ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
30 mars 2022 ( *1 )
« Concurrence – Ententes – Marché du fret aérien – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Coordination d’éléments du prix des services de fret aérien (surtaxe carburant, surtaxe sécurité, paiement d’une commission sur les surtaxes) – Échange d’informations – Compétence territoriale de la Commission – Article 266 TFUE – Prescription – Droits de la défense –
Non-discrimination – Infraction unique et continue – Montant de l’amende – Valeur des ventes – Gravité de l’infraction – Montant additionnel – Circonstances atténuantes – Encouragement du comportement anticoncurrentiel par les autorités publiques – Participation substantiellement réduite – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »
Dans l’affaire T‑340/17,
Japan Airlines Co. Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes J.-F. Bellis et K. Van Hove, avocats, et M. R. Burton, solicitor,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. A. Dawes, Mme G. Koleva et M. C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, assistés de M. J. Holmes, QC,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien), en tant qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a
été infligée,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),
composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, D. Spielmann et Mme I. Reine, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 juillet 2019,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 La requérante, Japan Airlines Co. Ltd, anciennement Japan Airlines International Co. Ltd, est une compagnie de transport aérien. À l’époque des faits, la requérante était une filiale de Japan Airlines Corp., qu’elle a absorbée et dont elle assure la succession juridique. Elle est active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret ») par l’intermédiaire de l’une de ses divisions, dénommée JAL Cargo.
2 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une
saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.
3 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos
fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.
4 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S
(ci-après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et la requérante.
A. Procédure administrative
5 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :
– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;
– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
6 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
7 Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 5 ci-dessus.
8 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le
transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).
9 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.
10 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.
B. Décision du 9 novembre 2010
11 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci‑après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :
– Air Canada ;
– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;
– Société Air France (ci-après « AF ») ;
– Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;
– British Airways plc ;
– Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;
– Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;
– Japan Airlines Corp. ;
– la requérante ;
– Lan Airlines SA (ci-après « Lan ») ;
– Lan Cargo SA ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;
– Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;
– SAS AB ;
– SAS Cargo ;
– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;
– SAC ;
– Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).
12 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).
13 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.
14 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :
« Article 2
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [Japan Airlines Corp.], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
i) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 3
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [Japan Airlines Corp.], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
i) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 5
Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :
[…]
h) [Japan Airlines Corp.] et [la requérante] conjointement et solidairement : 35700000 EUR ;
[…]
Article 6
Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »
C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à elle-même et à Japan Airlines Corp. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.
16 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore
Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie,
la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, la requérante et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.
17 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues
distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.
18 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que
lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.
19 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.
20 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions
uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée
dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.
D. Décision attaquée
21 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de
l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.
22 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.
23 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :
– Air Canada ;
– AF-KLM ;
– AF ;
– KLM ;
– British Airways ;
– Cargolux ;
– CPA ;
– la requérante ;
– Latam Airlines Group ;
– Lan Cargo ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair ;
– SAS ;
– SAS Cargo ;
– SAS Consortium ;
– SAC ;
– SIA.
24 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.
25 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.
26 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des
services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).
27 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal
transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.
28 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au
niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.
29 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également
été exploitées à ces fins.
30 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).
31 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :
« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du
mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.
(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]
(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une
diminution de la STC allait être déclenchée. »
32 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :
« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau
des administrations centrales et au niveau local. »
33 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».
34 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 760 à 764 de cette décision.
35 Au considérant 765 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la requérante ne contestait pas les faits présentés dans la communication des griefs.
36 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement
ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans
le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».
37 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876),
portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).
38 Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.
39 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.
40 Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. Elle a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé
que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les
liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.
41 Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.
42 Sixièmement, aux considérants 922 à 971 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur l’alliance WOW. Au considérant 971 de cette décision, elle a conclu ce qui suit :
« Étant donné la teneur de l’accord d’alliance WOW et sa mise en œuvre, la Commission considère que la coordination des surtaxes entre les membres de l[’alliance] WOW s’est déroulée en dehors du cadre légitime de l’alliance, qui ne la justifie pas. Les membres avaient en réalité connaissance de l’illicéité d’une telle coordination. Ils étaient en outre au courant que la coordination des surtaxes impliquait plusieurs [transporteurs] qui ne participaient pas à l[’alliance] WOW. La Commission estime
donc que les éléments probants concernant des contacts entre les membres de l[’alliance] WOW […] constituent la preuve de leur participation à l’infraction à l’article 101 du TFUE telle qu’elle est décrite dans la présente décision. »
43 Septièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.
44 Huitièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
45 Neuvièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de
l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec
les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien]
concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».
46 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et
à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :
« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »
47 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :
« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se
trouvant dans l’EEE.
(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004
du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.
(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques
anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.
(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des
surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »
48 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :
– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;
– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;
– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.
49 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 7 décembre 1999 au 14 février 2006.
50 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.
51 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
52 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).
53 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.
54 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.
55 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :
– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à six ans et deux mois, et un facteur de multiplication de 6 et 2/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.
56 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 54 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.
57 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 113000000 euros a été arrêté à 56000000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était
fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.
58 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.
59 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 47600000 euros.
60 Aux considérants 1314 à 1322 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 25 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 35700000 euros.
61 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :
« Article premier
En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.
1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [la requérante], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;
[…]
2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
[…]
4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :
[…]
h) [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 2
La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :
à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :
[…]
h) [la requérante] : 35700000 EUR ;
[…]
Article 4
Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
[…]
[la requérante]
[…] »
II. Procédure et conclusions des parties
62 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.
63 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.
64 La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 2 janvier 2018.
65 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 8 mars 2018.
66 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.
67 Le 17 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.
68 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2019.
69 Par ordonnance du 19 juin 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.
70 Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 22 juin 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.
71 Par décision du 4 août 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.
72 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en tant qu’elle la concerne ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
73 La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– modifier le montant de l’amende infligée à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
74 Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur
des ventes.
A. Sur les conclusions en annulation
75 La requérante invoque dix moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :
– le premier, de la violation du principe ne bis in idem, de l’article 266 TFUE et du délai de prescription ;
– le deuxième, d’une violation du principe de non-discrimination ;
– le troisième, de violations de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’obligation de motivation tenant, d’une part, à l’imputation qui lui est faite de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse pour la période antérieure au 1er mai 2004 et, d’autre part, à la détermination de la date du début de sa participation à cette infraction ;
– le quatrième, d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE tenant à l’imputation qui lui est faite de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur des liaisons sur lesquelles elle n’était pas une concurrente réelle ou potentielle ;
– le cinquième, d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants ;
– le sixième, d’une violation des droits de la défense, du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité tenant à l’application à différents transporteurs d’exigences différentes en matière probatoire ;
– le septième, de la violation des lignes directrices de 2006 et du principe de proportionnalité concernant, d’une part, la détermination de la valeur des ventes et, d’autre part, la fixation du coefficient de gravité et du montant additionnel ;
– le huitième, de la violation des lignes directrices de 2006 et du principe de protection de la confiance légitime tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants à des clients établis en dehors de l’EEE ;
– le neuvième, d’une violation du principe de proportionnalité en raison du caractère insuffisant de la réduction générale de 15 % ; et
– le dixième, de violations du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité ainsi que, en substance, de l’obligation de motivation tenant au refus de la Commission de lui accorder une réduction du montant de l’amende de 10 % au titre de sa participation limitée à l’infraction unique et continue.
76 Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le cinquième moyen, ensuite, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, et, enfin, les premier à quatrième et sixième à dixième moyens successivement.
1. Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants
77 La requérante soutient que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, ce que celle-ci conteste.
78 Il convient de rappeler que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE peut être établie au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet
2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).
79 Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).
80 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est, comme le reconnaît la requérante, fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.
81 La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.
82 La requérante soutient que les effets supposés du comportement litigieux ne peuvent justifier l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants. La Commission, sur qui pèserait la charge de la preuve, n’aurait pas établi que ce comportement avait eu un effet immédiat, substantiel et prévisible sur le territoire de l’EEE.
83 La requérante avance, en s’appuyant sur les lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101, p. 81), que les effets dont se prévaut la Commission au considérant 1045 de la décision attaquée sont, au mieux, spéculatifs et, en tout état de cause, trop éloignés pour étayer le motif selon lequel le comportement litigieux a restreint la concurrence au sein de l’EEE.
84 En particulier, la Commission n’apporterait aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle le prix des marchandises vendues au sein de l’EEE serait affecté par les prix des services de fret entrants. Un tel effet ne pourrait d’ailleurs être substantiel, les surtaxes ne représentant qu’une fraction du coût total des services de fret et le coût de ces derniers ne représentant lui-même qu’une fraction du coût des marchandises importées dans l’EEE. Un tel effet ne pourrait, par
définition, pas non plus être immédiat, les clients ayant la faculté de répercuter ou non une éventuelle augmentation des prix des services de fret entrants sur le prix de marchandises importées et, le cas échéant, de décider des proportions dans lesquelles ils la répercutent. Un tel effet n’aurait, enfin, pas été prévisible, puisque la requérante n’aurait pas été active sur les marchés avals concernés et que les surtaxes ne représentaient qu’une partie minuscule du coût du transport de
marchandises.
85 En outre, l’effet tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE concernerait un marché différent de celui en cause en l’espèce, à savoir celui des services de fret, et ne saurait, par conséquent, justifier le motif selon lequel le comportement litigieux a restreint la concurrence au sein de l’EEE.
86 Par ailleurs, pour établir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence, il ne serait pas suffisant de qualifier un comportement d’infraction unique et continue, sans analyser ses effets anticoncurrentiels.
87 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
88 Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.
89 Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les
consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».
90 Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
91 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.
a) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément
92 Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).
93 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632,
point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).
94 En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 95 à 114 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 116 à 131 ci-après), son caractère substantiel (voir points 132 à 142 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 143 à 153 ci-après).
1) Sur la pertinence de l’effet en cause
95 Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).
96 L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).
97 Contrairement à ce que soutient la requérante, ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a « bien eu des effets anticoncurrentiels » dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).
98 Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.
99 En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de
restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.
100 À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la requérante, que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).
101 Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).
102 Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610,
point 55).
103 Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.
104 La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission
n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.
105 En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui
leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.
106 Aucun des arguments de la requérante ne permet de considérer que l’effet en cause ne comptait pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission est fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.
107 En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, rien dans le libellé, l’économie ou la finalité de l’article 101 TFUE ne permet de considérer que les effets pris en compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés doivent se produire sur le même marché que celui concerné par l’infraction en cause plutôt que sur un marché aval comme c’est le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, points 159
et 161).
108 En deuxième lieu, c’est à tort que la requérante avance que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.
109 À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).
110 En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, de la requête que, entre
le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, la requérante n’a réalisé qu’une proportion négligeable de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.
111 Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins
vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.
112 Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se
matérialiser.
113 En troisième lieu, s’agissant du point 43 des lignes directrices visées au point 83 ci-dessus, il suffit de relever qu’il concerne un cas de figure différent de celui envisagé en l’espèce et qu’il porte, en tout état de cause, sur la notion d’affectation du commerce entre États membres au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et non sur la question de la compétence territoriale de la Commission au titre du critère des effets qualifiés. Or, il s’agit là de questions distinctes, la première
portant sur la détermination du domaine du droit de la concurrence de l’Union eu égard à celui des États membres (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 41), tandis que la seconde concerne la justification de la compétence de la Commission au regard du droit international public (voir point 78 ci-dessus).
114 En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.
115 Conformément à la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.
2) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause
116 L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).
117 Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).
118 Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).
119 Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.
120 En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs
incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).
121 Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante est
restée en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.
122 Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.
123 La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.
124 À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.
125 La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.
126 Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.
127 Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.
128 Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.
129 Pour les motifs retenus au point 111 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.
130 L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, contrairement à ce que soutient la requérante, nullement nécessaire pour elle d’opérer sur le marché de l’importation de marchandises ou de leur revente en aval pour pouvoir le prévoir.
131 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.
3) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause
132 L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159,
et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).
133 Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.
134 En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.
135 En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.
136 En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».
137 En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en
conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.
138 À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.
139 Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires.
De même, dans le tableau reproduit au point 135 de la requête, il est indiqué que les surtaxes représentaient 11,87 % du prix des services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers de la requérante pendant l’exercice 2004/2005.
140 Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ». Certes, la requérante le conteste, mais elle se borne à procéder par affirmation.
141 Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même
réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 140000000 euros en 2005.
142 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.
4) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause
143 L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non
(voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).
144 La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).
145 En l’espèce, l’intervention des transitaires, dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.
146 Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).
147 Or, en l’espèce, la requérante n’établit, ni même n’allègue que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.
148 Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.
149 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, pour affecter les « consommateurs au sein de l’EEE », auxquels la Commission fait référence au considérant 1045 de la décision attaquée, une « augmentation éventuelle des prix [aurait dû être] répercutée du transitaire à l’expéditeur, puis de l’expéditeur à l’importateur, et ensuite le cas échéant de l’importateur au grossiste, du grossiste au détaillant et en dernier lieu du détaillant au
consommateur ». Cet argument procède, en effet, de deux prémisses erronées.
150 La première des prémisses en cause est que les « consommateurs au sein de l’EEE » visés au considérant 1045 de la décision attaquée sont les consommateurs finals, c’est-à-dire des personnes physiques agissant à des fins étrangères à leur activité professionnelle ou commerciale. La notion de consommateur en droit de la concurrence ne vise pas les seuls consommateurs finals, mais l’ensemble des utilisateurs, directs ou indirects, des produits ou des services ayant fait l’objet du comportement
litigieux (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:42, point 156).
151 Il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, dont la requérante n’a pas utilement contesté le bien-fondé, que les « expéditeurs peuvent être les acheteurs ou les vendeurs de marchandises faisant l’objet d’échanges commerciaux ou les propriétaires de marchandises qui doivent être acheminées rapidement sur des distances relativement longues ». Dans ses écritures, la Commission a précisé que ces marchandises pouvaient être importées pour leur consommation directe ou en tant qu’intrants
pour la production d’autres produits. Or, s’agissant de services de fret entrants, ces expéditeurs peuvent, comme le relève à juste titre la Commission, être implantés dans l’EEE. Il y a donc lieu d’interpréter la référence aux « consommateurs au sein de l’EEE » figurant au considérant 1045 de la décision attaquée en ce sens qu’elle inclut des expéditeurs.
152 La seconde des prémisses en cause est que, quand bien même la référence aux « consommateurs au sein de l’EEE » au considérant 1045 de la décision attaquée n’engloberait que les consommateurs finals, ces derniers ne pourraient acquérir les marchandises importées qu’auprès d’un détaillant, qui ne pourrait lui-même les acquérir qu’auprès d’un grossiste, lequel ne pourrait à son tour que les acquérir auprès d’un importateur et ainsi de suite. Or, les consommateurs finals sont également susceptibles
d’acquérir ces marchandises directement auprès de l’expéditeur.
153 Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner
le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.
b) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble
154 Il convient d’emblée de rappeler que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante dans la réplique, rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).
155 Selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément,
n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).
156 La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).
157 Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.
158 Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. La requérante ne conteste ni cette qualification en général, ni le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde. Tout au plus conteste-t-elle, dans le cadre du troisième moyen, que ses propres actes puissent
relever d’une telle infraction.
159 Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a
ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des
marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.
160 Les arguments par lesquels la requérante conteste l’existence d’une telle substituabilité ne sauraient prospérer. D’une part, la circonstance que le fret puisse être le moyen de transport privilégié pour acheminer les marchandises qui sont sensibles à l’écoulement du temps ne signifie pas que toutes les marchandises acheminées par voie de fret le sont, ni d’ailleurs que seules des marchandises sensibles à l’écoulement du temps sont transportées par voie de fret. Il ne saurait donc être déduit de
cette seule circonstance que les liaisons indirectes ne se prêtent généralement pas au transport de fret. D’autre part, il convient de relever que la requérante reste en défaut d’apporter le moindre élément de preuve à l’appui de son argumentation. À l’inverse, la Commission fait référence à un accord par lesquels les membres de l’alliance WOW ont organisé le transport de vin en provenance de l’EEE à destination du Japon par le biais des correspondances par les États-Unis et de pays asiatiques
autres que le Japon.
161 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre
2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).
162 Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
163 Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère
de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.
164 Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
165 La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief pris d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.
2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse
166 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).
167 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).
168 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures
d’organisation de la procédure.
169 La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Elle ajoute que, ce faisant, la Commission a, d’une part, violé
l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et, d’autre part, enfreint le droit international conventionnel en imposant à la Confédération suisse une obligation sans avoir préalablement obtenu son consentement. Selon elle, ces illégalités justifient une réduction du coefficient de gravité et, par suite, du montant de l’amende qui lui a été infligée.
170 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.
171 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.
172 Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
173 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision
par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).
174 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair
Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).
175 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément
exclues.
176 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
177 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.
178 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.
179 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement
dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».
180 Conformément au principe rappelé au point 177 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.
181 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.
182 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
183 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.
184 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006« en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE”
désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».
185 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à
celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu
lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».
186 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.
187 Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de
50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays
tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.
188 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé
sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
189 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.
190 Le présent moyen doit donc être écarté.
3. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe ne bis in idem et de l’article 266 TFUE, ainsi que de la violation du délai de prescription
191 La requérante articule le présent moyen en deux branches, prises, d’une part, de la violation du principe ne bis in idem et de l’article 266 TFUE et, d’autre part, de la violation du délai de prescription et de l’absence d’intérêt légitime à constater formellement une infraction.
192 Le Tribunal considère qu’il est opportun de traiter d’abord la seconde branche prise de la violation du délai de prescription.
a) Sur la seconde branche, prise de la violation du délai de prescription et de l’absence d’intérêt légitime à constater formellement une infraction
193 La requérante invoque la violation du délai de prescription et l’absence d’intérêt légitime à constater formellement une infraction.
194 S’agissant du délai de prescription, la requérante fait valoir que, dans la mesure où son recours contre la décision du 9 novembre 2010 ne tendait pas à l’annulation des constats d’infraction relatifs aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse, l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 prévoyant la suspension de ce délai en cas de recours pendant ne trouvait pas à s’appliquer. En infligeant à la requérante une amende au titre de ces liaisons dans la décision attaquée, la Commission aurait
dès lors violé ledit délai.
195 S’agissant de l’intérêt légitime à constater l’infraction pour les liaisons intra-EEE et les liaisons Union-Suisse, la requérante soutient qu’il appartient à la Commission de démontrer qu’elle a un tel intérêt. Or, celle-ci n’apporterait aucun élément attestant que la requérante ne s’était pas conformée à l’obligation de cessation immédiate de l’infraction prévue par la décision du 9 novembre 2010. En outre, rien ne permettrait à la Commission de présumer, comme elle l’aurait fait au
considérant 1171 de la décision attaquée, que la requérante n’avait peut-être pas mis fin à l’infraction à la date d’adoption de la décision attaquée. Qui plus est, tant la décision attaquée que la décision du 9 novembre 2010 indiqueraient qu’il n’existe pas de preuve que les arrangements collusoires se seraient poursuivis après le premier jour des inspections, le 14 février 2006. La requérante estime également que, selon la jurisprudence, le fait que la Commission n’ait pas démontré un intérêt
légitime est suffisant pour justifier l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité en ce que celle-ci la concerne.
196 Enfin, si le Tribunal devait accueillir la présente branche, mais juger que la décision attaquée n’encourait pas l’annulation dans son intégralité, il conviendrait de tenir compte de la violation du délai de prescription pour le calcul du montant de l’amende. Selon la requérante, le coefficient de gravité et le montant additionnel applicables à elle devraient dès lors être fixés à un pourcentage inférieur à 16 %. Elle soutient que, à défaut, cela créerait une discrimination injustifiable entre
elle et les transporteurs tenus pour responsables de l’infraction unique et continue sur toutes les liaisons, et viderait de son sens le délai de prescription de dix ans fixé à l’article 25 du règlement no 1/2003.
197 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
198 Selon la Commission, le délai de prescription de dix ans a été suspendu entre le 24 janvier 2011, date à laquelle la requérante a introduit son recours à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010, et le 16 décembre 2015, date à laquelle le Tribunal a rendu l’arrêt Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992). En prenant en compte cette suspension, le délai écoulé entre le 14 février 2006, date à laquelle l’infraction a cessé, et le 17 mars 2017, date de la décision attaquée,
serait seulement de 6 ans, 2 mois et 26 jours.
199 La Commission souligne que la décision du 9 novembre 2010 a décrit une infraction unique et continue couvrant toutes les liaisons concernées et que la requérante, par son recours contre cette décision, a cherché à obtenir l’annulation de celle-ci, ce qui justifierait la suspension du délai de prescription.
200 La Commission ajoute que le coefficient de gravité et le montant additionnel n’ont pas à être ajustés. Le coefficient de gravité serait resté le même pour tous les destinataires de la décision attaquée et l’étendue géographique du comportement de chaque destinataire aurait été prise en compte dans les chiffres d’affaires utilisés pour le calcul du montant de l’amende.
201 Il convient de rappeler que, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 2, 3 et 5, du règlement no 1/2003, la prescription du pouvoir d’imposer une amende est acquise dès lors que :
– la Commission n’a pas imposé une amende dans les cinq ans à compter du jour où l’infraction a pris fin [paragraphe 1, sous b)] sans que, entre-temps, soit intervenu un acte interruptif (paragraphe 3) ;
– ou au plus tard, dans les dix ans à compter du jour où l’infraction a pris fin si des actes interruptifs ont été accomplis (paragraphe 5).
202 En outre, l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 prévoit que la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice. En vertu du paragraphe 5 du même article, le délai de prescription de dix ans est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément à son paragraphe 6.
203 Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction, notifié à au moins une entreprise ayant participé à l’infraction. Conformément à l’article 25, paragraphe 4, du même règlement, l’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises ayant participé à l’infraction en cause.
204 Il en ressort que la circonstance qu’une entreprise n’ait pas été désignée comme ayant participé à l’infraction dans un ou plusieurs actes pris pour l’instruction ou la poursuite de l’infraction durant la procédure administrative ne s’oppose pas à ce que l’interruption de la prescription vaille également à son égard, pour autant que l’entreprise concernée soit ultérieurement identifiée comme ayant participé à l’infraction (arrêt du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission,
T‑405/06, EU:T:2009:90, points 143 et 144).
205 En revanche, la Cour a dit pour droit que, à la différence de l’effet erga omnes des actes interruptifs de prescription visés à l’article 25, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1/2003, l’effet suspensif de la prescription qu’attache l’article 25, paragraphe 6, de ce même règlement aux procédures judiciaires n’a d’effet qu’inter partes (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 148).
206 Ainsi, à l’égard des entreprises qui n’ont pas introduit de recours contre une décision finale de la Commission, le recours d’une autre entreprise contre la même décision finale ne peut avoir aucun effet suspensif (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 145).
207 Enfin, le fait que la Commission n’ait plus le pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction du fait de l’écoulement du délai de prescription ne fait pas en soi obstacle à l’adoption d’une décision constatant que cette infraction a été commise, sous réserve que la Commission démontre, en pareil cas, un intérêt légitime à prendre une décision constatant une telle infraction (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02
et T‑23/02, EU:T:2005:349, points 131 et 132).
208 En l’espèce, il n’est pas contesté que le point de départ du délai de prescription est la date de cessation de l’infraction unique et continue, à savoir le 14 février 2006, conformément à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
209 Par ailleurs, la requérante se borne à invoquer la violation du délai de prescription de dix ans prévu à l’article 25, paragraphe 5, dudit règlement, sans soutenir que le délai de prescription de cinq ans aurait également été violé. Or il est constant que, à la date d’adoption de la décision attaquée, plus de dix années s’étaient écoulées depuis la cessation de l’infraction unique et continue.
210 La Commission avance néanmoins, à la différence de la requérante, que le délai de prescription a été suspendu, conformément à l’article 25, paragraphe 6, de ce règlement, tant qu’était pendante la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), de sorte que la prescription n’avait pas été acquise à la date d’adoption de la décision attaquée.
211 Il y a donc lieu de déterminer si le recours introduit par la requérante contre la décision du 9 novembre 2010 a eu pour effet de proroger le délai de prescription de dix ans s’agissant de son comportement infractionnel constaté à l’article 1er, paragraphes 1 et 4, de la décision attaquée, respectivement sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse.
212 À cet égard, il convient de relever que, pour conclure à la nature inter partes de l’effet suspensif de prescription d’un recours contre une décision de sanction de la Commission (point 205 ci-dessus), la Cour s’est notamment appuyée sur les contours de l’objet du litige qu’est conduit à trancher le juge de l’Union devant lequel est porté le recours en annulation, en rappelant que le juge n’est saisi que des éléments de la décision qui concernent le demandeur en annulation (voir, en ce sens,
arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 142). Il en résulte une nécessaire cohérence entre la portée du recours en annulation et la portée de l’effet sur la prescription qui s’y attache en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003.
213 Il importe donc de déterminer la portée du recours de la requérante contre la décision du 9 novembre 2010, et en particulier si le Tribunal était saisi, dans le cadre du litige porté devant lui par la requérante, des comportements afférents aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
214 À cet égard, il est de jurisprudence constante que les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (voir arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373,
point 51 et jurisprudence citée).
215 Par ailleurs, la Cour a jugé qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, devait s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P,
C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 100). Elle a également jugé que, si un destinataire d’une décision décidait d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’était saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entraient pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union était appelé à trancher, sous réserve de circonstances particulières (arrêt du 11 juillet 2013, Team
Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66).
216 Partant, l’objet du recours introduit par la requérante à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010 doit être circonscrit au dispositif de ladite décision, en tant qu’elle la concernait, ainsi qu’aux motifs qui en étaient le soutien nécessaire. Or, ce dispositif, en tant qu’il constatait la participation des entreprises destinataires de cette décision aux comportements infractionnels qui y étaient mentionnées, ne procédait à un tel constat s’agissant de la requérante qu’à l’égard des liaisons
Union-pays tiers (article 2) et des liaisons EEE sauf Union-pays tiers (article 3). En revanche, ledit dispositif, dans la mesure où il ne faisait pas mention de la requérante en ses articles 1er et 4, ne retenait pas sa responsabilité pour les comportements liés aux liaisons intra-EEE et aux liaisons Union-Suisse et ne constituait dès lors pas un élément de la décision qui la concernait susceptible d’être soumis à la censure du Tribunal.
217 Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance, avancée par la Commission, que la requérante visait dans ses conclusions l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 dans son intégralité.
218 En effet, ladite décision devant s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacun des transporteurs qu’elle incrimine la ou les infractions retenues à sa charge, la requérante, en sollicitant l’annulation de l’intégralité de cette décision, a demandé l’annulation de la décision individuelle qui lui était adressée et qui ne lui imputait pas les comportements commis sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Cela est confirmé par le dispositif de l’arrêt du
16 décembre 2015, Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), qui précise que la décision du 9 novembre 2010 est annulée en ce qu’elle visait la requérante.
219 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le recours introduit par la requérante contre la décision du 9 novembre 2010 n’était pas susceptible d’entraîner la prorogation du délai de prescription prévue à l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003, s’agissant des comportements infractionnels liés aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
220 Partant, à défaut de prorogation du délai de prescription, l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction à l’égard des comportements en cause était prescrit à compter du 14 février 2016, soit à une date antérieure à la date d’adoption de la décision attaquée.
221 Il s’ensuit que, en sanctionnant, dans la décision attaquée, la requérante pour l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, la Commission a violé les règles en matière de prescription établies à l’article 25 du règlement no 1/2003.
222 En outre, même à supposer, comme la Commission a semblé le suggérer en réponse à une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que l’amende infligée à la requérante ne l’ait pas été au titre des comportements infractionnels concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, il y a lieu de relever que la Commission ne soutient ni dans la décision attaquée, ni devant le Tribunal, disposer d’un intérêt légitime à constater l’existence desdits
comportements infractionnels nonobstant la prescription du pouvoir d’infliger une amende à ce titre (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 136, et du 16 novembre 2011, Stempher et Koninklijke Verpakkingsindustrie Stempher/Commission, T‑68/06, non publié, EU:T:2011:670, point 44).
223 Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen et d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée.
224 Il ne s’ensuit pas, en revanche, que la décision attaquée doive être annulée dans son intégralité, contrairement à ce que soutient la requérante (voir point 195 ci-dessus). D’une part, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission (T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349), et dont la requérante cherche à se prévaloir, la prescription n’est acquise, en l’espèce, qu’à l’égard d’une partie des constats d’infraction
contenus dans la décision attaquée, à savoir ceux concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. D’autre part, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience et comme en atteste l’examen ci-après des moyens qui subsistent au soutien du présent recours, l’accueil de la présente branche n’a pas pour effet de l’empêcher de discuter utilement, et le Tribunal d’examiner, la légalité du reste de la décision attaquée.
225 Quant à la première partie de l’article 4 de la décision attaquée, il n’y a pas lieu de l’annuler puisqu’elle se limite à enjoindre aux transporteurs incriminés de mettre fin à l’infraction unique et continue « dans la mesure où [ils] ne l’ont pas encore fait ».
226 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée devrait être prise en compte au stade du calcul de l’amende, son argumentation sera examinée dans le cadre de l’examen des conclusions tendant à la modification du montant de l’amende.
b) Sur la première branche, prise de la violation du principe ne bis in idem et de l’article 266 TFUE
227 La requérante fait d’abord valoir que la Commission a violé le principe ne bis in idem consacré par l’article 50 de la Charte ainsi que l’article 266 TFUE, en lui imputant la responsabilité de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 et sur les liaisons Union-Suisse entre le 1er juin 2002 et le 14 février 2006, alors que, dans la décision du 9 novembre 2010, elle aurait été exonérée de toute responsabilité sur ces liaisons et
n’aurait été tenue pour responsable de l’infraction unique que sur les liaisons Union-pays tiers entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006 et sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers entre le 19 mai 2005 et le 14 février 2006.
228 En outre, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement en s’abstenant d’adresser à Qantas la décision attaquée au motif qu’elle n’avait pas contesté la décision du 9 novembre 2010, alors que la requérante, qui n’aurait pas contesté cette décision en tant qu’elle l’exonérait pour les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, est à présent tenue pour responsable pour celles-ci.
229 Dans la réplique, la requérante ajoute que, en ayant omis d’organiser une nouvelle audition et d’adresser une nouvelle communication des griefs avant de modifier de manière substantielle le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, en retenant sa responsabilité pour les liaisons intra-EEE entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 et pour les liaisons Union-Suisse entre le 1er juin 2002 et le 14 février 2006, la Commission a commis une illégalité justifiant, à elle seule, l’annulation de
la décision attaquée.
230 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
231 Par les différents griefs soulevés dans le cadre de la présente branche, la requérante reproche, en substance, à la Commission de l’avoir illégalement tenue pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Or, le Tribunal, en accueillant la seconde branche du premier moyen et en annulant, en conséquence, l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée, a rendu inutile l’examen de la
présente branche.
4. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination, et le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’obligation de motivation tenant, d’une part, à l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse pour la période antérieure au 1er mai 2004 et, d’autre part, à la détermination de la date du début de sa participation à ladite
infraction
232 Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de non‑discrimination en la tenant pour responsable d’une infraction dont la portée est plus large et la durée plus longue que celles des infractions dont Qantas est déclarée responsable dans la décision du 9 novembre 2010.
233 La requérante soutient être dans la même situation que Qantas, dans la mesure où elle ne desservait pas non plus les liaisons intra-EEE et Union‑Suisse. En outre, elle fait valoir que, comme Qantas, elle n’a jamais contesté les parties de la décision du 9 novembre 2010 qui concernaient les liaisons intra-EEE et les liaisons Union‑Suisse pour lesquelles elle est dorénavant tenue pour responsable en vertu de la décision attaquée.
234 Dans le cadre du troisième moyen, la requérante fait grief à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation ainsi que l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en la tenant pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse pour la période antérieure au 1er mai 2004. Elle rappelle que, avant le 1er mai 2004, la Commission ne pouvait appliquer l’article 101 TFUE qu’aux liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et ne s’appliquait
donc pas aux liaisons Union-pays tiers. Selon elle, avant le 19 mai 2005, il en allait de même de l’article 53 de l’accord EEE, que la Commission ne pouvait pas alors appliquer aux transports aériens sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle en déduit que sa participation à des contacts au sujet des liaisons Union-Japon avec d’autres transporteurs avant le 1er mai 2004 était légale. Dans la mesure où ces contacts ne relevaient pas de la compétence de la Commission et étaient donc légaux,
ils n’auraient, par définition, pas pu s’inscrire dans l’« action illicite commune » à laquelle la Commission a fait référence au considérant 865 de la décision attaquée. La requérante estime donc qu’il ne saurait être considéré que, en participant auxdits contacts, elle a contribué à l’infraction unique et continue.
235 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
236 Il convient de constater que, en substance, la requérante reproche, par son deuxième moyen, à la Commission d’avoir violé le principe de non-discrimination en la tenant pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, alors que Qantas ne s’est vue reprocher aucune infraction sur ces liaisons. De même, par le troisième moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de
l’accord EEE en la tenant pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne ces mêmes liaisons.
237 Or, le Tribunal a accueilli la seconde branche du premier moyen et a, en conséquence, déjà annulé l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée, dans le cadre desquels la Commission avait tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. L’examen des deuxième et troisième moyens est donc devenu inutile.
5. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE tenant à l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur des liaisons sur lesquelles elle n’était pas une concurrente réelle ou potentielle
238 La requérante avance que la Commission a violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en la tenant pour responsable de l’infraction unique et continue sur des liaisons qu’elle ne desservait pas et qu’elle n’aurait légalement pas pu desservir en vertu des accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA ») applicables. La requérante invoque trois arguments à l’appui de cette thèse.
239 En premier lieu, la requérante soutient que l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE suppose l’existence d’une concurrence réelle ou, à tout le moins, potentielle entre les entreprises concernées. Or, elle indique qu’elle ne pouvait juridiquement pas fournir des services de fret sur les liaisons visées à l’article 1er de la décision attaquée autres que les liaisons EEE-Japon.
240 La requérante ajoute que, quand bien même il lui aurait été possible de conclure avec des transporteurs des accords tels que ceux visés au considérant 890 de la décision attaquée pour desservir de manière indirecte les liaisons visées à l’article 1er de ladite décision autres que les liaisons EEE-Japon, elle n’aurait pas pu exercer sur ces dernières une concurrence effective.
241 Les affirmations formulées par la Commission au considérant 890 de la décision attaquée seraient d’ailleurs entièrement nouvelles et ne figureraient pas dans la communication des griefs. La requérante en déduit que la Commission ne lui a pas accordé le droit d’être entendue au sujet de ces affirmations et a ainsi violé ses droits de la défense.
242 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission ne saurait se prévaloir de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), pour la tenir pour responsable de l’infraction unique et continue sur des marchés sur lesquels elle n’était pas un concurrent réel ou potentiel.
243 En effet, d’une part, la Commission n’aurait pas invoqué l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), dans la décision attaquée et l’invoquer devant le Tribunal reviendrait à modifier de façon illicite le fondement sur lequel elle a été tenue pour responsable de l’infraction unique et continue.
244 La requérante ajoute que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs qui la met dans l’impossibilité de comprendre les motifs pour lesquels elle est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons autres que les liaisons EEE-Japon. La Commission lui aurait, en effet, imputé la responsabilité de l’infraction unique et continue sur ces liaisons pour deux motifs qui s’excluent mutuellement : l’un supposerait la présence, au moins
potentielle, de la requérante sur le marché affecté, tandis que l’autre supposerait son absence sur ce même marché.
245 D’autre part, la portée de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), serait limitée aux cas dans lesquels l’entreprise concernée a contribué activement à une restriction de concurrence et a joué un rôle essentiel dans l’infraction examinée. Or, la requérante n’aurait pas apporté de contribution active à l’infraction unique et continue, ni n’aurait joué un rôle essentiel dans cette dernière.
246 En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’elle ne pouvait pas apporter de contribution à la mise en œuvre d’une coordination anticoncurrentielle sur les liaisons autres que les liaisons EEE-Japon et que les contacts qu’elle a entretenus avec des transporteurs incriminés actifs sur ces autres liaisons n’ont donc pas pu avoir pour objet de restreindre la concurrence au sein de l’EEE. Elle ajoute qu’elle a adopté une attitude suiviste sur les marchés locaux et qu’elle fixait le niveau des
surtaxes au niveau local, en fonction des liaisons, si bien que la Commission n’était pas fondée à retenir, au considérant 889 de la décision attaquée, que les surtaxes n’étaient spécifiques à aucune liaison.
247 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
248 À titre liminaire, il convient d’observer que, par le présent moyen, la requérante reproche en substance à la Commission de l’avoir tenue pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE, Union-Suisse et EEE-pays tiers autres que EEE-Japon (ci-après « liaisons EEE-pays tiers sauf Japon »). Pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 231 et 237 ci-dessus, l’examen de ce moyen est devenu inutile en tant qu’il porte sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
Le Tribunal n’examinera donc ledit moyen qu’en tant qu’il porte sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon.
249 Cela étant clarifié, afin de répondre au présent moyen, il y a lieu, dans un premier temps, de rappeler les principes applicables (voir points 250 à 264 ci-après), dans un deuxième temps, d’identifier les motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon (voir points 265 à 277 ci-après) et, dans un troisième temps, d’examiner leur bien-fondé (voir points 278 à 284
ci-après).
a) Sur les principes applicables
250 Il convient de rappeler que, comme il ressort du point 100 ci-dessus, l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.
251 Ainsi, pour tomber sous l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un comportement d’entreprises doit non seulement révéler l’existence d’une collusion entre elles, à savoir un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée, mais cette collusion doit également affecter défavorablement et de manière sensible le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Expedia,
C‑226/11, EU:C:2012:795, points 16 et 17).
252 S’agissant d’accords ou de pratiques concertées entre des entreprises opérant à un même niveau de la chaîne de production ou de distribution, il est donc nécessaire, comme le relève la requérante, qu’une telle collusion intervienne entre des entreprises se trouvant en situation de concurrence si ce n’est actuelle, du moins potentielle.
253 Il convient, cependant, de rappeler que, comme l’a jugé la Cour au point 34 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne concerne pas uniquement les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence. Sa portée ne se limite pas davantage aux entreprises actives sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins de ce marché ou à celles qui limitent leur autonomie de comportement sur un
marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée.
254 Le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère, en effet, de façon générale à tous les accords et les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives, tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles soit concerné par les termes des arrangements en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015,
AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 35).
255 Il en résulte qu’une entreprise est susceptible de commettre une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour objet de restreindre la concurrence sur un marché sur lequel elle n’est ni un concurrent réel ni un concurrent potentiel.
256 Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, à l’article 53 de l’accord EEE.
257 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être déduit du point 37 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), que la portée de cet arrêt est limitée aux hypothèses dans lesquelles l’entreprise concernée a joué un « rôle essentiel » dans l’entente en cause. Dans cet arrêt, la Cour s’est, en effet, gardée d’ériger le caractère essentiel du rôle de l’entreprise concernée au rang de condition d’engagement de sa responsabilité. Elle s’est
contentée, aux points 37 à 39 dudit arrêt, de reprendre à son compte un constat factuel que le Tribunal avait opéré en première instance pour répondre à l’argument selon lequel les interventions de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt constituaient de simples services périphériques, sans relation avec les obligations contractées par les producteurs et les restrictions de concurrence en découlant.
258 Le raisonnement de la Cour se fondait notamment sur la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 30). Selon cette jurisprudence, une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu,
quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une infraction à ces dispositions. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ou du territoire de l’EEE, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la
participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
259 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ou de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de
la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque
(voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
260 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de
l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012,
Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
261 Il en ressort que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise concernée à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08,
EU:T:2011:289, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).
262 Même la contribution subordonnée, accessoire ou passive d’une entreprise à la mise en œuvre d’une entente suffit pour lui imputer la responsabilité de comportements anticoncurrentiels mis en œuvre ou envisagés par d’autres entreprises dans la poursuite d’un même objectif anticoncurrentiel et dont elle a une connaissance réelle ou présumée (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, points 133 et 134, et du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission,
T‑29/05, EU:T:2010:355, points 55 et 56).
263 L’existence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées n’est, en revanche, pas une condition de qualification d’agissements anticoncurrentiels en tant qu’infraction unique et continue ni d’imputation de cette responsabilité. L’interprétation contraire priverait la notion d’« infraction unique et continue » d’une partie de son sens, puisqu’elle disculperait ces entreprises de toute responsabilité indirecte en raison des agissements des entreprises non concurrentes qui,
toutefois, contribueraient par leur comportement à l’accomplissement du plan d’ensemble qui est spécifique à l’infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, points 124, 137 et 138).
264 Il en résulte que la Commission était en l’espèce habilitée à tenir la requérante pour responsable de composantes de l’infraction unique et continue, dont l’objet était de restreindre la concurrence sur des liaisons qu’elle ne pouvait desservir, pourvu qu’il soit démontré qu’elle entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par
ceux-ci dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elle n’a pas directement participé, ou qu’elle avait pu raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque.
b) Sur les motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
265 Aux considérants 862 à 868 de la décision attaquée, la Commission a exposé la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue. En particulier, aux considérants 865 à 868 de cette décision, elle a rappelé qu’une entreprise pouvait, sous certaines conditions, être tenue pour responsable d’une infraction unique et continue dans son ensemble quand bien même elle n’aurait pas participé directement à « tous [s]es éléments constitutifs ». Au considérant 895 de ladite décision, la
Commission a réitéré ce principe en réponse à un argument de British Airways et d’Air Canada, qui soutenaient ne pas avoir été au courant de l’existence d’une « conspiration plus large ».
266 Aux considérants 869 à 902 et à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue, englobant la totalité des contacts litigieux, qu’ils aient ou non eu lieu à l’intérieur de l’EEE, et des liaisons concernées, qu’elles soient entrantes, sortantes ou internes à l’EEE. Elle a notamment retenu, au considérant 879 de cette décision, que les contacts litigieux visaient à « la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables,
dans le cadre d’un plan global ».
267 Au considérant 878 de la décision attaquée, la Commission a observé que tous les transporteurs incriminés avaient « été impliqués dans des communications et la concertation au sujet de la STC et [que] plusieurs d’entre eux l’[avaie]nt été en ce qui concerne la STS et le [refus de] paiement de commissions ». Au considérant 881 de cette décision, elle a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, était impliquée dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (voir,
également, considérant 761). Il ressort des considérants 882 et 883 de ladite décision que la Commission a ainsi entendu retenir que la requérante avait directement participé à chacune de ces composantes et non qu’elle n’avait directement participé qu’à certaines d’entre elles, mais avait eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres transporteurs incriminés dans la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel unique, ou pu
raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque.
268 Il ressort, cependant, des réponses de la Commission aux arguments d’Air Canada et de British Airways aux considérants 894 à 897 de la décision attaquée que ce n’est pas pour autant qu’elle a considéré que la requérante avait directement participé à l’ensemble des activités anticoncurrentielles qui relevaient de ces composantes.
269 C’est donc au motif que la requérante entendait, indépendamment de sa qualité de concurrente potentielle sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon, contribuer au plan global poursuivant l’objectif anticoncurrentiel commun décrit aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée et avait la connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres transporteurs incriminés auxquels elle n’a pas directement participé que la Commission lui a imputé la responsabilité de
l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle concernait les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon.
1) Sur les contradictions de motifs alléguées
270 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être déduit de la décision attaquée que la Commission a, dans le même temps, entendu lui imputer la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon sur le fondement de sa qualité de concurrente potentielle sur ces dernières et s’est ainsi contredite.
271 En premier lieu, il ne saurait être déduit du considérant 890 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur l’éventuelle qualité de concurrente potentielle de la requérante sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon pour retenir sa responsabilité s’agissant de celles-ci. Ledit considérant est le seul auquel la Commission a, en substance, fait référence à l’existence d’une concurrence potentielle entre les transporteurs incriminés sur les liaisons qu’ils ne desservaient pas, ni ne
pouvaient directement desservir. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort tant de son libellé que de son objectif et du contexte dans lequel il s’inscrit que ledit considérant ne concerne pas la responsabilité des différents transporteurs incriminés pour l’infraction unique et continue, mais l’existence de cette dernière, que la requérante ne conteste pas dans le cadre du présent moyen. En effet ledit considérant fait expressément référence à l’« existence de l’infraction
unique et continue ». Quant aux considérants 112 et 885 à 887 de la décision attaquée, ils indiquent qu’il s’agissait pour la Commission de démontrer que les contacts intervenus dans les pays tiers ou des contacts concernant des liaisons que des transporteurs incriminés ne desservaient pas et ne pouvaient directement desservir étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue ou de l’« entente mondiale ».
272 En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les références dans la décision attaquée à une « restriction de concurrence » (considérants 1028 et 1277), à des « échanges d’informations entre concurrents » (considérant 908), à des « arrangements entre concurrents cherchant à coordonner leur comportement afin de lever l’incertitude existant sur le marché concernant la tarification » (considérant 909) et à des « contacts entre concurrents » (considérant 920) ne supposent pas
davantage que la Commission se soit appuyée sur l’éventuelle qualité de concurrente potentielle de la requérante sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon pour lui imputer la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait ces dernières. En effet, ces références se limitent à renvoyer à l’existence d’accords ou de pratiques concertées entre des entreprises qui se font concurrence sur un ou plusieurs marchés, faute de quoi la Commission n’aurait pas pu conclure à
l’existence d’une restriction de concurrence (voir point 252 ci-dessus).
273 La requérante n’est donc pas fondée à se prévaloir de contradictions dans les motifs pour lesquels la Commission l’a tenue pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle portait sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon.
2) Sur le caractère prétendument nouveau du fondement invoqué pour imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
274 La requérante n’est pas davantage fondée à reprocher à la Commission de tenter de régulariser au stade de la procédure juridictionnelle la motivation prétendument défaillante de la décision attaquée en renvoyant dans le mémoire en défense à une décision qu’elle n’aurait ni citée ni a fortiori invoquée dans la décision attaquée, à savoir l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717). En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le renvoi à cet arrêt ne
modifie aucunement le « fondement de la responsabilité invoqué dans la décision [attaquée] ». Ainsi qu’il ressort des points 253 à 263 ci-dessus, ledit arrêt ne reconnaît, ni ne crée un fondement nouveau sur lequel la Commission pourrait s’appuyer pour imputer à une entreprise la responsabilité d’une infraction aux règles de concurrence. Il se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de l’article 101 TFUE (et, par analogie, de l’article 53 de l’accord EEE) telles qu’elles
doivent ou auraient dû être comprises depuis son entrée en vigueur et à l’appliquer à un cas d’espèce, qui se trouve être celui d’un facilitateur.
275 Or, comme il ressort des points 250 à 269 ci-dessus, les fondements juridiques sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée pour tenir la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon sont l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, ainsi que la notion d’infraction unique et continue qui en découle.
276 Contrairement à ce que soutient par ailleurs la requérante, ce sont également ces fondements qui sont invoqués dans la communication des griefs. En effet, dans cette communication comme dans la décision attaquée, la Commission s’est précisément appuyée sur lesdits fondements. Ainsi, tout d’abord, au paragraphe 3 de ladite communication, elle a indiqué que les entreprises concernées avaient « pris part à une infraction unique et continue [...] de l’article [101, paragraphe 1, TFUE], [de]
l’article 53[, paragraphe 1, de l’accord EEE] et [de] l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] […] par laquelle elles [avaient] coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne diverses surtaxes, les tarifs de fret et le paiement d’une commission sur les surtaxes ». Ensuite, au paragraphe 129 de la même communication, elle a précisé que l’infraction unique et continue « couvrait les services
de fret […] dans l’U[nion]/EEE et en Suisse et sur des liaisons entre les aéroports de l’U[nion]/EEE et les pays tiers dans le monde entier, dans les deux directions ». Enfin, aux paragraphes 1412 à 1432 de la communication en question, elle a exposé la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue et a expliqué comment elle entendait l’appliquer aux faits de l’espèce.
277 Dans ces conditions, conformément à ce qui a été indiqué au point 261 ci-dessus, l’existence d’un plan d’ensemble n’étant pas contestée, il convient de déterminer si c’est à juste titre que la Commission a considéré que la requérante, indépendamment de sa qualité de concurrente réelle ou potentielle sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon pouvait être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon, dans la mesure où elle entendait
contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés et avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ceux-ci sur ces liaisons dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elle n’a pas directement participé, ou pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque.
c) Sur le bien-fondé des motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
278 Aux considérants 762 à 764 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « nombreux contacts » que la requérante a entretenus avec des concurrents tout au long de la période pendant laquelle elle a participé à l’infraction unique et continue aux fins de « coordonner les prix dans le secteur du fret ». Or, il ressort de ces considérants que la requérante a participé à la concertation relative aux liaisons EEE-pays tiers sauf Japon. Il convient, en effet, de constater que plusieurs contacts
auxquels la requérante a pris part concernaient, à tout le moins en partie, de telles liaisons.
279 Ainsi, pour ce qui est de la STC, il convient de mentionner parmi les éléments relevés dans la décision attaquée la « réunion amicale » qui s’est tenue le 22 janvier 2001 dans les locaux de Lufthansa en Allemagne (considérant 174), plusieurs échanges de courriels au sein de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du fret aérien de Suisse, ci-après l’« ACCS ») (considérants 203, 204, 286, 364, 426, 502, 535, 561 et 574), des discussions au sein de l’alliance WOW (considérant 517) ou encore des
réunions du SCC du BAR à Hong Kong (considérants 394 et 503) et à Singapour (considérant 295). Pour ce qui est de la STS, il y a lieu de renvoyer dans cette décision notamment à la « réunion WOW pour l’Europe » (considérant 630) et à la réunion du SCC du BAR à Hong Kong du 15 mars 2004, dans le cadre de laquelle il a été « convenu que les transporteurs d[evai]ent appliquer la STS au départ de Hong Kong » (considérant 665). Pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il a notamment été
fait référence dans la même décision à une réunion multilatérale qui s’est tenue le 12 mai 2005 en Italie et lors de laquelle des transporteurs qui auraient représenté « plus de 50 % du marché », dont la requérante, ont « tous confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS » (considérant 695) ou encore à un courriel du 13 juin 2005 par lequel le président de l’ACCS a adressé à ses membres un « projet de réponse commune [à une lettre à l’association suisse des transitaires]
rédigé au nom de l’ACCS rejetant les revendications des [transitaires] » (considérant 693).
280 Pour ce qui est des activités anticoncurrentielles relatives aux liaisons EEE-pays tiers sauf Japon auxquelles la requérante n’a pas directement participé, il suffit d’observer qu’elle ne conteste pas qu’elle en avait la connaissance requise.
281 La requérante conteste, en revanche, avoir pu sciemment contribuer à la mise en œuvre d’une coordination anticoncurrentielle sur les liaisons autres que les liaisons EEE-Japon.
282 En l’espèce, il convient de constater que, comme il ressort des considérants 872 à 876 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue poursuivait l’objectif anticoncurrentiel unique de restreindre la concurrence entre transporteurs incriminés sur les surtaxes au moins au sein de l’Union, de l’EEE et en Suisse.
283 Or, il ressort de la décision attaquée que la requérante a entendu contribuer à la réalisation de cet objectif par son propre comportement. En effet, la requérante a non seulement encouragé la continuation de l’infraction unique et continue et compromis sa découverte en s’abstenant de se distancier publiquement du contenu des contacts relatifs aux liaisons EEE-pays tiers sauf Japon auxquels elle a pris part ou de les dénoncer aux entités administratives compétentes, mais a également, en
coordonnant les surtaxes et le refus de paiement de commissions sur les liaisons EEE-Japon, contribué à assurer que les transitaires ne puissent contourner le paiement de surtaxes sur des liaisons EEE-pays tiers sauf Japon en empruntant des itinéraires alternatifs notamment via le Japon et, par suite, à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun identifié aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée (voir point 159 ci-dessus).
284 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle portait sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon, indépendamment de son éventuelle qualité de concurrente potentielle sur ces liaisons. Le présent moyen doit donc être rejeté.
6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, du principe de non‑discrimination et du principe de proportionnalité en raison de l’application à différents transporteurs d’exigences différentes en matière probatoire
285 La requérante fait grief à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation et les principes de non-discrimination et de proportionnalité en appliquant différentes exigences probatoires à différents transporteurs. Premièrement, elle soutient que la Commission n’a pas motivé de manière adéquate le choix de retenir sa responsabilité plutôt que celle d’autres transporteurs non incriminés et à l’égard desquels la Commission disposerait de preuves analogues à celles utilisées à son égard.
286 Deuxièmement, la requérante considère que la Commission a violé le principe de non‑discrimination en concluant que le comportement d’une entreprise constituait une infraction, tout en décidant que le comportement très similaire d’une autre entreprise ne constituait pas une infraction, appliquant ainsi des niveaux de preuve différents aux deux entreprises concernées.
287 Troisièmement, la requérante affirme que la Commission a violé le principe de proportionnalité en lui infligeant une amende pour une infraction qui serait grave tout en décidant de ne pas sanctionner le comportement similaire d’autres transporteurs. Le coefficient de gravité de 16 % appliqué serait disproportionné, étant donné que la Commission n’aurait pas considéré l’infraction en cause comme étant suffisamment grave pour justifier des mesures à l’encontre de certains transporteurs non
incriminés.
288 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
289 Il convient d’emblée de relever que, même à supposer que la Commission ait commis une illégalité en ne retenant pas la responsabilité de transporteurs non incriminés, une telle illégalité, dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent recours, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard de la requérante, dès lors qu’il résulte de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la
légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 55).
290 Au surplus, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363,
point 51 et jurisprudence citée).
291 La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission,
T‑456/10, EU:T:2015:296, point 202 et jurisprudence citée).
292 En l’espèce, la requérante fait, en substance, valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en la sanctionnant tout en s’abstenant de retenir la responsabilité de transporteurs non incriminés et de les sanctionner en conséquence.
293 Or, la requérante n’établit aucunement que ces transporteurs se trouvaient dans une situation semblable à la sienne. Si elle indique que leur comportement était similaire, elle ne démontre pas que le faisceau d’indices dont la Commission disposait à l’encontre des transporteurs en cause était semblable à celui dont elle disposait à son égard.
294 Le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit donc être rejeté.
295 Quant à la prétendue violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a aucune obligation d’exposer, dans une décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, les raisons pour lesquelles d’autres entreprises n’ont pas été poursuivies ou sanctionnées. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes
similaires adressés à des parties tierces (arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 414).
296 Le grief pris d’un défaut de motivation et d’une violation des droits de la défense doit donc être rejeté.
297 S’agissant du grief pris d’une violation du principe de proportionnalité, il suffit d’observer qu’il se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission disposait à l’encontre de la requérante et des transporteurs non incriminés d’un faisceau d’indices semblable.
298 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième grief invoqué par la requérante et, par voie de conséquence, le moyen dans son ensemble.
7. Sur le septième moyen, tiré de la violation des lignes directrices de 2006 et du principe de proportionnalité
299 Le septième moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices de 2006 et le principe de proportionnalité dans la fixation du montant de l’amende, s’articule, en substance, en deux branches. Elles sont relatives, la première, à la détermination de la valeur des ventes et, la seconde, à la fixation du coefficient de gravité et du montant additionnel.
a) Sur la première branche, relative à la détermination de la valeur des ventes
300 La requérante soutient que la Commission a déterminé la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS, auxquelles l’infraction unique et continue était associée. Elle invoque deux griefs, tirés, le premier d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et, le second, d’une violation du principe de proportionnalité.
1) Sur le premier grief, déduit d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006
301 La requérante fait valoir que la Commission a violé le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 en considérant que l’infraction unique et continue était liée aux tarifs et en incluant, en conséquence, les recettes tirées des tarifs dans la valeur des ventes. Selon elle, cette infraction porte uniquement sur la STC, la STS et le refus de paiement de commissions et non sur les tarifs, qui auraient été exclus de son périmètre « en raison de preuves insuffisantes ».
302 Les arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission (T‑127/04, EU:T:2009:142), et du 19 mai 2010, KME Germany e.a./Commission (T‑25/05, non publié, EU:T:2010:206), ne seraient d’aucun secours pour la Commission. Ces arrêts ne concerneraient, en effet, pas le calcul des amendes selon les lignes directrices de 2006, mais selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité
CECA (JO 1998, C 9, p. 3), qui prévoyaient une méthode de calcul très différente. Par ailleurs, des différences factuelles manifestes existeraient entre la présente affaire et celles ayant donné lieu auxdits arrêts. Ces derniers auraient, en effet, concerné la prise en compte des coûts de production aux fins de la fixation du montant de l’amende. Or, les tarifs ne seraient pas assimilables à des coûts de production, mais s’apparenteraient à un élément de prix distinct pour lequel la Commission
n’aurait constaté aucune infraction. Au stade de la réplique, la requérante ajoute que l’exclusion des tarifs de la valeur des ventes ne causerait pas les « litiges insolubles » dont il était question dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810).
303 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
304 Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au
paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non
publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).
305 La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67). Contrairement à ce que soutient la
requérante, tel est le cas quand bien même la portée de l’infraction visée dans la communication des griefs aurait été plus étendue que celle constatée dans la décision finale, cette circonstance étant dépourvue de pertinence aux fins de l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
306 Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.
307 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.
308 Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par la requérante revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.
309 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutient la requérante, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de
vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 5030).
310 En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 53).
311 La requérante le conteste, certes, mais elle se contente de soutenir qu’il n’y aurait pas de difficultés d’application dans les circonstances de l’espèce, sans expliquer comment le refus de paiement de commissions serait pris en compte, ni contester que des allégations de discrimination risqueraient de survenir.
312 C’est donc sans violer le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
313 Le présent grief doit donc être rejeté.
2) Sur le second grief, déduit d’une violation du principe de proportionnalité
314 La requérante fait valoir que l’approche de la Commission est contraire au principe de proportionnalité. Cette approche ne refléterait pas l’importance économique de l’infraction en cause. Au cours de l’exercice 2004-2005, les recettes de la requérante liées à la STC et à la STS n’auraient, en effet, représenté qu’un « faible » pourcentage de ses recettes totales liées à la vente de services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers pour ledit exercice (de l’ordre de 12 %).
315 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
316 Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).
317 Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les infractions aux règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité exige que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa
gravité et de sa durée [voir arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 103 et jurisprudence citée].
318 Dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises qui ont fait l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer
sur le marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 96).
319 Selon la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits ou des services qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction [arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 106].
320 La valeur des ventes présente aussi l’avantage de constituer un critère objectif facile à appliquer. Elle rend ainsi l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet, dans un objectif de dissuasion générale, d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié,
EU:T:2016:109, point 159].
321 Le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 reprend ces principes de la manière suivante :
« […] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique. »
322 Or, au considérant 1190 de la décision attaquée, la Commission a précisément conclu qu’il convenait de tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret plutôt que des seuls éléments de leur prix qui ont spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés, à savoir les surtaxes.
323 Contrairement à ce que soutient la requérante, la seule circonstance que les surtaxes ne représentaient qu’un « faible » pourcentage de ses recettes totales liées à la vente de services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers pour l’exercice 2004/2005 n’est pas de nature à démontrer que cette approche était disproportionnée au regard de l’importance économique de l’infraction unique et continue.
324 En effet, le fait même qu’une entreprise effectue des ventes à des prix dont seul un ou plusieurs éléments ont été fixés ou ont fait l’objet d’échanges illicites d’informations entraîne une distorsion de concurrence affectant l’ensemble du marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 62).
325 Quant à l’incidence de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE, il y a lieu de rappeler que la détermination de la valeur des ventes ne tient pas compte de critères tels que l’incidence concrète de l’infraction sur le marché ou le dommage causé (voir, en ce sens, arrêts du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 259, et du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 193).
326 Ce n’est qu’au stade distinct et ultérieur de la détermination du coefficient de gravité, qui fait l’objet de la seconde branche du présent moyen, que la Commission peut, le cas échéant, prendre en considération un critère de cette nature [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 94].
327 Il s’ensuit que l’approche suivie au considérant 1190 de la décision attaquée, consistant à tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret, est apte à contribuer à la réalisation du premier objectif visé au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que cette approche était inapte à contribuer à la réalisation du second
objectif visé audit paragraphe, consistant à refléter adéquatement le poids relatif de chaque transporteur incriminé.
328 La requérante ne saurait pas non plus soutenir que la Commission l’a sanctionnée comme si l’entente litigieuse avait également porté sur les tarifs. En effet, selon la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, la nature de l’infraction est prise en compte à un stade ultérieur du calcul de l’amende, lors de la détermination du coefficient de gravité, qui, en application du paragraphe 20 de ces lignes directrices, est apprécié au cas par cas pour chaque type d’infraction, en
tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, points 296 et 297).
329 C’est donc sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
330 Le présent grief doit donc être rejeté, de même que la présente branche dans son ensemble.
b) Sur la seconde branche, concernant la fixation du coefficient de gravité et du montant additionnel
331 La requérante avance que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant le coefficient de gravité à 16 % et en lui appliquant un montant additionnel de 16 %, alors même que la portée de l’infraction unique et continue était moins importante que celle qui lui était reprochée dans la communication des griefs. Elle ajoute que la décision attaquée ne comporte aucune indication concernant l’incidence sur le calcul du montant de l’amende de cette restriction importante de la portée de
ladite infraction par rapport à celle qui avait été retenue dans cette communication.
332 Lors de l’audience, la requérante a précisé que la présente branche devait être interprétée en ce sens qu’elle était tirée non seulement d’une violation du principe de proportionnalité, mais aussi d’un défaut de motivation.
333 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
334 Selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient notamment de prendre en considération la gravité de l’infraction.
335 Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 prévoient ce qui suit :
« 19. Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.
20. L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.
21. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.
22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
23. Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »
336 Selon la jurisprudence, un accord horizontal par lequel les entreprises concernées s’entendent non sur le prix total, mais sur un élément de celui-ci, constitue un accord horizontal de fixation de prix, au sens du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, et compte, dès lors, parmi les restrictions de concurrence les plus graves (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, points 277 et 278).
337 Il s’ensuit que, comme l’a rappelé la Commission au considérant 1208 de la décision attaquée, un tel accord mérite généralement un coefficient de gravité situé en haut de l’échelle de 0 à 30 % visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006.
338 Selon la jurisprudence, un coefficient de gravité sensiblement plus faible que la limite supérieure de cette échelle est très favorable à une entreprise qui est partie à un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) et peut même se justifier au regard de la seule nature de l’infraction (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774,
point 103 et jurisprudence citée).
339 Or, au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a précisément estimé que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapporte concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».
340 C’est donc à juste titre que la Commission a, aux considérants 1199, 1200 et 1208 de la décision attaquée, qualifié le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, quand bien même il n’aurait « pas couvert le prix entier pour les services en question ».
341 La Commission était dès lors fondée à conclure, au considérant 1208 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux comptaient parmi les restrictions à la concurrence les plus graves et méritaient donc un coefficient de gravité « en haut de l’échelle ».
342 Le coefficient de gravité de 16 % que la Commission a retenu au considérant 1212 de la décision attaquée, sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, pourrait donc se justifier au regard de la seule nature de l’infraction unique et continue.
343 Il y a, cependant, lieu d’observer que, comme il ressort des considérants 1209 à 1212 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule nature de l’infraction unique et continue pour fixer à 16 % le coefficient de gravité. La Commission s’est ainsi référée dans cette décision aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial et sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers (considérant 1209), à la portée géographique de l’entente litigieuse
(considérant 1210) et à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux (considérant 1211).
344 Toutefois, la requérante ne conteste pas le bien-fondé de ces facteurs aux fins de la fixation du coefficient de gravité.
345 Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir qu’un coefficient de gravité de 16 % fût illégal.
346 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que,
en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre
ou non de l’infraction.
347 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).
348 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.
349 Or, les arguments que la requérante avance s’agissant du montant additionnel se confondent avec ceux qu’elle a soulevés s’agissant du coefficient de gravité et que le Tribunal a déjà rejetés. Ces arguments ne sauraient donc prospérer.
350 Quant à l’argument tiré d’une divergence insuffisamment motivée entre la décision attaquée et la communication des griefs s’agissant de la détermination du coefficient de gravité et du montant additionnel, il manque tant en droit qu’en fait.
351 En droit, il suffit d’observer que la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles existant entre les appréciations définitives qui figurent dans la décision finale et les appréciations provisoires qu’elle a retenues dans la communication des griefs (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 96 et jurisprudence citée).
352 En fait, il convient d’observer que, aux points 1567 à 1581 de la communication des griefs, la Commission a indiqué qu’elle envisageait d’infliger une amende aux transporteurs concernés et a défini les principaux éléments de fait et de droit dont elle entendait tenir compte à cet effet. En revanche, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, d’autres éléments n’étaient pas requis (voir arrêt du 19 mai 2010, Wieland-Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié, EU:T:2010:201, point 129
et jurisprudence citée), la Commission n’y a pas indiqué à quelle proportion de la valeur des ventes elle envisageait de fixer le coefficient de gravité et le montant additionnel.
353 Il s’ensuit que la communication des griefs et la décision attaquée ne présentent aucune discordance s’agissant du pourcentage auquel le coefficient de gravité et le montant additionnel ont été fixés.
354 La présente branche doit donc être rejetée et, par suite, le septième moyen dans son ensemble.
8. Sur le huitième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices de 2006 et du principe de protection de la confiance légitime tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants vendus à des clients établis en dehors de l’EEE
355 La requérante reproche à la Commission d’avoir enfreint les lignes directrices de 2006 et violé le principe de protection de la confiance légitime en incluant dans la valeur des ventes les recettes provenant de services de fret entrants vendus à des clients établis en dehors de l’EEE.
356 Selon la requérante, seules des ventes réalisées sur le territoire de l’EEE peuvent être incluses dans la valeur des ventes. Les ventes réalisées en dehors de l’EEE ne pourraient être prises en compte, au titre du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006, que dans le cas exceptionnel où « les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction ». Or, ces circonstances exceptionnelles n’auraient
pas été réunies en l’espèce et, en tout état de cause, la Commission ne prétendrait pas qu’elles l’étaient.
357 La requérante ajoute que l’approche de la Commission diverge de la règle générale inscrite dans le règlement no 139/2004, selon laquelle il convient d’affecter le chiffre d’affaires au lieu où se trouve le client. S’agissant de l’application de ce principe au transport de marchandises, elle fait valoir que la communication consolidée sur la compétence précise que « [l]es cas concernant le transport de marchandises sont différents, en ce sens que le client auquel ces services sont fournis ne se
déplace pas, mais que le service de transport est fourni au client à l’endroit où il se trouve », si bien que le « lieu où se trouve le client est le critère déterminant pour l’affectation du chiffre d’affaires ».
358 La requérante invoque aussi la décision de la Commission du 28 janvier 2009 dans l’affaire COMP/39.406 – Tuyaux marins, dont il ressortirait que la méthode suivie pour procéder à l’affectation géographique du chiffre d’affaires en application des lignes directrices de 2006 est conforme à l’approche définie dans la communication consolidée sur la compétence.
359 La requérante souligne également que la concurrence sur les services de fret entrants s’exerce dans le pays tiers pour attirer des clients qui se trouvent dans ce pays et y achètent des services. Les éventuels effets de l’infraction unique et continue sur la concurrence en matière de services de fret entrants auraient donc été ressentis dans les pays tiers.
360 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
361 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 subordonne l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des biens ou des services de l’entreprise concernée à la condition que les ventes en cause aient été « réalisées […] en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».
362 Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait ainsi état ni de « ventes négociées » ni de « ventes facturées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, ledit paragraphe ne s’oppose pas à ce que la Commission retienne les ventes effectuées auprès de clients établis à l’extérieur de l’EEE, pas plus qu’il n’impose de tenir compte des ventes négociées ou facturées dans l’EEE.
Autrement, il suffirait à une entreprise participant à une infraction de faire en sorte qu’elle négocie ses ventes avec les filiales de ses clients situées à l’extérieur de l’EEE ou les leur facture pour obtenir que ces ventes ne soient pas prises en considération pour le calcul du montant d’une éventuelle amende, laquelle serait, dès lors, beaucoup moins significative [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié,
EU:C:2017:190, point 55].
363 Contrairement à ce que soutient encore la requérante, la Commission n’est pas non plus tenue, aux fins de l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour les critères qui ont pu être jugés pertinents en matière de contrôle de concentrations, et notamment ceux identifiés dans la communication visée au point 357 ci-dessus. Cette dernière a, en effet, pour objectif de fournir des orientations concernant les questions de compétence qui se posent dans le contexte du
contrôle d’opérations de concentration. Elle ne lie donc pas la Commission quant à la méthode à adopter pour le calcul du montant des amendes dans les affaires d’entente, laquelle repose sur des finalités propres (arrêt du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission, T‑254/12, non publié, EU:T:2016:113, point 252 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 206).
364 Quant à l’interprétation de la notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » que la requérante entend tirer notamment de la décision de la Commission dans l’affaire COMP/39.406 – Tuyaux marins, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006
(voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives à cette affaire, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et
jurisprudence citée).
365 Ladite notion doit s’interpréter à la lumière de l’objectif du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Cet objectif est, comme il ressort des points 304 et 319 à 321 ci-dessus, de retenir comme point de départ pour le calcul des amendes un montant qui reflète notamment l’importance économique de l’infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ou les services faisant l’objet de l’infraction constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de sa
nocivité pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).
366 Il appartient ainsi à la Commission, aux fins de déterminer si des ventes ont été « réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE », au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qui soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.
367 Aux considérants 1186 et 1197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir tenu compte, pour calculer la valeur des ventes, du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons intra-EEE, les liaisons Union-pays tiers, les liaisons Union-Suisse et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Ainsi qu’il ressort du considérant 1194 de cette décision, les ventes liées aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers comprenaient à la fois les ventes de
services de fret sur les liaisons sortantes et celles de services de fret entrants.
368 Au même considérant, pour justifier l’inclusion du chiffre d’affaires provenant de la vente de ces services dans la valeur des ventes, la Commission a renvoyé à la nécessité de tenir compte de leurs « particularités ». Elle a ainsi notamment observé que l’infraction unique et continue se rapportait à ces services et que les « arrangements anticoncurrentiels [étaie]nt susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché intérieur en ce qui [les] concern[ait] ».
369 Or, comme il ressort des points 77 à 165 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la requérante, il était prévisible que l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, aurait des effets substantiels et immédiats dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE et était ainsi susceptible de nuire au jeu normal de la concurrence à l’intérieur du territoire de l’EEE. Aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins
reconnu qu’une partie du « préjudice » afférent au comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers était susceptible de se matérialiser à l’extérieur de l’EEE. Elle a également souligné qu’une partie de ces services était prestée à l’extérieur de l’EEE. Elle s’est, en conséquence, appuyée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 et a, pour les liaisons EEE-pays tiers, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 50 % du montant de base de l’amende, dont la requérante
ne conteste pas le bien-fondé.
370 Dans ces conditions, considérer que la Commission ne pouvait inclure dans la valeur des ventes 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons reviendrait à lui interdire de prendre en compte, aux fins du calcul du montant de l’amende, les ventes qui relèvent du périmètre de l’infraction unique et continue et qui étaient susceptibles de nuire au jeu de la concurrence dans l’EEE.
371 Il s’ensuit que la Commission pouvait utiliser 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE-pays tiers, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de la participation de la requérante à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence, pourvu qu’il fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 47).
372 Or, un tel lien existe en l’espèce s’agissant des liaisons entrantes, dès lors que, comme il ressort des considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée et comme le soutient la Commission dans ses écritures, les services de fret entrants sont en partie fournis à l’intérieur de l’EEE. En effet, comme il a été indiqué au point 111 ci-dessus, lesdits services visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE. Ainsi que le relève à juste titre la Commission,
une partie de leur prestation « physique » s’effectue par définition dans l’EEE, où a lieu une partie du transport de ces marchandises et où atterrit l’avion-cargo.
373 Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que les ventes de services de fret entrants avaient été réalisées au sein de l’EEE au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Dès lors, le paragraphe 18 de ces lignes directrices, qui n’a pas été appliqué dans la décision attaquée et dont la requérante reconnaît qu’il n’est pas applicable en l’espèce, est dépourvu de pertinence.
374 Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen et de conclure que c’est à juste titre et sans violer le principe de protection de la confiance légitime que la Commission a inclus les ventes de services de fret entrants dans la valeur des ventes.
9. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne la réduction générale de 15 %
375 La requérante soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant à un niveau excessivement bas la réduction générale de 15 %.
376 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du régime réglementaire japonais. Les ASA qui régissent les liaisons entre le Japon, d’une part, et la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, d’autre part, contiendraient tous des dispositions qui requièrent des transporteurs désignés qu’ils concluent entre eux des accords sur les tarifs. De plus, la loi japonaise obligerait, sous peine de sanction, les compagnies locales et étrangères à solliciter
l’approbation du Bureau japonais de l’aviation civile (BJAC) afin d’établir les tarifs ou les taxes qu’elles appliquent en matière de services de fret sur les vols en provenance ou à destination du Japon. Les accords ainsi approuvés bénéficieraient, en principe, d’une immunité au regard du droit de la concurrence japonais. La requérante fait valoir que ce régime réglementaire l’a fortement encouragée à se concerter avec d’autres transporteurs et que, dès lors, la Commission aurait dû lui
accorder à ce titre une réduction du montant de l’amende supérieure à 15 %.
377 En second lieu, la requérante se prévaut de deux décisions dans lesquelles la Commission a accordé aux entreprises concernées des réductions de 30 ou de 40 % du montant de l’amende qui leur avait été infligée, au motif que le régime réglementaire applicable les avait incitées à adopter des accords anticoncurrentiels.
378 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
379 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.
380 Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, cinq types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, dont l’autorisation ou l’encouragement du comportement anticoncurrentiel en cause par les autorités publiques ou la réglementation.
381 Au considérant 1263 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun régime réglementaire n’avait obligé les transporteurs incriminés à se concerter sur leurs tarifs. Toutefois, elle a estimé, aux considérants 1264 et 1265 de ladite décision, que certains régimes réglementaires, dont celui du Japon, avaient pu inciter les transporteurs incriminés à adopter un comportement anticoncurrentiel et leur a, en conséquence, accordé la réduction générale de 15 %, conformément au paragraphe 29
des lignes directrices de 2006.
382 Or, dans ses écritures, la requérante se contente de soutenir que les ASA et les dispositions législatives applicables au Japon ont pu l’inciter à se concerter avec d’autres transporteurs. En revanche, elle ne se prévaut d’aucun élément juridique ou factuel que la Commission aurait omis de prendre en compte dans la décision attaquée et qui permettrait d’étayer le grief selon lequel la réduction générale de 15 % serait insuffisante. Il y a donc lieu de considérer que la requérante est restée en
défaut de démontrer l’insuffisance de cette réduction et, par suite, une violation du principe de proportionnalité.
383 En outre, à supposer que, par ses allégations selon lesquelles les ASA conclus par le Japon « requièrent » une concertation sur les prix entre les transporteurs désignés, la requérante entende remettre en cause l’analyse de la Commission contenue au considérant 1263 de la décision attaquée selon laquelle lesdits ASA ont seulement incité ou facilité l’adoption de comportements anticoncurrentiels, son argumentation doit aussi être écartée. En premier lieu, il convient d’observer que les ASA soit
ont encouragé le comportement litigieux sur les liaisons EEE-Japon, auquel cas une réduction du montant de l’amende peut se justifier au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, soit l’ont exigé, auquel cas aucune infraction aux règles de concurrence n’aurait pu être constatée, ni aucune sanction infligée au titre dudit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence
citée).
384 Or, dans la mesure où la requérante soutient, en substance, dans le cadre de la présente branche, que les ASA conclus par le Japon exigeaient une coordination, son argumentation doit être rejetée comme inopérante dans la mesure où, à la supposer fondée, elle entacherait d’erreur le constat d’infraction, et non l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, dont il est question dans le cadre de la présente branche.
385 En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la requérante est d’ailleurs restée en défaut de clarifier si elle se prévalait d’une contrainte ou d’un simple encouragement. Elle a ainsi indiqué que la réglementation pertinente « exige[ait] une coordination », qu’« il y a[vait] eu des encouragements » et enfin qu’il existait un « système qui visait à encourager les gens à respecter telle ou telle disposition ».
386 En second lieu et en tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation de la requérante procède d’une analyse erronée des ASA en cause. La clause pertinente de ces ASA prévoit qu’un accord au niveau de l’IATA doit être obtenu « dans la mesure du possible », ce qui n’établit pas l’existence d’une obligation. La même clause prévoit que, au cas où un accord ne serait pas possible, les tarifs à appliquer « pour chaque liaison » devront être fixés d’un commun accord « entre les
compagnies désignées concernées ». En revanche, ladite clause ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle exige des discussions multilatérales sur les tarifs applicables à différentes liaisons.
387 S’agissant des références aux décisions antérieures de la Commission, il suffit de rappeler que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 140
et jurisprudence citée). La requérante ne saurait, par conséquent, se prévaloir de la réduction du montant d’amendes accordée dans ces autres affaires.
388 Dans la mesure où la requérante demande au Tribunal de se prononcer sur le caractère approprié de la réduction générale de 15 %, il suffit de relever que ce dernier relève de l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sera donc opéré dans ce cadre (voir point 448 ci-après).
389 Il ressort de ce qui précède que le neuvième moyen n’est pas fondé et doit, par suite, être écarté.
10. Sur le dixième moyen, tiré de la violation du principe de non‑discrimination, du principe de proportionnalité ainsi que, en substance, de l’obligation de motivation en raison du refus de la Commission de réduire le montant de l’amende au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue
390 La requérante soutient que la Commission a eu tort de ne pas lui accorder la réduction de 10 % du montant de base de l’amende que celle-ci a octroyée à Air Canada, à Latam, à SAS et à Qantas, en raison de la participation limitée de ces transporteurs à l’infraction unique et continue. Elle estime se trouver dans la même situation que ces transporteurs, le refus de la Commission de lui accorder une réduction étant discriminatoire.
391 La requérante fait ainsi valoir qu’elle opérait à la périphérie de l’infraction décrite dans la décision attaquée et entretenait des contacts en nombre limité sur un nombre restreint de liaisons, et de façon passive. Le rôle de SAS et de Qantas au sein de l’entente litigieuse aurait été très similaire au sien.
392 En outre, la requérante soutient que son implication dans le refus de paiement de commissions n’était certainement pas plus étroite que celle de SAS ou de Qantas comme l’atteste, selon elle, une chaîne de courriers électroniques de Qantas relative au paiement d’une commission sur les surtaxes.
393 Selon la requérante, la distinction opérée par la Commission entre elle et ces deux transporteurs n’est pas objectivement justifiée et, en tout état de cause, n’est pas suffisamment motivée. En outre, elle n’examinerait pas spécifiquement sa situation au regard du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.
394 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
395 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 énonce, parmi les types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération pour réduire le montant de base de l’amende, le caractère substantiellement réduit de la participation de l’entreprise concernée à l’infraction.
396 Tout d’abord, s’agissant de la critique de la requérante relative à l’absence d’application, à son égard, du critère de la participation substantiellement réduite mentionné au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, il convient de rappeler que le critère de la participation substantiellement réduite est plus exigeant que celui tenant au rôle suiviste ou exclusivement passif de l’entreprise condamnée : il reflète le choix de la Commission, à l’occasion du remplacement des lignes directrices
de 1998 visées au point 302 ci-dessus par les lignes directrices de 2006, de ne plus « encourager » le comportement passif des participants à une infraction aux règles de concurrence (arrêt du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 114).
397 L’application du critère de la participation substantiellement réduite suppose qu’un ensemble de conditions soient réunies, certaines partageant avec le critère du rôle exclusivement passif les mêmes facteurs d’appréciation : c’est notamment le cas de la fréquence de la participation aux réunions par rapport aux autres membres de l’entente ou la perception, par les autres participants à l’entente, du rôle joué par l’entreprise en cause dans celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2014,
Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, points 190 et 191, et du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, points 117 à 119).
398 Or, au considérant 1257 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas joué un rôle passif ou mineur dans l’infraction unique et continue, ni que sa participation à l’infraction avait été substantiellement réduite. Dans cette décision, elle s’est appuyée à cet égard, d’une part, sur la fréquence et la nature des contacts entretenus par la requérante avec les autres transporteurs tout au long de la période infractionnelle (considérant 1253) et, d’autre part, sur
l’absence de tout élément avancé par la requérante contribuant à démontrer son absence d’intention anticoncurrentielle (considérant 1254). Elle a exclu en conséquence l’octroi à la requérante d’une réduction du montant de base de l’amende à ce titre.
399 Partant, il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur en refusant de reconnaître à la requérante le bénéfice d’une circonstance atténuante tenant à sa participation substantiellement réduite à l’infraction unique et continue.
400 À supposer que la requérante fasse également référence aux autres exemples de circonstances atténuantes mentionnés au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, elle n’en vise aucune spécifiquement et n’allègue a fortiori aucune circonstance de nature à justifier qu’une réduction d’amende lui soit accordée à ce titre. Faute d’éléments concrets à l’appui de ces allégations, il y a lieu pour le Tribunal de les rejeter.
401 Ensuite, s’agissant du prétendu traitement discriminatoire dont la requérante aurait fait l’objet par rapport aux transporteurs ayant bénéficié de la réduction de 10 % du montant de base de l’amende, il y a lieu de rappeler que, aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Latam, Air Canada et SAS avaient eu une participation limitée dans l’infraction unique et continue, dans la mesure où ils opéraient en périphérie de l’entente litigieuse, entretenaient
des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et n’avaient pas participé à toutes les composantes de l’infraction. Elle leur a accordé en conséquence une réduction de 10 % du montant de base de l’amende. Dans la décision du 9 novembre 2010, elle avait également accordé, au même titre et pour les mêmes raisons, une telle réduction à Qantas. En revanche, elle n’a pas estimé qu’il y avait lieu de conclure à la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue et
ne lui a pas, en conséquence, octroyé de réduction du montant de base de l’amende à ce titre.
402 Le Tribunal a jugé, au point 399 ci-dessus, qu’il n’était pas établi que la requérante avait joué un rôle passif dans l’infraction unique et continue ou participé de manière substantiellement réduite à celle-ci. Dans ces conditions, à supposer que la requérante établisse qu’elle était dans une situation comparable à celle des transporteurs ayant bénéficié de la réduction de 10 % du montant de base de l’amende, cela reviendrait en substance, pour elle, à se prévaloir des illégalités commises dans
la détermination du montant de l’amende infligée à ces autres transporteurs, ce qu’elle ne saurait faire (voir point 289 ci-dessus).
403 En tout état de cause, dans le cadre du présent moyen, il y a lieu de constater que la situation de la requérante n’était pas comparable à celle des autres transporteurs visés au point 401 ci-dessus aux fins de l’application de la circonstance atténuante tenant à la participation limitée à l’infraction.
404 En effet, il y a lieu de relever que, à la différence de ces transporteurs, la requérante a directement participé aux trois composantes de l’infraction unique et continue (considérants 881 à 883 de la décision attaquée), ce qu’elle ne conteste pas. Or, du point de vue de sa contribution à la gravité de l’entente litigieuse, le fait que la responsabilité d’une entreprise soit retenue, pour certaines composantes d’une infraction unique et continue, au regard de son implication directe dans le
comportement litigieux constitue une circonstance pertinente susceptible de distinguer sa situation de celle des entreprises tenues pour responsables uniquement en raison de leur connaissance, présumée ou avérée, de ce comportement.
405 En outre, contrairement à ce qu’avance la requérante s’agissant spécifiquement de SAS et de Qantas, les éléments au dossier attestent d’un niveau d’implication de la première dans le refus de paiement de commissions qui n’est pas comparable à celui de ces dernières. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la requérante a participé à plusieurs discussions multilatérales relatives à cette composante de l’infraction unique et continue dans le cadre de l’ACCS en Suisse
(considérants 692 et 693) et en Italie, dans le cadre de l’Italian Board of Airline Representatives (Bureau italien des représentants des compagnies aériennes, ci-après l’« IBAR ») (considérant 694), dans les locaux de Lufthansa en Italie (considérant 695) et à Milan (considérant 696). Cette situation contraste d’abord avec celle de Qantas, à l’égard duquel seul un échange bilatéral avec British Airways appuierait, le cas échéant, le constat de son implication dans cette composante de
l’infraction (considérant 685). Cette situation contraste ensuite avec celle de SAS. À cet égard, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, le fait que SAS soit membre de l’ACCS est indifférent, dès lors que sa participation aux échanges en question visés aux considérants 692 et 693 de cette décision n’est pas alléguée. La requérante cite également deux contacts multilatéraux, visés respectivement aux considérants 503 et 686 de ladite décision, auxquels tant SAS que la requérante
avaient pris part. Or c’est, d’une part, à tort que la requérante indique que la Commission s’est appuyée sur le premier pour établir sa participation au refus de paiement de commissions, cet élément de preuve n’ayant servi qu’en rapport avec le volet relatif à la STC. D’autre part, s’il est vrai que SAS était impliquée dans l’échange visé au considérant 686 de la même décision, ce contact doit être mis en regard des autres contacts impliquant la requérante et qui viennent d’être rappelés. En
effet, ces contacts demeurent plus nombreux et variés que ceux impliquant SAS, y compris une fois tenu compte des contacts invoqués par la requérante qui figurent au dossier, mais qui ne sont pas visés dans la décision en question et dans le cadre desquels SAS aurait abordé, avec plusieurs transporteurs concurrents, la demande d’un transitaire relative à l’obtention d’une commission sur les surtaxes.
406 Au demeurant, c’est également au regard des contacts limités avec d’autres transporteurs que la Commission a considéré que SAS avait participé de manière plus limitée à l’infraction, comme il ressort du point 401 ci-dessus. Or, la requérante n’apporte pas d’éléments à même d’infirmer le constat qu’elle était impliquée dans un nombre plus important de contacts avec un plus grand nombre de transporteurs.
407 Il s’ensuit que, dans la mesure où la situation de la requérante diffère de celle des transporteurs s’étant vu accorder une réduction en raison de leur participation limitée à l’infraction unique et continue, elle n’est pas fondée à se plaindre d’un traitement discriminatoire. Par voie de conséquence, doit également être rejetée l’invocation par la requérante d’une insuffisance de motivation du caractère objectivement justifié de la distinction opérée, dans la mesure où elle repose sur la
prémisse, erronée, que sa situation était comparable à celle des autres transporteurs en cause.
408 Enfin, par son grief pris de la violation du principe de proportionnalité, la requérante entend soulever, en substance, le caractère disproportionné du montant de l’amende au regard de sa participation prétendument limitée.
409 Or, en l’espèce, premièrement, ainsi qu’il ressort tout d’abord de la décision attaquée, la requérante a été directement impliquée dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (voir points 404 et 405 ci-dessus). Ce constat n’est pas infirmé par son allégation selon laquelle sa participation à la composante de ladite infraction tenant au refus de paiement de commissions visait uniquement à réagir aux efforts concertés des transitaires et n’avait pas pour but une coordination
tarifaire. Il y a, en effet, lieu de constater que cette allégation repose sur deux prémisses erronées, l’une en droit, l’autre en fait.
410 En fait, il ressort, certes, des considérants 675 à 702 de la décision attaquée, en ce compris ceux invoqués spécifiquement à l’encontre de la requérante, que la question du paiement de commissions faisait l’objet d’interprétations juridiques divergentes entre les transporteurs et les transitaires. Cependant, les transporteurs incriminés ne se sont pas bornés à définir une position commune à ce sujet pour la défendre de manière coordonnée devant les juridictions compétentes ou la promouvoir
collectivement auprès des autorités publiques et d’autres associations professionnelles. Au contraire, les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005, dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous
[les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 avaient] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du 14 juillet 2005 dans lequel CPA indique que « tous [les participants à une réunion tenue la veille, dont la requérante] ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant » le paiement de commissions. De même, au considérant 700 de la même décision, la
Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de Cargolux informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».
411 Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.
412 En droit, pour autant que la requérante soutienne que le refus de paiement de commissions constituait une réponse légitime au comportement prétendument illicite des transitaires, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise ne saurait se prévaloir du comportement d’autres entreprises, fût-il illicite ou déloyal, pour justifier une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 333, et du 12 juillet 2018, LS Cable &
System/Commission, T‑439/14, non publié, EU:T:2018:451, point 53).
413 C’est en effet aux autorités publiques et non à des entreprises ou à des associations d’entreprises privées d’assurer le respect des prescriptions légales (arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C‑68/12, EU:C:2013:71, point 20). Les entreprises ne sauraient se faire justice à elles-mêmes en se substituant à ces autorités pour sanctionner d’éventuelles violations du droit de la concurrence de l’Union européenne et en entravant, par des mesures prises de leur propre initiative, la
concurrence au sein du marché intérieur. Cela est d’autant plus le cas lorsqu’il existe des voies légales au moyen desquelles elles peuvent faire valoir leurs droits auprès de ces autorités (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T‑30/89, EU:T:1991:70, points 117 et 118).
414 Or, en l’espèce, la requérante ne démontre ni même n’allègue que de telles voies légales auraient fait défaut.
415 Deuxièmement, comme le relève à juste titre la Commission, ni le nombre de contacts anticoncurrentiels constatés dans la décision attaquée auxquels la requérante a pris part, qui s’élèvent à près de 75, ni le nombre d’autres transporteurs impliqués dans lesdits contacts, soit neuf transporteurs incriminés au total, ne peuvent être qualifiés de limités dans leur nombre et leur intensité.
416 Troisièmement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, sa participation à l’entente litigieuse ne consistait pas pour l’essentiel à recevoir passivement les annonces communiquées par les autres transporteurs. En effet, il suffit de relever que la décision attaquée fait mention de nombreuses réunions et discussions bilatérales et multilatérales qui excèdent la simple réception d’annonces tarifaires par courriel (voir considérants 762 à 764).
417 Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.
418 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen. Il convient d’annuler, en conséquence, l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée.
419 En revanche, il ne saurait être considéré que cette illégalité est de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait violé les règles en matière de prescription en sanctionnant la requérante pour l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré, dans le cadre du présent recours, que la Commission avait commis une erreur en constatant
qu’elle avait participé à ladite infraction.
420 Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.
B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante
421 À l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, la requérante invoque un moyen unique. Ce moyen est tiré du caractère inadéquat du montant de cette amende et se subdivise en onze arguments.
422 Les quatre premiers arguments que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions concernent, en substance, le calcul de la valeur des ventes :
– par son premier argument, la requérante fait valoir que la prescription fait obstacle à ce qu’elle soit sanctionnée pour des comportements afférents aux liaisons intra-EEE et aux liaisons Union‑Suisse ;
– par son deuxième argument, la requérante soutient que, dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait le cinquième ou le huitième moyen et annulerait la décision attaquée en tant qu’elle concerne les services de fret entrants, il conviendrait d’exclure les recettes qu’elle a réalisées au titre de ces services aux fins du calcul du montant de l’amende ou de réduire le montant de l’amende en conséquence selon les modalités que le Tribunal jugerait appropriées ;
– par son troisième argument, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé les lignes directrices de 2006 ainsi que le principe de protection de la confiance légitime en incluant dans la valeur des ventes les recettes provenant de services de fret entrants ;
– par son quatrième argument, la requérante avance que, la Commission ayant exclu les tarifs du périmètre de l’infraction unique et continue, il convient d’exclure les recettes qu’elle a tirées de ceux-ci de la valeur des ventes ou de réduire le montant de l’amende en la ramenant au niveau que le Tribunal jugerait approprié.
423 Les cinquième et sixième arguments que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions portent, en substance, sur le coefficient de gravité et le montant additionnel :
– par son cinquième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante soutient que l’exclusion du périmètre géographique de l’infraction unique et continue des liaisons EEE sauf Union-Suisse est de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité ;
– par son sixième argument, la requérante fait valoir que, l’infraction unique et continue n’ayant pas eu d’effets sensibles sur le jeu de la concurrence, il y a lieu de lui octroyer une réduction importante du montant de l’amende.
424 Les septième à onzième arguments que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions portent, en substance, sur les ajustements à apporter au montant de base :
– par son septième argument, la requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du régime réglementaire japonais lors de la fixation du montant de l’amende et que, partant, la réduction générale de 15 % devrait être sensiblement accrue en conséquence et fixée au niveau supérieur que le Tribunal jugera approprié ;
– par son huitième argument, la requérante avance que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision attaquée en tant qu’elle concerne le refus de paiement des commissions, qui ne serait qu’une réponse à la concertation des transitaires, il y aurait lieu de réduire le montant de l’amende en conséquence et de la ramener au niveau que le Tribunal jugera approprié ;
– par son neuvième argument, la requérante fait grief à la Commission d’avoir violé ses droits de la défense et les principes de non-discrimination et de proportionnalité en appliquant, à son détriment, différents niveaux de preuve à différents transporteurs ;
– par son dixième argument, la requérante fait valoir que la Commission a violé les principes de non‑discrimination et de proportionnalité en lui réservant un traitement différent de celui accordé à Air Canada, à Latam, à SAS et à Qantas lors de la fixation du montant de l’amende, alors que sa participation à l’infraction unique et continue aurait été objectivement similaire à celle de SAS et de Qantas en particulier ;
– par son onzième argument, la requérante avance que, la Commission ayant admis dans sa pratique antérieure que des infractions ne portant que sur une partie de la tarification revêtaient une gravité moindre, l’infraction unique et continue, qui ne concernerait que les surtaxes et non l’entier prix des services de fret, justifie une réduction sensible du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes.
425 La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande que le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de celle de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.
426 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir
arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).
427 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce
sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante
qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).
428 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).
429 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin,
C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).
430 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments
d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).
431 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.
432 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen des septième à dixième moyens ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et
le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes
directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).
433 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 259640939 euros. Cette valeur n’inclut aucune recette réalisée sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 166 à 190 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal qu’elle n’a
réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.
434 Pour ce qui est du premier argument invoqué au soutien des présentes conclusions, relatif à la prescription, il y a lieu d’observer qu’il renvoie à la seconde branche du premier moyen. Le Tribunal a accueilli ce moyen aux points 193 à 224 ci-dessus et a, en conséquence annulé l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée. Ces paragraphes portent, respectivement, sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Or, la requérante n’a réalisé aucun chiffre
d’affaires sur ces liaisons au cours de la période pertinente. Le présent argument doit donc être rejeté.
435 Pour ce qui est des deuxième et troisième arguments, qui portent sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’ils renvoient aux cinquième et huitième moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté ces moyens, respectivement, aux points 77 à 165 et aux points 355 à 374 ci-dessus et rien dans l’argumentation soulevée à leur appui ne permet de considérer que
l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en
ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236).
436 Pour ce qui est du quatrième argument invoqué à l’appui des présentes conclusions, lequel porte en substance sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, il convient de relever qu’il renvoie à la première branche du septième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 300 à 330 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer que
l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.
437 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.
438 Les cinquième et sixième arguments ne démontrent pas le contraire. Le cinquième argument supposait, en effet, que le Tribunal accueille le moyen relevé d’office. Ce dernier ayant été rejeté, il convient d’écarter le cinquième argument.
439 S’agissant de l’absence d’effets sensibles de l’infraction unique et continue sur le jeu de la concurrence, visée par le sixième argument, il suffit de rappeler que le montant d’une amende ne saurait être considéré comme étant inapproprié au seul motif qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’infraction alléguée (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 287). Cet argument ne justifie donc pas une réduction du
coefficient de gravité.
440 Quant à l’argument invoqué dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, selon lequel l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée justifierait une réduction du coefficient de gravité, il y a lieu d’observer qu’il concerne non l’infraction unique et continue en tant que telle, mais le degré de participation à celle-ci de la requérante. Conformément à la jurisprudence, cette annulation peut donc être prise en compte au titre des
circonstances atténuantes plutôt qu’au stade de la fixation du coefficient de gravité (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C‑638/13 P, EU:C:2017:53, point 67 et jurisprudence citée).
441 Pour ce qui est du montant additionnel, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée et au vu des considérations retenues aux points 346 à 349 ci-dessus, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.
442 Par ailleurs, il convient d’observer que, la participation de la requérante à l’infraction unique et continue ne pouvant être légalement établie s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, les facteurs de multiplication retenus aux considérants 1214 et 1216 de la décision attaquée ne sauraient être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.
443 Il convient, cependant, de tenir compte du fait que, en l’absence de chiffre d’affaires réalisé par la requérante sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse et compte tenu de la méthode employée par la Commission dans la décision attaquée consistant à attribuer, à chaque catégorie de liaisons concernée, une valeur des ventes spécifique calculée à partir du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur cette catégorie de liaisons (voir point 53 ci-dessus), la valeur des ventes retenue,
respectivement, pour les liaisons intra-EEE et pour les liaisons Union-Suisse est, s’agissant de la requérante, égale à zéro. Ainsi, le facteur de multiplication lié à la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue est venu s’imputer, s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, sur une assiette de zéro. Partant, le fait, pour le Tribunal, en ne s’écartant pas de la méthode ainsi décrite, de s’abstenir néanmoins de tenir compte des facteurs de
multiplication retenus aux considérants 1214 et 1216 de la décision attaquée n’est pas de nature à réduire le montant d’amende infligée à la requérante. Autrement dit, par la méthode que la Commission a employée pour calculer le montant d’amende infligée à la requérante, cette dernière a déjà échappé pour l’essentiel à l’imposition d’une amende au titre de sa responsabilité pour l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
444 Quant aux facteurs de multiplication liés aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, qui ne sont pas contestés, ils doivent demeurer fixés à 1 et 9/12 et à 8/12, respectivement.
445 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 111331780 euros.
446 S’agissant de la réduction générale de 50 %, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission d’en retirer le bénéfice à la requérante. Ainsi qu’il ressort du mémoire en défense, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire au point 436 ci-dessus.
447 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas contestée dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 55000000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de
base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92,
point 166).
448 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste le caractère suffisant dans le cadre du neuvième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation ainsi que dans le cadre du septième argument. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 382 à 386 ci-dessus, il ne saurait être considéré que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du régime
réglementaire japonais. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction, pour des raisons analogues à celles exposées au point 446 ci-dessus.
449 Par ailleurs, au considérant 1257 de la décision attaquée, la Commission a retenu que la requérante n’avait pas joué un rôle passif ou mineur dans l’infraction unique et continue et que sa participation à cette dernière n’avait été substantiellement réduite et a, en conséquence, refusé de lui accorder une réduction du montant de l’amende à ce titre. Il convient, cependant, de rappeler que c’est à tort que la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue
en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse (points 221 à 223 ci-dessus). Il s’ensuit que la requérante ne pouvait être tenue pour responsable de ladite infraction qu’en tant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
450 Dès lors, la participation de la requérante à l’infraction unique et continue était significativement moindre que celle de la plupart des autres transporteurs incriminés. Le Tribunal estime que le caractère limité de cette participation est de nature à justifier une réduction du montant de l’amende supérieure à celle dont ont bénéficié Air Canada, Lan Cargo et SAS au considérant 1258 de la décision attaquée, au motif qu’ils « opéraient en périphérie de l’entente [litigieuse], qu’ils
entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et qu’ils n’ont pas participé à tous les éléments de l’infraction [unique et continue] ».
451 Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’il convient d’octroyer à la requérante une réduction de 15 % du montant de l’amende au titre de sa participation limitée à l’infraction unique et continue, ce niveau de réduction tenant compte des spécificités de l’espèce rappelées au point 443 ci-dessus.
452 En revanche, le Tribunal ne considère pas que le huitième argument justifie l’octroi à la requérante d’une réduction supplémentaire du montant de l’amende. Cet argument suppose que le Tribunal ait fait droit au dixième moyen en tant qu’il porte sur la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Or, comme il ressort des points 331 à 354 ci-dessus, le Tribunal a rejeté ce moyen dans son intégralité.
453 De même, il convient d’observer que les neuvième et dixième arguments supposent l’existence d’une inégalité de traitement entre la requérante et d’autres transporteurs incriminés. Or, comme il a été retenu dans la cadre de l’examen des conclusions en annulation, l’existence d’une telle discrimination n’est pas établie.
454 Quant au onzième argument invoqué au soutien des présentes conclusions, tiré d’une divergence avec la pratique décisionnelle de la Commission, il suffit de relever que la Cour a rejeté un argument analogue dans l’arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission (C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 67), au motif que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence.
455 En outre, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié au titre de la clémence d’une réduction de 25 %, dont elle ne conteste pas le caractère approprié.
456 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de calculer le montant de l’amende infligée à la requérante comme suit : tout d’abord, le montant de base est déterminé en appliquant, compte tenu de la gravité de l’infraction unique et continue, un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 sur les liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, puis, au titre de la durée de l’infraction, des facteurs de multiplication de 1 et 9/12
et 8/12, respectivement, et enfin un montant additionnel de 16 %, ce qui aboutit à un montant intermédiaire de 111331780. Après application de la réduction générale de 50 %, ce montant, arrondi, doit être fixé à 55000000 euros. Ensuite, après application de la réduction générale de 15 % et d’une réduction supplémentaire de 15 % au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue, ce montant doit être fixé à 38500000 euros. Enfin, ce dernier montant doit être
réduit de 25 % au titre de la clémence, ce qui aboutit à une amende d’un montant final de 28875000 euros.
IV. Sur les dépens
457 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
458 En l’espèce, la requérante a obtenu satisfaction pour une partie substantielle de ses conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supporte le tiers de ses propres dépens et que la Commission supporte ses propres dépens et les deux tiers de ceux de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) L’article 1er, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 4, sous h), de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien) est annulé.
2) Le montant de l’amende infligée à Japan Airlines Co. Ltd, à l’article 3, sous h), de ladite décision, est fixé à 28875000 euros.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Japan Airlines supportera le tiers de ses propres dépens.
5) La Commission européenne supportera ses propres dépens et les deux tiers des dépens de Japan Airlines.
Kanninen
Schwarcz
Iliopoulos
Spielmann
Reine
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. Procédure administrative
B. Décision du 9 novembre 2010
C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal
D. Décision attaquée
II. Procédure et conclusions des parties
III. En droit
A. Sur les conclusions en annulation
1. Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants
a) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément
1) Sur la pertinence de l’effet en cause
2) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause
3) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause
4) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause
b) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble
2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse
3. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe ne bis in idem et de l’article 266 TFUE, ainsi que de la violation du délai de prescription
a) Sur la seconde branche, prise de la violation du délai de prescription et de l’absence d’intérêt légitime à constater formellement une infraction
b) Sur la première branche, prise de la violation du principe ne bis in idem et de l’article 266 TFUE
4. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination, et le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’obligation de motivation tenant, d’une part, à l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse pour la période antérieure au 1er mai 2004 et, d’autre part, à la détermination de la date du début de sa participation à ladite
infraction
5. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE tenant à l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur des liaisons sur lesquelles elle n’était pas une concurrente réelle ou potentielle
a) Sur les principes applicables
b) Sur les motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
1) Sur les contradictions de motifs alléguées
2) Sur le caractère prétendument nouveau du fondement invoqué pour imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
c) Sur le bien-fondé des motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons EEE-pays tiers sauf Japon
6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, du principe de non‑discrimination et du principe de proportionnalité en raison de l’application à différents transporteurs d’exigences différentes en matière probatoire
7. Sur le septième moyen, tiré de la violation des lignes directrices de 2006 et du principe de proportionnalité
a) Sur la première branche, relative à la détermination de la valeur des ventes
1) Sur le premier grief, déduit d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006
2) Sur le second grief, déduit d’une violation du principe de proportionnalité
b) Sur la seconde branche, concernant la fixation du coefficient de gravité et du montant additionnel
8. Sur le huitième moyen, tiré d’une violation des lignes directrices de 2006 et du principe de protection de la confiance légitime tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants vendus à des clients établis en dehors de l’EEE
9. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne la réduction générale de 15 %
10. Sur le dixième moyen, tiré de la violation du principe de non‑discrimination, du principe de proportionnalité ainsi que, en substance, de l’obligation de motivation en raison du refus de la Commission de réduire le montant de l’amende au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue
B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante
IV. Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.