal a d’emblée rappelé qu’il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence, qu’elle peut, en application de cette évaluation globale, privilégier certains éléments et en écarter d’autres, et que le Tribunal doit contrôler la légalité de cet examen et la motivation de celui-ci.
169 Ensuite, aux points 316 à  319 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 315 à  318 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a examiné les différents aspects d’une éventuelle stratégie de rétention des capacités appréciés par la Commission aux considérants 49 à  65 de la décision litigieuse, notamment le fait que les installations de production électrique à partir de sources d’énergie renouvelables ont, parmi les technologies de production flexibles, les coûts marginaux les
plus bas, et partant les coûts de rétention les plus élevés. Le Tribunal a souligné que les producteurs d’électricité avaient confirmé que ces installations sont habituellement exploitées à pleine capacité et que leur mise à l’arrêt n’a de sens qu’en cas de prix de vente négatifs. Le Tribunal a relevé l’appréciation de la Commission selon laquelle l’acquisition par RWE des parcs éoliens dans le cadre de l’opération notifiée n’accroissait pas sa capacité de rétention dans une quelconque mesure
déterminante, et selon laquelle le régime de la « vente directe » applicable à l’électricité d’origine éolienne avait pour conséquence de réduire significativement l’intérêt, pour une installation de production d’électricité éolienne, d’une hausse des prix sur le marché de gros. Le Tribunal a également fait état du constat de la Commission selon lequel l’augmentation de la capacité de rétention de RWE du fait de l’acquisition de capacités nucléaires était à la fois temporaire et limitée, et donc
peu susceptible d’avoir un effet sensible sur l’intérêt de RWE de se lancer dans une stratégie de rétention de capacité. Le Tribunal a évoqué la prise en considération par la Commission de l’étude Oxera, produite par les requérantes, et son appréciation selon laquelle cette étude n’avait pas modifié sa conclusion.
170 Aux points 320 à  324 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 319 à  323 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a vérifié si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse du risque de rétention de capacité par RWE et a écarté l’existence d’une telle erreur. En particulier, il a rappelé son constat selon lequel la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste en considérant que l’augmentation des parts de marché de RWE était non
significative et, en tout état de cause, temporaire. Il en a déduit qu’aucune capacité supplémentaire de rétention ne saurait découler de la concentration à partir de la sortie du nucléaire à la fin de l’année 2022, ce que confirmait l’étude Oxera. En ce qui concerne d’éventuelles incitations de RWE à la rétention de capacités à court terme, c’est-à -dire avant la sortie du nucléaire, le Tribunal a relevé le constat de la Commission selon lequel les installations fonctionnant à partir de sources
d’énergie renouvelables se prêtent peu à la rétention, compte tenu de leurs coûts marginaux faibles. S’agissant des installations fonctionnant à partir de sources d’énergie non renouvelables, le Tribunal a fait état de l’appréciation de la Commission selon laquelle une éventuelle hausse des prix causée par une rétention de ces installations signifierait que la rémunération des installations produisant de l’énergie renouvelable par la loi EEG diminuerait. Le Tribunal a, par ailleurs, retenu que
l’acquisition par RWE d’une participation minoritaire dans le capital des centrales nucléaires d’Emsland et de Gundremmingen C n’aurait qu’un impact limité et temporaire en termes d’incitation à la rétention de capacité. Le Tribunal a relevé que l’étude Oxera n’établissait pas l’existence d’une augmentation significative des incitations à retenir. Le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans son analyse de la possibilité et des incitations de
RWE à retenir des capacités de production à la suite de la concentration.
171 Il ressort de ce qui précède que le Tribunal a vérifié en détail l’examen par la Commission de la question du risque de rétention par RWE de ses capacités de production après la concentration et qu’il a abouti à la conclusion selon laquelle, sur la base des éléments du dossier et des preuves produites, notamment par les requérantes, la Commission n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation à cet égard. Les arguments des requérantes devant la Cour, repris aux points 154 à  156 du présent
arrêt, n’établissent aucune erreur de droit du Tribunal lors de son contrôle des appréciations de la Commission, mais tendent, en définitive, à ce que la Cour procède à un nouvel examen des faits, ce qui échappe à la compétence de celle-ci dans le cadre d’un pourvoi.
172 Dans ces conditions, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen.
4.  Sur la quatrième branche
173 Par la quatrième branche du troisième moyen, qui vise les points 337 à  395 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T-315/20 ainsi que les points 336 à  394 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, et qui se divise, en substance, en trois griefs, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en ce qui concerne l’appréciation de la relation de concurrence entre RWE et E.ON.
a) Â Sur le premier grief
1)Â Argumentation des parties
174 Les requérantes font valoir que, aux points 339 à  346 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 338 à  345 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a supposé que la Commission avait suffisamment examiné l’ensemble des participations croisées des groupes d’entreprises auxquels appartiennent RWE et E.ON et, notamment, qu’elle avait pris en compte les capacités de production de leurs filiales. Or il ne serait pas contesté que la Commission n’a pas examiné les effets de ces
participations croisées sur le comportement des parties à la concentration ou de celui de leurs concurrents en matière d’investissement et d’expansion sur le marché, en méconnaissance du point 36 des lignes directrices sur les concentrations horizontales. Le fait que tant RWE qu’E.ON ont leur siège social à Essen (Allemagne), qui serait la « capitale allemande de l’énergie », constituerait un atout stratégique. Pourtant, le Tribunal aurait considéré cette circonstance comme étant dépourvue de
pertinence alors que, selon la pratique décisionnelle de la Commission, l’existence d’un siège d’entreprise commun devrait être analysée sous l’angle des avantages concurrentiels que les parties à une concentration espèrent obtenir.
175 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2) Appréciation de la Cour
176 S’agissant de la prétendue méconnaissance, par le Tribunal, du point 36 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, en ce qu’il n’aurait pas constaté que la Commission a commis une erreur en étant restée en défaut d’examiner les effets de l’interdépendance entre les groupes d’entreprises auxquels appartiennent RWE et E.ON sur le comportement des parties à la concentration ou de leurs concurrents, il convient de rappeler que, comme le relève le Tribunal aux points 349 et 350 des
arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 348 et 349 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, si la Commission est tenue par les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des concentrations, les lignes directrices sur les concentrations horizontales n’exigent pas un examen dans tous les cas de l’ensemble des éléments qui y sont mentionnés. À cet égard, il ressort du point 13 des lignes directrices sur les concentrations horizontales que l’analyse concurrentielle à mener par la
Commission ne doit pas reposer sur une application mécanique et dans tous les cas des facteurs qu’elles identifient, mais sur une appréciation globale des effets prévisibles de la concentration, et que les éléments qu’elles identifient ne sont pas tous pertinents dans tous les cas de concentrations horizontales.
177 Or, s’il appartient au Tribunal d’examiner dans quelle mesure d’éventuelles omissions de la Commission sont susceptibles de mettre en cause sa conclusion selon laquelle la concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, cet examen doit tenir compte de la marge d’appréciation dont dispose la Commission dès lors qu’elle se livre, aux fins de l’application des règles de fond du règlement no 139/2004, et en particulier de son article 2, à des
analyses économiques prospectives présentant le plus souvent un caractère complexe. Il s’ensuit que le contrôle par le juge de l’Union d’une décision de la Commission en matière de concentration doit porter sur la vérification de l’exactitude matérielle des faits et sur l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, points 82 à  84).
178 En l’espèce, aux points 341 et 342 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 340 et 341 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal, après avoir observé que les requérantes n’expliquaient pas l’incidence que les participations de RWE et d’E.ON dans le secteur de l’énergie pourraient avoir pour l’analyse des entraves à la concurrence liées à la concentration, mais se bornaient à mentionner le nombre de participations de RWE et d’E.ON dans d’autres entreprises sans expliquer
si ces dernières étaient actives sur les marchés pertinents, a relevé que la Commission avait, dans son appréciation, pris en compte les capacités de production des filiales et des entreprises dans le capital desquelles RWE et E.ON ont des participations. Ce faisant, ainsi que l’a constaté le Tribunal à juste titre, la Commission a bien pris en considération les participations directes ou indirectes de RWE et d’E.ON.
179 Aux points 343 à  346 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 342 à  345 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel E.ON et RWE seraient structurées et positionnées de manière similaire, le Tribunal a relevé que les requérantes n’expliquaient pas comment le parallélisme de l’évolution des cours de Bourse et des résultats d’exploitation de ces entreprises, ou encore le fait qu’elles aient leurs sièges dans la même ville,
affecteraient l’application du droit des concentrations et, en particulier, comment ces circonstances pourraient avoir une incidence sur la création ou le renforcement d’une position dominante de RWE. Le Tribunal a estimé que ces circonstances étaient d’une nature simplement incidente, que la localisation des sièges sociaux dans la même ville était sans pertinence pour apprécier les effets de la concentration sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, et que
l’évolution parallèle des cours de Bourse et des résultats pouvait s’expliquer par l’évolution normale de deux entreprises actives dans le même secteur. Le Tribunal a ajouté que les requérantes n’expliquaient pas comment la simple proximité géographique du personnel de RWE et d’E.ON pourrait aboutir à l’émergence d’une concertation contraire au droit de l’Union. Le Tribunal a conclu que la Commission n’avait donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les liens
d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON.
180 Il convient de relever que les arguments des requérantes ne permettent pas d’établir que ces appréciations sont entachées d’une erreur de droit. L’invocation d’une prétendue absence d’examen des effets de l’interdépendance entre les groupes E.ON et RWE, de l’absence de vérification des effets de la concentration sur le comportement des parties à la concentration ou de celui de leurs concurrents en matière d’investissement et d’expansion de marché, ne suffit pas à considérer que le Tribunal a
commis une erreur de droit compte tenu du contrôle par ce dernier, à la fois circonstancié et situé dans les limites rappelées au point 177 du présent arrêt, de l’examen opéré par la Commission dans la décision litigieuse. En outre, les arguments des requérantes visent, en réalité, à solliciter de la Cour un nouvel examen des faits, ce qui échappe à la compétence de celle-ci dans le cadre d’un pourvoi.
181 Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.
b)  Sur le deuxième grief
1)Â Argumentation des parties
182 Les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 351 à  355 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 350 à  354 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, a commis des erreurs de droit. Premièrement, constituerait une telle erreur, pour les raisons déjà mentionnées sous la troisième branche du troisième moyen des présents pourvois, le fait pour le Tribunal de considérer que la Commission était en droit de s’abstenir d’examiner la relation de concurrence entre RWE et E.ON en
raison du caractère limité de l’accroissement des parts de marché de RWE.
183 Deuxièmement, aucune justification n’étaierait l’affirmation du Tribunal, au point 358 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 357 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, selon laquelle le simple relâchement de la pression concurrentielle dû à la disparition d’une entreprise dont le rôle est plus important que ne le laissent supposer ses parts de marché ne suffirait pas à établir l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective.
184 Troisièmement, l’affirmation, aux points 359 à  363 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 358 à  362 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, selon laquelle le retrait d’E.ON du secteur de la production ne serait pas exclusivement imputable à la concentration, car E.ON avait déjà cédé des activités de production préalablement à l’opération M.8871 et ne cédait, dans le cadre de cette opération de concentration, que des parties de ces activités, ne résisterait pas à l’examen. Tout
d’abord, en relevant, au point 357 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 356 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, que l’opération M.8871 concerne non pas l’acquisition d’E.ON elle‑même, mais seulement la reprise par RWE de certains de ses actifs, le Tribunal raisonnerait de manière formaliste sans prendre en compte la concentration dans son ensemble. Ensuite, au point 362 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 361 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le
Tribunal relèverait qu’E.ON conserve une activité de production après la concentration, sans tenir compte du fait qu’il ne s’agit là que de l’activité de production attribuée à titre exclusif à E.ON en tant que partie intégrante de l’offre de solutions aux clients s’inscrivant dans les activités de détail, ce qui aurait dû être constaté par la Commission et le Tribunal si une délimitation minutieuse du marché avait été effectuée.
185 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2) Appréciation de la Cour
186 Les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en validant l’appréciation de la Commission selon laquelle le retrait d’E.ON du marché de la production n’était pas un motif d’interdiction de la concentration.
187 Aux points 349 à  351 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 348 à  350 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, au regard de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait méconnu le point 27 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, le Tribunal a rappelé, en substance, premièrement, que si cette dernière est tenue par les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des concentrations, ces communications n’exigent pas qu’elle examine dans
tous les cas les éléments qu’elles mentionnent, de sorte que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou pas en considération certains de ces éléments et, deuxièmement, que le contrôle du Tribunal ne saurait se limiter au seul examen de la prise en compte ou de l’ignorance de certains desdits éléments par la Commission, mais que le Tribunal doit également considérer si les éventuelles omissions de la Commission sont susceptibles de remettre en cause sa
conclusion selon laquelle la concentration notifiée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.
188 Ce rappel par le Tribunal de la portée des communications de la Commission et du régime de contrôle qu’il exerce sur les appréciations de cette dernière ne comporte aucune erreur de droit.
189 En outre, au point 352 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 351 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a constaté que les parts de marché détenues par RWE avant la concentration étaient limitées et que leur augmentation après la concentration l’était également, d’autant que certains actifs de production d’innogy étaient transférés à E.ON à titre permanent. Au point 353 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 352 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le
Tribunal a relevé le constat opéré par la Commission de la fragmentation de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables entre de nombreux producteurs, du caractère limité des parts de marché de RWE et de celui plus limité encore des parts de marché d’E.ON. Au point 354 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 353 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a rappelé son constat que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation
en concluant au caractère limité et temporaire de l’augmentation des parts de marché de RWE.
190 Au regard de ces considérations, le Tribunal a jugé, au point 355 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 354 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, que même si la Commission avait omis d’analyser certains éléments qui seraient requis par le point 27 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, de telles omissions ne seraient pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant Ã
sa compatibilité avec le marché intérieur.
191 Il convient de relever que cette appréciation du Tribunal, qu’il pouvait déduire à juste titre des constatations de la Commission, dont les requérantes n’avaient pas établi le caractère manifestement erroné, selon lesquelles tant le caractère limité des parts de marché et de leurs augmentations par l’effet de la concentration notifiée que le caractère temporaire de ces augmentations permettaient de considérer que cette dernière ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le
marché intérieur, n’est entaché d’aucune erreur de droit. Au demeurant, il convient d’observer, à l’instar du Tribunal au point 364 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 363 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, que la Commission ne s’est pas limitée à examiner les parts de marché des parties à la concentration et leur évolution du fait de cette concentration, mais a tenu compte, aux considérants 48 et suivants de la décision litigieuse, d’autres critères d’appréciation tenant
aux spécificités du marché de la production d’électricité.
192 Aux points 356 à  358 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 355 à  357 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a également observé, en substance, que les requérantes se méprenaient sur la portée des lignes directrices sur les concentrations horizontales. Après avoir rappelé que ces lignes directrices mentionnent, parmi les éléments concurrentiels à prendre en compte dans le cadre de l’examen des effets non coordonnés, premièrement, si les parties à la concentration
sont des concurrents proches, deuxièmement, si l’entité issue de la concentration peut freiner l’expansion des concurrents ou, troisièmement, si l’opération de concentration élimine un important moteur de la concurrence, le Tribunal a relevé, en substance, que les requérantes se méprenaient sur la portée de l’opération en cause, qui ne concernait que des actifs d’E.ON et non pas E.ON elle-même. Ainsi, le Tribunal a souligné, premièrement, qu’E.ON ne disparaissait pas du fait de la concentration.
Deuxièmement, il a relevé que la question était donc de savoir si les actifs d’E.ON acquis par RWE, d’une part, et RWE, d’autre part, étaient des concurrents proches et si ces actifs et RWE pouvaient freiner l’expansion des concurrents. Or, les requérantes partiraient de la prémisse erronée que RWE a acquis l’entièreté d’E.ON par le biais de sa participation minoritaire, ce qui, comme l’a relevé le Tribunal, est incorrect. Troisièmement, il a jugé que, en ce qui concerne la disparition de la
pression concurrentielle sur RWE, la simple baisse d’une telle pression qui résulterait de la disparition d’une entreprise ayant un rôle plus important que ses parts de marché ne le laisseraient supposer ne suffirait pas, en elle-même, à prouver l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective.
193 Force est de constater que, là encore, le Tribunal n’a pas commis d’erreur ni, comme le prétendent les requérantes, raisonné de manière formaliste en rappelant que non pas E.ON, mais seulement des actifs de cette entreprise étaient acquis par RWE dans le cadre de l’opération de concentration M.8871. Quant à l’affirmation selon laquelle la simple baisse de la pression concurrentielle susceptible de résulter de la disparition d’une entreprise ayant un rôle plus important que ses parts de marché ne
le laisseraient entendre ne suffirait pas, en elle-même, à prouver une entrave significative à une concurrence effective, elle n’est entachée d’aucune erreur de droit, d’autant plus dans le contexte, tel que celui de l’espèce, d’une concentration portant sur des parts de marché limitées.
194 Aux points 359 à  361 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 358 à  360 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a observé que la réduction des capacités de production d’E.ON n’était pas seulement la conséquence de la concentration. Selon le Tribunal, d’une part, E.ON avait déjà pris la décision de céder des parties essentielles de son activité de production d’électricité conventionnelle, à l’exception essentiellement des capacités nucléaires, à son ancienne filiale,
Uniper, et de vendre la part qu’elle détenait dans le capital de cette dernière à Fortum Oyj. D’autre part, la fermeture des centrales nucléaires d’E.ON, au plus tard à la fin de l’année 2022, avait été décidée par le législateur allemand, de sorte que, même si E.ON avait conservé ces actifs, elle n’aurait plus pu les exploiter à partir de cette date. Ainsi, selon le Tribunal, l’activité de production d’électricité d’E.ON avait déjà fortement diminué avant la concentration et avait vocation Ã
diminuer encore davantage après celle-ci.
195 Or, les requérantes n’établissent pas en quoi le Tribunal aurait, dans ce contexte, commis une erreur de droit en se référant aux initiatives effectivement prises de manière autonome par E.ON pour réduire son activité de production d’électricité, ainsi qu’à la fin prochaine, découlant non pas de la concentration notifiée, mais d’une décision du législateur allemand, des activités de production d’électricité d’origine nucléaire.
196 En outre, au point 362 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 361 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a considéré, à bon droit, qu’il pouvait être déduit de la décision litigieuse, en particulier des tableaux contenus aux considérants 27 à  29 de cette décision, qu’E.ON ne disparaissait pas en tant que concurrent du fait de la concentration. En effet, il ressort de cette décision qu’environ [confidentiel] ( 2 ) seulement de la production totale d’E.ON au cours de
l’année 2017 serait acquise par RWE du fait de la concentration, que, par rapport à l’électricité conventionnelle, la partie de la production totale d’E.ON au cours de cette année 2017 acquise par RWE serait seulement d’environ [confidentiel] ( 3 )et que, s’agissant de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, RWE acquerrait [confidentiel] ( 4 ) de la production d’E.ON.
197 À cet égard, l’observation des requérantes selon laquelle la Commission et le Tribunal auraient pu constater, s’ils avaient procédé à une délimitation minutieuse du marché, que l’activité de production conservée par E.ON faisait partie intégrante d’une offre de solutions aux clients s’inscrivant dans les activités de détail et non dans les activités de production en gros d’électricité, repose implicitement, mais nécessairement sur la prémisse selon laquelle la Commission aurait commis une erreur
manifeste d’appréciation en laissant ouverte la définition des marchés et que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confirmant cette erreur. Or, il suffit de relever que cette prémisse a été écartée aux points 122 à  132 du présent arrêt, dans le cadre de l’examen de la première branche du troisième moyen.
198 Il s’ensuit que le présent grief est non fondé.
c)  Sur le troisième grief
1)Â Argumentation des parties
199 Les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 366 à  391 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 365 à  390 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, s’est appuyé sur une analyse insuffisante de l’influence directrice conférée à RWE par sa participation minoritaire dans E.ON. Or, il serait erroné de prétendre que l’IRA limite efficacement cette influence, ne serait‑ce que parce que cet accord serait entaché de nullité et qu’il n’empêcherait pas RWE d’y déroger légalement
dans l’exercice de son droit de vote. En tout état de cause, la prise de participation croisée de RWE dans son concurrent E.ON aurait dû être prise en compte même en l’absence de prise de contrôle, au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, car il s’agirait d’une restriction de la concurrence incompatible avec l’article 101 TFUE. Il conviendrait également de noter qu’aucune partie n’aurait contesté que, dans le cadre de la concentration, RWE et E.ON se sont spécialisées d’un commun accord
dans différents niveaux du marché de l’électricité. Lors de l’audience, E.ON aurait expliqué que les deux groupes d’entreprises étaient convenus de cette répartition du marché afin de pouvoir disposer des moyens financiers nécessaires au développement de leurs activités dans le contexte de la transition énergétique et qu’il ne leur aurait pas été possible de réunir ces fonds, si leur relation de concurrence était demeurée inchangée.
2) Appréciation de la Cour
200 Il convient de relever que, par le présent grief, les requérantes réitèrent en substance certains de leurs arguments exposés dans la première branche du deuxième moyen, relatifs à l’influence décisive que, selon elles, RWE aurait acquis sur E.ON. À cet égard, il suffit de relever que ces arguments ont été écartés comme étant inopérants aux points 95 à  97 du présent arrêt.
201 En outre, s’agissant des arguments des requérantes relatifs au fait que la prise de participation minoritaire de RWE dans E.ON aurait dû être prise en compte en ce qu’elle aurait constitué une restriction de concurrence incompatible avec l’article 101 TFUE, ou encore au fait qu’E.ON et RWE se seraient réparti les marchés, il a déjà été relevé, aux points 55 et 56 du présent arrêt, que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé que c’est au regard du règlement no 139/2004, dont
l’objet est le contrôle préventif des opérations de concentration, et non du règlement no 1/2003, dont l’objet est le contrôle des accords, des décisions, des pratiques concertées et des situations de position dominante, que le respect de l’article 101 TFUE devait être et a été, à juste titre, contrôlé par la Commission.
202 C’est donc à bon droit que le Tribunal, au point 394 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 393 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, relevant que la décision litigieuse avait pour objet une opération de concentration, a rejeté comme étant inopérants les arguments des requérantes tirés d’une violation de l’article 101 TFUE.
203 Il s’ensuit que le troisième grief et, partant, la quatrième branche du troisième moyen sont non fondés.
204 Dans ces conditions, le troisième moyen n’étant fondé en aucune de ses branches, il doit être rejeté.
D. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes relatifs à la répartition de la charge de la preuve
1. Â Argumentation des parties
205 Les requérantes font valoir que, aux points 273, 278 et suivants, 328, 341, 344 et 382 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 272, 277 et suivants, 327, 340, 343 et 381 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal réclame des éléments plus détaillés concernant les résultats concrets auxquels la Commission aurait dû parvenir si son contrôle avait été correct. Inversement, le Tribunal, aux points 406 à  411 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 405
à  410 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, aurait d’emblée rejeté les offres de preuve qui lui ont été soumises, notamment la demande de comparution personnelle ou d’audition des anciens dirigeants des groupes sur la répartition des marchés. Ces décisions iraient à l’encontre des principes de répartition de la charge de la preuve définis aux articles 91 à  96 du règlement de procédure du Tribunal.
206 Le niveau de la preuve imposé par le Tribunal serait excessif. Les requérantes n’auraient eu accès ni à des données plus détaillées que celles qu’elles ont fournies ni aux pouvoirs d’investigation dont dispose la Commission, par exemple concernant les parts de marché des producteurs d’électricité pour le calcul de l’indice de Herfindahl‑Hirschman (ci-après l’« IHH »). Ces exigences seraient en tout état de cause exagérées, dès lors qu’il serait demandé aux requérantes, outre la preuve d’erreurs
manifestes d’appréciation, d’exposer à leurs propres frais le résultat d’enquêtes ou d’analyses auxquelles la Commission n’a pas procédé et cela d’autant plus que le Tribunal limiterait, dans le même temps, la longueur des mémoires pouvant être déposés par les requérantes. En produisant aux débats l’étude Oxera, confirmée par les analyses de l’Office fédéral des ententes et l’ouvrage Changing Energy, les requérantes auraient présenté des preuves solides démontrant l’accroissement du pouvoir de
marché des parties à la concentration et le partage anticoncurrentiel du marché. Ainsi que la Cour l’aurait précisé, les exigences de preuve en matière de décisions autorisant une concentration seraient identiques à celles régissant leur interdiction. La charge de la preuve incomberait en tout état de cause à la Commission. Si cette charge peut exceptionnellement être transférée vers les parties concernées, cela concernerait les cas où les circonstances positives pour celles-ci contredisent les
résultats de l’enquête de la Commission et où ces parties ont accès aux preuves, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
207 La Commission, RWE et E.ON contestent les arguments des requérantes.
2.  Appréciation de la Cour
208 Par le présent moyen, les requérantes invoquent une violation par le Tribunal des principes de répartition de la charge de la preuve découlant des articles 91 à  96 du règlement de procédure du Tribunal.
209 Il convient, d’emblée, de noter qu’aucune règle relative à la répartition de la charge de la preuve, que ce soit dans une procédure administrative de la Commission ou dans une procédure devant le juge de l’Union, ne découle de ces dispositions, dont la violation est alléguée au fondement du présent moyen. Celles-ci fixent le régime des mesures d’instruction ainsi que des auditions de témoins et d’experts qui peuvent être ordonnées par le Tribunal.
210 Le présent moyen, en ce qu’il est fondé sur la violation par le Tribunal des articles 91 à  96 de son règlement de procédure, est donc non fondé.
211 En outre, il convient de rappeler que la Commission n’est, dans le domaine du contrôle des concentrations, pas tenue de démontrer sans doute raisonnable qu’un projet de concentration ne soulève pas de problème de compatibilité avec le marché intérieur. Elle doit évaluer des probabilités et se prononcer pour ou contre l’opération projetée, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération dont la probabilité est la plus forte. Dans ce contexte, elle jouit d’une large
marge dans l’appréciation des circonstances économiques complexes, laquelle est notamment soumise au contrôle par le Tribunal de l’erreur manifeste et de l’exactitude matérielle des faits (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 84). Cela étant, lorsqu’une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, revêt une importance fondamentale le respect des garanties procédurales, parmi lesquelles figure l’obligation
pour l’institution d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents de la situation en cause (arrêt du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 57 et jurisprudence citée).
212 Dès lors que, dans sa décision, la Commission, expose de manière circonstanciée sa position, il appartient à la partie requérante d’apporter des éléments également circonstanciés visant à infirmer celle-ci. Cette exigence probatoire ne constitue pas, comme le suggèrent en l’occurrence les requérantes, un renversement indu de la charge de la preuve à leur détriment, mais traduit la charge pesant sur chaque partie d’étayer sa position devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre
2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 181).
213 Or, en l’espèce, le Tribunal s’est limité à constater, en substance, que les requérantes n’avaient pas suffisamment étayé leur contestation des appréciations effectuées par la Commission dans la décision litigieuse.
214 Ainsi, concernant le fait que, au point 273 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 272 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal a relevé que les requérantes ne fournissaient pas leurs propres calculs de l’IHH afin de démontrer que si la Commission en avait tenu compte, elle serait parvenue à une conclusion différente, il convient de relever, à l’instar du Tribunal, que la Commission n’était pas tenue de prendre en compte l’IHH dans son appréciation et que, pour autant
que les requérantes lui reprochaient cette absence de prise en compte, il leur incombait d’expliquer en quoi une utilisation de cet indice aurait modifié son appréciation. Il s’ensuit que le simple grief que l’IHH n’a pas été pris en compte ne suffit pas à établir une erreur de la Commission, et que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que les requérantes n’avaient pas étayé leur argumentation à ce sujet.
215 Par ailleurs, aux points 278 à  280 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’aux points 277 à  279 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en constatant qu’il ne saurait suffire pour les requérantes d’utiliser des données différentes de celles utilisées par la Commission afin d’établir l’erreur manifeste d’appréciation de cette dernière, sans apporter d’élément concret de nature à démontrer que la prise en compte de ces dernières données dans la
décision litigieuse constituait une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.
216 Il en va de même des considérations relatives à l’effet des augmentations de capacités de RWE, à l’effet des participations de RWE et d’E.ON dans des entreprises tierces, à la signification du parallélisme de l’évolution des cours de Bourse et des résultats d’E.ON et de RWE et de la présence des sièges sociaux dans la même ville et à l’effet de la participation minoritaire de RWE dans E.ON, figurant respectivement aux points 328, 341, 344 et 382 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi
qu’aux points 327, 340, 343 et 381 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, par lesquelles le Tribunal a constaté, en substance, que les requérantes, tout en dénonçant des erreurs manifestes d’appréciation de la Commission, ne produisaient devant lui aucun indice concret ni explication convaincante de l’existence de telles erreurs manifestes.
217 Quant au fait que le Tribunal n’a pas jugé nécessaire d’auditionner des témoins que proposaient les requérantes, il ressort des considérations procédurales contenues au point 410 des arrêts T‑312/20, T‑313/20 et T‑315/20 ainsi qu’au point 409 des arrêts T‑317/20 et T‑319/20, non valablement remises en cause devant la Cour, ainsi que de la circonstance que le Tribunal est, en tout état de cause, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 71 du présent arrêt seul juge de la nécessité de
procéder à une comparution personnelle ou à une audition , que le Tribunal n’a, ce faisant, pas commis d’erreur de droit.
218 Le quatrième moyen est donc rejeté.
E. Conclusion
219 L’ensemble des moyens soulevés à l’appui des présents pourvois ayant été rejetés, ces pourvois doivent être rejetés dans leur intégralité.
VI. Sur les dépens
220 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphes 1 et 2, de ce règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission, RWE et E.ON ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces
dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, E.ON et RWE.
221 L’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi, dispose que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.
 Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
 1) Les pourvois sont rejetés.
 2) EVH GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, E.ON SE et RWE AG dans l’affaire C‑464/23 P.
 3) Stadtwerke Leipzig GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, E.ON SE et RWE AG dans l’affaire C‑465/23 P.
 4) TEAG Thüringer Energie AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, E.ON SE et RWE AG dans l’affaire C‑467/23 P.
 5) EnergieVerbund Dresden GmbH est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, E.ON SE et RWE AG dans l’affaire C‑468/23 P.
 6) GGEW, Gruppen-Gas- und Elektrizitätswerk Bergstraße AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, E.ON SE et RWE AG dans l’affaire C‑470/23 P.
 7) La République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens exposés dans les affaires C‑464/23 P, C‑465/23 P, C‑467/23 P, C‑468/23 P et C‑470/23 P.
 Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.
( 1 ) Données confidentielles occultées
( 2 ) Données confidentielles occultées
( 3 ) Données confidentielles occultées
( 4 ) Données confidentielles occultées