DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
29 mars 2017 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Marque de l’Union européenne figurative J&JOY – Marque nationale figurative antérieure joy SPORTSWEAR – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Similitude des signes – Critères d’appréciation – Marque complexe – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »
Dans l’affaire T‑389/15,
J & Joy SA, établie à Waremme (Belgique), représentée par M^es A. Maqua, C. Pirenne et C. Smits, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. H. O’Neill, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Joy-Sportswear GmbH, établie à Ottensoos (Allemagne), représentée par M^e T. Kiphuth, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 22 avril 2015 (affaire R 1355/2014‑2), relative à une procédure d’opposition entre Joy-Sportswear et J & Joy,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M^me I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2015,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2015,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 décembre 2015,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La présente procédure concerne un litige résultant d’une demande d’enregistrement de la marque figurative J&JOY en tant que marque de l’Union européenne et d’un risque de confusion qui existerait avec la marque figurative joy SPORTSWEAR qui existait antérieurement. La marque demandée et la marque antérieure sont reproduites ci-après :
– la marque demandée :
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– la marque antérieure :
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2 La demande d’enregistrement a été déposée le 10 décembre 2012 par la requérante, J & Joy SA, à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
3 Les produits concernés par cette demande relevaient, notamment, des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 18 : « Produits en ces matières [cuir et imitations du cuir] non compris dans d’autres classes ; bourses ; étuis pour clés ; mallettes pour documents ; porte-cartes [portefeuilles] ; sacs kangourou [porte-bébés] ; porte-documents ; portefeuilles ; sacoches pour porter les enfants ; écharpes pour porter les bébés ; sacs à main ; sacs de sport » ;
– classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; automobilistes (habillement pour ‑) ; bain (bonnets de ‑) ; bain (costumes de ‑) ; bain (peignoirs de ‑) ; bain (sandales de ‑) ; bain (souliers de ‑) ; bandanas [foulards] ; bandeaux pour la tête [habillement] ; bas ; bas sudorifuges ; bavoirs non en papier ; bérets ; blouses ; boas [tours de cou] ; body [justaucorps] ; bonneterie ; bonnets ; bonnets de douche ; bottes ; bottines ; bretelles ; brodequins ; cache-col ; cache-corset ;
caleçons ; caleçons de bain ; calottes ; camisoles ; capuchons [vêtements] ; ceintures [habillement] ; ceintures porte-monnaie [habillement] ; châles ; chancelières non chauffées électriquement ; chandails ; chapeaux ; chapeaux en papier [habillement] ; chapellerie ; chasubles ; chaussettes ; chaussons ; chaussures ; chaussures de football ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; chemises ; chemisettes ; collants ; cols ; combinaisons [sous-vêtements] ; combinaisons
[vêtements] ; combinaisons de ski nautique ; confectionnés (vêtements ‑) ; corselets ; corsets ; costumes ; costumes de mascarade ; couvre-oreilles [habillement] ; cravates ; culottes ; culottes pour bébés ; cyclistes (habillement pour ‑) ; dessous-de-bras ; dessus (vêtements de ‑) ; écharpes ; espadrilles ; étoles [fourrures] ; faux cols ; fixe-chaussettes ; foulards ; fourrures [vêtements] ; gabardines [vêtements] ; gaines [sous-vêtements] ; galoches ; gants [habillement] ; gants de ski ;
gilets ; guêtres ; guimpes [vêtements] ; gymnastique (souliers de ‑) ; habits ; hauts-de-forme ; imperméables ; jambières ; jarretelles ; jarretières ; jerseys [vêtements] ; jupes ; jupes-shorts ; jupons ; lavallières ; layettes ; leggins [pantalons] ; livrées ; maillots ; manchettes [habillement] ; manchons [habillement] ; manipules [liturgie] ; manteaux ; mantilles ; masques pour dormir ; mitons ; mitres [habillement] ; paletots ; pantalons ; parkas ; peignoirs ; pèlerines ; pelisses ; plage
(costumes de ‑) ; plastrons de chemises ; poches de vêtements ; pochettes [habillement] ; ponchos ; pull-overs ; pyjamas ; robes ; robes chasubles ; sabots [chaussures] ; sandales ; saris ; sarongs ; slips ; souliers ; sous-pieds ; sous-vêtements ; sous-vêtements sudorifuges ; soutiens-gorges ; sport (souliers de ‑) ; tabliers [vêtements] ; tee-shirts ; toges ; tricots [vêtements] ; turbans ; uniformes ; vareuses ; vestes ; vestes de pêcheurs ; vêtements de gymnastique ; vêtements en cuir ;
vêtements en imitation du cuir ; vêtements en papier ; visières [chapellerie] ; voilettes ».
4 La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautairesn° 5/2013, du 8 janvier 2013.
5 Le 26 mars 2013, l’intervenante, Joy-Sportswear GmbH, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus. Elle a notamment fondé cette opposition sur la marque allemande figurative joy SPORTSWEAR, enregistrée le 7 septembre 2011 sous le numéro 302011036716 et déposée le 6 juillet 2011 pour des produits relevant de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chapellerie ».
6 Le 28 mars 2014, la division d’opposition a fait partiellement droit à l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en considérant qu’il existait un risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée en ce qui concernait les produits visés au point 3 du présent arrêt. En revanche, elle a rejeté l’opposition pour les autres produits visés par la demande d’enregistrement.
7 Cette décision rendue par la division d’opposition a été attaquée, le 26 mai 2014, devant la chambre de recours de l’EUIPO, par la requérante.
8 Par décision du 22 avril 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Dans sa décision, elle a considéré que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits en cause, de la similitude globale des signes en conflit et du caractère distinctif moyen de la marque antérieure, une partie significative du public pertinent pourrait être induite en erreur et penser, à tort, que les produits en cause portant la marque
demandée et la marque antérieure proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.
Conclusions des parties
9 Dans son acte introductif d’instance, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– contrôler la décision prise par la division d’opposition et déclarer l’opposition irrecevable ;
– condamner l’intervenante aux dépens et à supporter les frais exposés par la requérante aux fins de la procédure administrative devant la division d’opposition.
10 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
11 Invitée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure à préciser l’objet de sa demande, la requérante, les autres parties entendues, a indiqué que ses conclusions devaient être comprises comme visant en réalité à obtenir :
– l’annulation de la décision attaquée ;
– la condamnation de l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.
12 Dans le cadre de cette mesure d’organisation de la procédure, l’EUIPO, quant à lui, a indiqué ne pas contester que la requête puisse être interprétée comme visant l’annulation de la décision attaquée. Il a ainsi implicitement renoncé à la fin de non-recevoir soulevée dans son mémoire en réponse. En ce qui concerne les dépens, il a précisé que le chef de conclusions initial de la requérante pouvait être interprété, tout au plus, comme tendant à condamner l’intervenante aux dépens exposés
devant la chambre de recours.
13 Les parties s’étant accordées sur la portée à donner au premier chef de conclusions, il convient de considérer que le recours vise l’annulation de la décision attaquée. En ce qui concerne les dépens, les parties maintiennent des positions différentes. Leurs demandes sur ce point seront examinées, au regard du règlement de procédure du Tribunal, après l’examen portant sur le fond de l’affaire.
En droit
14 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu, à tort, à l’existence d’un risque de confusion.
15 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, lorsqu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée, en raison de l’identité ou de la similitude des deux marques, ou en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services désignés par elles.
16 Pour apprécier l’existence éventuelle d’un risque de confusion, il faut identifier le public concerné par la confusion éventuelle, déterminer les produits qui sont concernés et examiner dans quelle mesure les marques concernées peuvent être associées, dans l’esprit de ce public et pour ces produits, dans une mesure faisant obstacle à l’enregistrement [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence
citée].
Sur le public pertinent
17 Selon la décision attaquée, l’Allemagne constitue le territoire pertinent à considérer en vue de résoudre le litige.
18 Cette analyse est contestée par la requérante, pour qui le public pertinent doit être élargi jusqu’à comprendre l’ensemble des consommateurs situés dans l’Union européenne, en Suisse et en Norvège.
19 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, l’existence du risque de confusion doit être appréciée dans l’esprit du public se trouvant sur le territoire où la marque antérieure fait l’objet d’une protection.
20 En l’espèce, la marque antérieure, sur laquelle est fondée la décision attaquée, est une marque allemande.
21 Il s’ensuit que, en application du critère mentionné dans cette disposition, le public pertinent à prendre en considération est, comme cela est indiqué dans la décision attaquée, composé des consommateurs allemands.
Sur le degré d’attention accordé aux produits en cause
22 La chambre de recours a considéré que les marques en conflit concernaient des produits de grande consommation qui étaient fréquemment achetés et utilisés par le consommateur moyen dans le territoire pertinent. Elle en déduit que le degré d’attention accordé à ces produits n’est pas supérieur à la moyenne.
23 La requérante estime, quant à elle, que les produits concernés s’adressent à des consommateurs « jeunes et branchés » pouvant traduire les mots de la marque demandée et comprendre de manière spécifique le message qu’elle véhicule.
24 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
25 À cet égard, il y a lieu de distinguer la catégorie de consommateurs visés par une entreprise dans le cadre de sa stratégie commerciale et le type de consommateurs à prendre en compte pour apprécier l’existence éventuelle d’un risque de confusion.
26 Or, la stratégie commerciale du demandeur d’une marque ne saurait s’imposer aux autorités chargées d’apprécier l’existence éventuelle d’un risque de confusion en vue de prendre position sur une opposition à un enregistrement.
27 Pour apprécier ce risque de confusion, il convient d’appliquer les critères prévus dans le règlement susvisé et dans la jurisprudence afférente.
28 Or, il ressort de cette jurisprudence que l’appréciation du risque de confusion doit être fondée sur la perception des marques qu’a le consommateur moyen se procurant les produits appartenant à la catégorie de produits concernée. Selon la jurisprudence, ce consommateur doit être tenu pour normalement informé et pour raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 4 mai 2016, Bodegas Williams & Humbert/EUIPO – Central Hisumer (BOTANIC WILLIAMS & HUMBERT LONDON DRY GIN), T‑193/15, non
publié, EU:T:2016:266, point 17 et jurisprudence citée].
29 Cette catégorie est bien celle qui a été prise en compte par la chambre de recours dans sa décision, et il convient par conséquent de valider son appréciation sur ce point.
Sur les produits concernés
30 Selon la décision attaquée, les produits visés respectivement par la marque demandée et par la marque antérieure, dans la mesure où ils faisaient partie de la portée du recours devant la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, sont identiques ou similaires.
31 Cette appréciation est contestée par la requérante, qui, à l’appui de sa position, souligne les différences de nature et de finalité qui existeraient entre les produits couverts par sa marque et les produits vendus par l’intervenante, analyse le caractère concurrent ou complémentaire que présenteraient ces produits et s’efforce de démontrer que ces produits sont commercialisés par des intermédiaires différents.
32 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
33 Au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, l’éventuelle similitude entre les produits ou les services respectivement visés par la marque demandée et par la marque antérieure doit être examinée en référence aux produits ou aux services figurant dans les classes correspondant aux marques en conflit.
34 En revanche, contrairement à ce qu’indique la requérante, cette similitude ne doit pas être évaluée au regard des produits ou des services effectivement commercialisés sous ces marques [voir arrêt du 31 janvier 2013, Present-Service Ullrich/OHMI – Punt Nou (babilu), T‑66/11, non publié, EU:T:2013:48, point 45 et jurisprudence citée].
35 Il s’ensuit que doit être rejetée l’argumentation présentée par la requérante sur ce point. Dès lors, il y a lieu d’approuver les constatations d’identité ou de similitude effectuées par la division d’opposition et confirmées par la chambre de recours.
Sur l’élément commun aux marques en conflit
36 Après avoir identifié le public pertinent et comparé les produits concernés, il convient de comparer les signes figurant dans les marques en cause.
37 Selon la jurisprudence, deux marques peuvent être considérées comme étant similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du 8 septembre 2010, Quinta do Portal/OHMI – Vallegre (PORTO ALEGRE), T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 21].
38 Ainsi que les parties s’accordent à le considérer, il existe entre les signes en conflit un point commun, à savoir la présence dans les deux marques de l’élément « joy ».
Sur le caractère distinctif de l’élément commun
39 Selon la décision attaquée, cet élément présente, dans la marque antérieure, un caractère distinctif justifiant l’enregistrement dont a fait l’objet cette marque. Dans le cas de cet élément, l’aptitude à permettre la distinction présenterait une intensité normale pour une partie significative du public pertinent. Elle aurait une intensité inférieure à la normale pour la partie du public pertinent qui perçoit le mot « joy » comme doté d’une signification.
40 Cette analyse est contestée par la requérante, pour qui, lorsqu’il est en présence de la marque antérieure, le public pertinent accorde une attention limitée à l’élément « joy » considéré individuellement. Selon elle, l’attention des consommateurs porte au contraire sur l’ensemble formé par tous les éléments présents dans cette marque, à savoir « joy sportswear ».
41 Pour la requérante, l’attention limitée portée par le public pertinent à l’élément « joy » découle de la nature générique caractérisant ce terme. Il s’agirait en effet d’un mot utilisé couramment dans le langage ordinaire, où il renverrait à l’idée de « bonheur ».
42 Par ailleurs, le terme « joy » serait utilisé dans 59 marques et demandes de marques de l’Union européenne qui concerneraient des produits relevant de la classe 25. Cet usage courant dans le contexte spécifique des marques appliquées aux produits concernés démontrerait que cet élément est dépourvu de tout caractère distinctif pour les vêtements et la chapellerie.
43 Il s’ensuit, pour la requérante, que, étant peu marquant, l’élément verbal « joy » n’est pas de nature à individualiser de manière significative la marque antérieure et que, par conséquent, la présence de ce terme dans la marque demandée ne saurait être à l’origine d’une confusion entre elles.
44 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’estime la requérante, la présence de l’élément « joy » dans d’autres marques, au sein du domaine concerné, ne suffit pas à établir que cet élément est devenu faiblement distinctif [voir arrêt du 16 septembre 2009, Hipp & Co/OHMI – Laboratorios Ordesa (Bebimil), T‑221/06, non publié, EU:T:2009:330, point 59 et jurisprudence citée].
45 Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que, comme l’indique la chambre de recours, le terme anglais « joy » n’est pas nécessairement compris par les consommateurs allemands moyens.
46 Enfin, il n’est pas sûr que, pour peu qu’ils connaissent l’anglais, les consommateurs allemands associent le mot « joy » à l’idée de bonheur. En effet, un grand nombre de marques utilisées pour les produits concernés contiennent des prénoms. Dans ce contexte, il est probable, comme l’a constaté la chambre de recours, que l’association sera faite, par ces consommateurs, au prénom féminin Joy.
47 Pour ces raisons, il convient de rejeter les arguments avancés par la requérante en ce qui concerne le caractère peu distinctif de l’élément verbal « joy » et d’approuver les constatations effectuées sur ce point par la chambre de recours.
Sur le caractère dominant de l’élément commun
48 La requérante fait valoir que, à l’inverse de ce qui est affirmé dans la décision attaquée, l’élément verbal « joy » de la marque antérieure n’est pas dominant.
49 À cet égard, il convient de constater que la marque antérieure est formée par la combinaison de deux éléments, à savoir les mots « joy » et « sportswear ». Dans cette combinaison, le premier terme est présenté en caractères gras, italiques et bordés de blanc. Il occupe la majeure partie de l’espace. Le second apparaît dans la partie inférieure du signe. Il est présenté au moyen d’une police standard et est dépourvu d’élément figuratif particulier. Sa taille est plus petite.
50 De ces constatations, il convient de conclure que l’élément « sportswear » occupe, dans la combinaison, une place secondaire. À ce titre, il attire le regard dans une moindre mesure. Dans ce contexte, il apparaît peu probable que l’élément « sportswear » attirera l’attention du public pertinent et sera gardé en mémoire.
51 Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer, comme l’a constaté la chambre de recours, que le terme « joy » est susceptible d’être perçu par le consommateur, dans la marque antérieure, comme le signe indiquant l’origine commerciale des produits couverts et de jouer ainsi un rôle dominant dans le processus de mémorisation de cette marque par le public pertinent.
Sur la comparaison visuelle des marques en conflit
52 Les parties reconnaissent que les marques concernées comportent, sur le plan visuel, des différences. En ce qui concerne le contenu, la marque demandée comporte la lettre séparée « j » et l’esperluette « & », qui sont absentes de la marque antérieure. Celle-ci contient l’élément spécifique « sportswear ». Le début et la fin des marques en conflit diffèrent.
53 Pour ce qui est de la structure et de la longueur des signes, la marque antérieure se compose de deux mots et de treize caractères, tandis que la marque demandée comporte trois mots et cinq caractères.
54 La requérante souligne que, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours, ces différences visuelles sont importantes et confèrent à la marque demandée un caractère distinctif qui n’est pas compensé par la présence d’un mot identique dans les deux marques en conflit.
55 À cet égard, il convient de rappeler que l’examen de la similitude éventuelle de marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par elles (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).
56 Sur ce point, la chambre de recours a constaté que l’élément verbal « joy » dominait l’impression visuelle d’ensemble pour la marque antérieure et se retrouvait entièrement dans la marque demandée.
57 Elle a également considéré que, dans la marque demandée, les éléments « j » et « & » n’étaient pas de nature à retenir l’attention du consommateur. Cela met en avant l’élément verbal « joy », qui est l’élément commun entre les deux marques.
58 Par ailleurs, elle a observé que, dans la marque antérieure, le second élément (« sportswear ») et les éléments figuratifs étaient peu marquants. Cela contribuerait également à mettre en avant le terme « joy », qui, précisément, est commun aux deux marques.
59 Ces constatations effectuées par la chambre de recours correspondent aux caractéristiques présentées par les signes en conflit, et il y a lieu d’en confirmer le bien-fondé.
60 La conclusion s’imposant sur la base de ces constatations est que l’élément apparaissant de manière centrale dans les deux marques leur est commun. En revanche, les éléments établissant entre elles des différences ont un rôle accessoire dans la perception qu’aura le public pertinent. Il s’ensuit que, comme l’a indiqué la chambre de recours, les deux marques présentent un degré moyen de similitude visuelle, le point qu’elles ont en commun n’étant pas compensé par des différences
suffisantes.
61 La requérante fait toutefois valoir que l’EUIPO aurait conclu, dans des décisions antérieures, à l’absence de similitude visuelle entre des marques malgré la présence d’un élément commun.
62 À cet égard, il convient de rappeler que la légalité des décisions prises par cet organe s’apprécie sur la base du règlement n° 207/2009 et non pas sur la base des décisions qu’il a pu adopter antérieurement dans d’autres affaires – chaque affaire devant être appréciée de manière spécifique sur la base des faits qui la caractérisent [arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47 ; ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P,
non publiée, EU:C:2008:83, points 43 et 44, et arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71].
Sur la comparaison phonétique des marques en conflit
63 Contestant sur ce point la décision attaquée, la requérante soutient que, lorsqu’ils sont prononcés, les signes en cause suscitent, dans les impressions phonétiques qui en résultent, des différences empêchant toute confusion entre les marques concernées.
64 Au soutien de sa position, elle souligne que les marques en conflit présentent deux syllabes distinctes et ont seulement en commun une syllabe. Cette dernière n’aurait pas, de surcroît, sur le plan phonétique, un caractère dominant.
65 La marque demandée comporterait par ailleurs un double jeu de mots lui conférant un caractère distinctif prononcé. D’une part, le son « jay » (pour la lettre « j ») serait associé au mot « joy » pour désigner deux prénoms de consommateurs jeunes et branchés. D’autre part, l’ensemble phonétique résultant de ces sons correspondrait au mot « enjoy » qui serait, lui, reconnu comme un ensemble de sons par les consommateurs.
66 Ces caractéristiques phonétiques seraient fort différentes de celles associées à la marque antérieure, que le consommateur moyen prononcerait d’un seul trait sans s’arrêter de manière spécifique sur le mot « joy ».
67 Pour prendre position sur ces arguments, il convient de rappeler que, dans une marque complexe, certains éléments peuvent attirer l’attention du consommateur de sorte que, devant désigner oralement la marque, ce dernier sera amené à prononcer ces éléments et à négliger les autres.
68 L’impression visuelle induite par les particularités graphiques des éléments verbaux est ainsi susceptible d’influencer la perception phonétique d’un signe complexe [voir arrêt du 12 juillet 2011, Aldi Einkauf/OHMI – Illinois Tools Works (TOP CRAFT), T‑374/08, non publié, EU:T:2011:346, point 56 et jurisprudence citée].
69 En l’espèce, il convient de constater que la différence phonétique entre les deux marques concernées résulte de la prononciation de la lettre séparée « j » et de l’esperluette « & » au début de la marque demandée ainsi que de l’absence du mot « sportswear » à la fin de la marque antérieure.
70 Au vu de son caractère descriptif, de sa taille et de sa position dans la marque antérieure, il est peu probable que l’élément verbal « sportswear » figurant dans la marque antérieure retienne l’attention du public pertinent et soit prononcé par les consommateurs pertinents lorsqu’ils souhaitent désigner la marque antérieure.
71 Par ailleurs, ces différences ne peuvent faire oublier que les deux marques ont en commun un élément qui a été établi comme étant dominant, à savoir le mot « joy ». Comme l’a indiqué la chambre de recours, ce mot retient l’attention, sur le plan phonétique, lorsque les marques sont prononcées.
72 De ces constatations, il résulte que la prononciation du mot « joy » confère aux deux marques une certaine similitude phonétique, même s’il ne saurait être conclu à l’existence d’une identité parfaite entre elles sur ce plan.
73 Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant qu’il existait un degré moyen de similitude phonétique entre les deux signes en conflit.
Sur la comparaison conceptuelle des marques en conflit
74 Pour la requérante, la marque antérieure est perçue comme désignant des vêtements de sport que le consommateur moyen serait content de porter. Cette perception découlerait de l’utilisation, dans cette marque, d’un terme générique soulignant l’idée de bonheur (« joy ») et de son association au mot « sportswear » qualifiant des vêtements de sport.
75 La marque demandée susciterait une autre perception par l’allusion qu’elle ferait à un couple de jeunes appréciant la vie. Cette allusion serait obtenue par l’association réalisée dans la marque demandée entre le prénom masculin Jay et le prénom féminin Joy. Combinés, ces prénoms renverraient au verbe anglais « enjoy », qui comporte une invitation à profiter de ce qui peut être vécu.
76 La perception ainsi créée par la marque demandée attirerait le consommateur, de manière spécifique, vers les produits commercialisés par la requérante – des produits ayant du style, étant à la mode et présentant un design branché, coloré et varié.
77 Selon les constatations effectuées par la chambre de recours, le public pertinent est composé du public allemand moyen et le degré d’attention accordé aux produits concernés n’est pas supérieur à la moyenne.
78 Dans ce contexte, il apparaît douteux, comme l’a indiqué cette chambre, qu’une partie significative du public pertinent puisse comprendre la double composante qui, selon la requérante, est inhérente, sur le plan conceptuel, à la marque demandée – même en ce qui concerne les consommateurs qui comprendraient l’anglais.
79 Ainsi, il est peu probable, dans le public allemand, que le consommateur moyen portant une attention moyenne aux produits concernés attribue de l’importance, dans la marque demandée, à un autre mot que « joy », qui est l’élément commun des marques en conflit.
80 S’agissant de la marque antérieure, il est peu probable que, défini de cette manière, le public pertinent accorde une attention conceptuelle particulière au terme « sportswear », à supposer qu’il comprenne ce dernier, en considérant que les vêtements vendus sous cette marque sont exclusivement destinés à la pratique sportive.
81 Dans ces conditions, il apparaît peu vraisemblable que la similitude bien réelle qui existe entre les deux marques sur les plans visuel et phonétique puisse être compensée, même en partie, par des différences conceptuelles, si tant est qu’il en existe, qui pourraient opposer les marques en conflit.
Sur le risque de confusion
82 L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442 ; voir, également, arrêt du 14 décembre 2006,
Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74 et jurisprudence citée].
83 La chambre de recours a considéré en substance que, dans la mesure où la marque antérieure possède un caractère distinctif moyen, où les produits sont identiques ou similaires (à des degrés variables) et où les marques en conflit sont globalement similaires, une partie significative du public pertinent pourra être induite en erreur et penser, à tort, que les produits en cause portant la marque demandée et la marque antérieure proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant,
d’entreprises liées économiquement.
Sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure
84 Selon la requérante, l’intervenante aurait dû établir le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure pour obtenir que soit écartée la demande d’enregistrement portant sur la marque demandée.
85 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’EUIPO est tenu d’examiner le caractère distinctif intrinsèque d’une marque antérieure lorsqu’il examine une opposition formée à l’encontre d’une demande visant à obtenir l’enregistrement d’une nouvelle marque. Ainsi, l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque ne supposant aucun élément de fait qu’il appartiendrait aux parties de fournir, l’EUIPO apprécie son existence au vu de la marque antérieure sur laquelle
est fondée l’opposition, sans que les parties doivent présenter des moyens ou des arguments visant à établir ce caractère [arrêt du 1^er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 32].
86 L’intervenante n’était dès lors pas tenue d’apporter la preuve du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, contrairement à ce que soutient la requérante.
87 La requérante fait aussi valoir que, selon elle, ce caractère distinctif n’a pas été établi à suffisance de droit par la division d’opposition, puis par la chambre de recours.
88 À cet égard, il suffit de relever que, en l’espèce, la chambre de recours a examiné le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure. Dans ce cadre, elle a estimé que la marque antérieure dans son ensemble possédait un caractère distinctif moyen pour tous les produits dans le territoire pertinent.
89 Plus particulièrement, la chambre de recours a considéré que l’élément dominant « joy » n’avait aucune signification sémantique pour une partie significative du public pertinent et en a conclu que le mot « joy » possédait un caractère distinctif intrinsèque moyen pour cette partie significative du public pertinent.
90 La chambre de recours a également estimé que le terme anglais « sportswear » serait compris comme désignant des « vêtements de sport ou décontractés » et qu’il était dénué de tout caractère distinctif ou possédait, tout au plus, un caractère distinctif plutôt faible.
91 Au vu de ce qui précède, la chambre de recours a donc établi à suffisance de droit que la marque antérieure dans son ensemble possédait un caractère distinctif moyen pour tous les produits dans le territoire pertinent.
92 Par ailleurs, même à supposer que la marque antérieure ne possède qu’un caractère distinctif faible, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 70 de la décision attaquée, qu’un risque de confusion entre les marques en conflit ne pouvait être exclu pour le public pertinent vu l’identité des produits visés par la marque antérieure et la marque demandée ainsi que les éléments de similitude entre les signes en conflit [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI –
Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].
Sur la renommée de la marque demandée
93 La requérante soutient encore que la marque demandée bénéficierait d’une renommée dans une partie substantielle de l’Union et que cette renommée suffirait à la distinguer de la marque antérieure.
94 À cet égard, il convient de rappeler que la renommée est pertinente pour apprécier l’existence d’un risque de confusion lorsqu’elle concerne la marque antérieure, mais qu’elle ne l’est pas lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée.
95 Comme l’a indiqué le Tribunal dans sa jurisprudence, le caractère distinctif élevé d’un signe joue un rôle par rapport à la marque antérieure et non par rapport à la marque postérieure [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 24 ; du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, EU:C:2009:503, point 84, et du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 18].
Conclusion
96 Sur la base de l’ensemble de ces considérations, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit en tant qu’ils visent les produits relevant de la classe 18 et de la classe 25 couverts par la marque antérieure et visés par la marque demandée, dans la mesure où ils font partie de la portée du recours devant la deuxième chambre de recours de l’EUIPO.
97 L’identité ou la similitude des produits désignés par les marques en conflit, la similitude des signes ainsi que le niveau d’attention moyen du public pertinent, considérés cumulativement, se révèlent suffisants pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.
98 Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
99 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
100 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions soumises par l’EUIPO et par l’intervenante. Dès lors, il n’y a pas lieu de décider sur les différentes interprétations des parties quant à la portée du chef de conclusions relatif aux dépens formulé par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) J & Joy SA est condamnée aux dépens.
Pelikánová Nihoul Svenningsen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2017.
Signatures
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* Langue de procédure : l’anglais.