La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/1986 | FRANCE | N°75040;75087;75110;75144;75525;75575;76616

France | France, Conseil d'État, Assemblee, 16 avril 1986, 75040, 75087, 75110, 75144, 75525, 75575 et 76616


Vu 1° la requête enregistrée le 21 janvier 1986, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 75 040, présentée pour la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, dont le siège est ..., Grand Duché de Luxembourg, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule pour excès de pouvoir le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 portant approbation du traité de concession et du cahier des charges de la 5ème chaîne, ensemble ledit contrat, ledit cahier des charges et la décisio

n du secrétaire d'Etat chargé des techniques de la communication de les ...

Vu 1° la requête enregistrée le 21 janvier 1986, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 75 040, présentée pour la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, dont le siège est ..., Grand Duché de Luxembourg, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule pour excès de pouvoir le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 portant approbation du traité de concession et du cahier des charges de la 5ème chaîne, ensemble ledit contrat, ledit cahier des charges et la décision du secrétaire d'Etat chargé des techniques de la communication de les signer,
2°- décide qu'il sera sursis à l'exécution de ces décisions,
Vu 2° la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 janvier 1986 sous le n° 75 087, présentée pour :
1°- LA CHAMBRE SYNDICALE DES PRODUCTEURS ET EXPORTATEURS DE FILMS FRANCAIS dont le siège est ... à Paris 75008 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
2°- L'ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS ET DE PROGRAMMES AUDIOVISUELS dont le siège est ... à Paris 75008 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
3°- LA FEDERATION NATIONALE DES CINEMAS FRANCAIS dont le siège est ... à Paris 75008 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
4°- LA FEDERATION NATIONALE DES DISTRIBUTEURS DE FILMS dont le siège est ... à Paris 75008 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
5°- LA FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES TECHNIQUES DU FILM CINEMA ET TELEVISION dont le siège est ... à Paris 75008 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, et tendant aux mêmes fins que la requête n° 75 040,
Vu 3° la requête, enregistrée le 23 janvier 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 75 110, présentée pour la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, dont le siège est ... à Paris 75009 , agissant poursuites et diligences de son président et gérant, M. André A..., membre de l'académie française, et des représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, et tendant aux mêmes fins que les requêtes susvisées n°s 74 040 et 75 087,
Vu 4° la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 janvier 1986 sous le n° 75 144 et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 janvier 1986, présentés pour l'Association Canal 5 dont le siège est ... à Paris 75006 , M. Jean-Louis X..., demeurant ... à Paris 75006 , pour Mlle Daniela Y..., demerant ..., pour la société Financière de Télévision SOFITE et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- annule le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 portant approbation du traité de concession et du cahier des charges de la
5ème chaîne, ensemble la décision du secrétaire d'Etat auprès des techniques de la communication de signer le traité de concession et le cahier des charges, ainsi que lesdits traité de concession et cahier des charges en tant que de besoin,
2°- décide qu'il sera sursis à l'exécution de ces décisions,
Vu 5° la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1986 sous le n° 75 525, présentée par le docteur Olivier Z..., demeurant ... à Strasbourg 67000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le traité de concession signé le 18 janvier 1986 entre la société anonyme France 5 et l'Etat,
Vu 6° l'ordonnance en date du 4 février 1986, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 février 1986, sous le n° 75 575, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs, la demande présentée à ce tribunal pour l'Association Canal 5, pour M. Jean-Louis X..., pour Mlle Daniela Y... et pour la Société Financière de Télévision SOFITE ,
Vu les demandes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Paris, le 24 janvier 1986, sous les n°s 62 932 et 63 008, présentées pour l'Association Canal 5 dont le siège est ... à Paris 75006 , pour M. Jean-Louis X..., demeurant ... à Paris 75006 , pour Mlle Daniela Y... demeurant ... à Paris 75013 et pour la Société Financière de Télévision SOFITE et tendant à ce que le tribunal :
1°- annule le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 portant approbation du traité de concession et du cahier des charges de la 5ème chaîne ensemble la décision du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé des techniques de la communication de signer le traité de concession et le cahier des charges, ainsi que lesdits traité de concession et cahier des charges en tant que de besoin,
2°- décide qu'il sera sursis à l'exécution des décisions attaquées,
Vu 7° la requête enregistrée le 14 mars 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 76 616, présentée pour la Société civile des auteurs Multimédia, dont le siège est ... à Paris 75014 , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 portant approbation du traité de concession et du cahier des charges de la 5ème chaîne, ensemble ledit cahier des charges,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 modifiée par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ;
Vu la loi n° 79-589 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée par les lois n° 83-632 du 12 juillet 1983, n° 84-742 du 1er août 1984 et n° 85-1317 du 13 décembre 1985 ;
Vu le décret du 12 novembre 1938 ;
Vu le décret n° 82-749 du 27 août 1982 ;
Vu le décret n° 82-996 du 23 novembre 1982 ;

Vu le décret n° 82-1228 du 31 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 86-20 du 7 janvier 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mlle Langlade, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion et autres, de la S.C.P. Labbé, Delaporte , avocat de l'association canal 5 et autres, de Me Cossa, avocat de la société civile des auteurs multimédia et de Me Choucroy, avocat de la société France 5 et autres,
- les conclusions de M. Dutheillet de Lamothe, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, de la Chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français, de l'Association française des producteurs de films et de programmes audiovisuels, de la Fédération nationale des cinémas français, de la Fédération nationale des distributeurs de films, de la Fédération nationale des industries techniques du film cinéma et télévision, de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'Association "Canal 5", de M. X..., de Mlle Y..., de la société financière de télévision SOFITE , de M. Z... et de la société civile des auteurs Multimedia et les conclusions de la demande de l'Association Canal 5, de M. X..., de Mlle Y... et de la Société financière de télévision, présentées devant le tribunal administratif de Paris contre le décret du 18 janvier 1986, le contrat de concession, le cahier des charges qui y est annexé et la décision de les signer et enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 75 575, sont dirigées contre les mêmes décisions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 modifié par la loi du 16 juin 1976 "le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : 1° des recours pour excès de pouvoir formés contre les décrets réglementaires ou individuels" ; que l'article R.46 du code des tribunaux administratifs, en vertu duquel les litiges en matière de marchés, contrats ou concessions relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel ces marchés, contrats ou concessions sont exécutés ou de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel a son siège l'autorité publique contractante, lorsque l'exécution du contrat s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif, ne concerne que les recours de plein contentieux introduits par les parties devant le juge du contrat et ne déroge pas aux dispositions précitées du décret du 30 septembre 1953 pour la détermination du juge compétent pour connaître d'un recours pour excès de pouvoir contre le décret d'approbation d'un contrat de concession ; qu'ainsi le décret attaqué, en date du 18 janvier 1986, portant approbation du traité de concession de la cinquième chaîne est au nombre des actes dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier et dernier ressort ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 bis ajouté à ce même décret du 30 septembre 1953 par le décret du 27 décembre 1960 "Lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'une requête contenant des conclusions ressortissant à sa compétence en premier et dernier ressort, il est également compétent, nonobstant toutes dispositions contraires de l'article 2, pour connaître de conclusions connexes contenues dans la même requête et ressortissant normalement à la compétence en premier ressort d'un tribunal administratif" ; que la décision de passer un contrat de concession avec une entreprise déterminée, la signature du contrat de concession et du cahier des charges qui y est annexé et l'intervention du décret d'approbation de ce contrat de concession et du cahier des charges, formant les éléments successifs d'une même opération juridique, le Conseil d'Etat, compétent pour connaître directement des conclusions dirigées contre le décret d'approbation, l'est également, en raison du lien de connexité qui les unit, pour connaître des conclusions dirigées contre la décision de concéder le service public de télévision à une société, contre le contrat de concession et contre le cahier des charges de la concession ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société France 5 n'est pas fondée à soutenir que les requêtes susvisées ont été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître en premier et dernier ressort ;
Sur l'intervention de la société France 5 :
Considérant que la société France 5 a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur l'intérêt à agir des auteurs des requêtes :

Considérant que la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et l'Association Canal 5, candidates à la concession d'un service public de télévision par voie hertzienne, ont intérêt à attaquer des décisions qui concèdent un tel service à une société concurrente et déterminent les conditions dans lesquelles ce service sera exploité et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'examiner la recevabilité des requêtes n° 75 144 et 75 575 en tant qu'elles émanent également de M. X..., de Mlle Y... et de la société financière de télévision ;
Considérant que la Chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français et les autres groupements professionnels de producteurs, distributeurs et exploitants de films de cinéma ou de télévision qui se sont joints à sa requête, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la société civile des auteurs Multimédia ont qualité pour attaquer des décisions qui ont notamment pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles des oeuvres cinématographiques seront diffusées par le concessionnaire d'un service de télévision ;

Considérant en revanche que Monsieur Z..., auteur de la requête n° 75525, ne fait état d'aucun intérêt lui donnant qualité pour attaquer la concession d'une chaîne de télévision ; que sa requête n'est pas recevable ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du traité de concession et du cahier des charges de la concession :
Considérant que le contrat de concession et le cahier des charges qui y est annexé ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ce traité de concession et contre ce cahier des charges ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions des requêtes n° 75040, 75087, 75110, 75144, 75575 et 76616 dirigées contre le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 et contre la décision du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé des techniques de la communication, de signer le traité de concession et le cahier des charges annexé à ce traité :DA Sur le défaut d'accord du ministre de la Culture :
Considérant qu'en contresignant le décret attaqué le ministre de la Culture a nécessairement donné son approbation à celui-ci, au traité de concession et au cahier des charges qui y sont annexés ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que ces décisions n'auraient pas recueilli l'accord de ce ministre manque en fait ;

Sur l'exception d'illégalité dirigée contre le décret n° 86-20 du 7 janvier 1986 en application duquel ont été prises les décisions attaquées et sur le moyen tiré de ce que l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 n'aurait pas été applicable à la date des décisions attaquées :
Considérant qu'aucune disposition de la loi du 29 juillet 1982 ni celles du décret du 27 août 1982 relatif à l'organisation et au fonctionnement de la Haute Autorité de la communication audio-visuelle ou celles du décret du 23 novembre 1982 relatif aux règles de fonctionnement du Conseil national de la communication audio-visuelle n'imposaient au gouvernement de consulter cette Haute Autorité et ce Conseil national avant d'adopter un décret pris en exécution de l'article 110 de ladite loi et fixant les modalités d'application de l'article 79 de la même loi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 dans sa rédaction résultant de la loi du 13 décembre 1985 "les services de télévision par voie hertzienne autres que locaux, destinés au public en général, font l'objet, sous réserve des droits et obligations des organismes mentionnés au titre III de la présente loi, de contrats de concession de service public conclus par l'Etat avec des personnes morales de droit public ou de droit privé" et qu'aux termes de l'article 110 de la même loi "des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de la présente loi" ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative ayant le pouvoir d'approuver les contrats de concession prévus à l'article 79 de la loi de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les personnes morales de droit public ou de droit privé auxquelles l'Etat concède de l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne sont à même de respecter l'ensemble des dispositions de la loi, et notamment les droits et obligations des organismes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision régis par titre III de la loi et que les clauses des contrats de concession, ainsi que celles des cahiers des charges qui y sont annexés, sont conformes aux dispositions de la loi ; que ce pouvoir peut s'exercer sans qu'il soit besoin de déterminer pa des mesures réglementaires des règles de procédure pour le choix des concessionnaires ou des règles de portée générale destinées à garanti que le service concédé sera exploité conformément à la loi ou encore des règles de portée générale destinées à garantir que le service concédé sera exploité conformément à la loi ou encore des règles relatives à la rémunération du concessionnaire ; que, l'article 79 de la loi étant ainsi susceptible de recevoir application sans qu'interviennent au préalable une mesure réglementaire, le gouvernement a pu, dans la limite de l'étendue de son pouvoir réglementaire, se borner à édicter des dispositions ayant pour objet de faciliter l'application de la loi, en précisant, par le décret du 7 janvier 1986, l'autorité compétente pour signer au nom de l'Etat le contrat de concession, la durée maximale de la concession et les modalités suivant lesquelles seront établis les rapports entre le concessionnaire et l'établissement public de télédiffusion ne sont pas fondés à soutenir qu'en limitant à ces domaines les prescriptions qu'il a édictées par le décret du 7 janvier 1986 le gouvernement se serait abstenu de prendre toutes les mesures requises pour assurer l'application de la loi et se serait dessaisi d'une partie de ses pouvoirs au profit du concessionnaire ;

Considérant que l'article 15 de la loi du 29 juillet 1982 n'impose de soumettre à la Haute Autorité de la communication audio-visuelle que "les cahiers des charges contenant les obligations de service public" et qu'aucune disposition législative ne prescrit de soumettre à la Haute Autorité d'autres documents contractuels ; qu'en adoptant l'article 3 du décret du 7 janvier 1986 le gouvernement a fait une exacte application de ces dispositions, en ne soumettant à l'avis de la Haute Autorité que le cahier des charges de la concession sans soumettre à la même consultation le traité de concession lui-même, lequel ne pourrait, sans violer les dispositions de l'article 15, contenir des règles relatives aux obligations de service public qui n'auraient pas été soumises à cette Haute Autorité ;
Considérant enfin que l'article 6 du même décret a pu légalement ajouter aux dispositions du décret du 31 décembre 1972 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public de télédiffusion, notamment à ses articles 8-8°, 9 et 10 relatifs aux pouvoirs du conseil d'administration et du président de cet établissement, en soumettant à l'approbation du ministre chargé des P.T.T. et du ministre chargé des techniques de la communication la convention passée entre l'établissement public de télédiffusion et le concessionnaire d'un service public régi par l'article 79 de la loi, qui a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles sont diffusés par l'établissement public les programmes du concessionnaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont fondés à soutenir ni que le décret du 7 janvier 1986, sur le fondement duquel ont été prises les décisions attaquées, serait entaché d'excès de pouvoir ni que, faute de mesures réglementaires nécessaires à l'application de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982, les dispositions de cet article ne seraient pas entrées en vigueur et qu'une convention passée en application de ce texte ne pouvait être légalement approuvée ;

Sur le moyen tiré de ce que le contrat approuvé ne serait pas un contrat de concession :
Considérant que l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 a qualifié de contrat de concession l'acte par lequel l'Etat confie par voie contractuelle à une personne morale l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne destiné au public en général ; que l'article 64 de la même loi réserve aux sociétés et établissements publics régis par les articles 34, 37, 38, 40, 42, 45, 47, 55 et 58 le produit de la redevance pour droit d'usage prévue à l'article 62 ; que l'article 79 précité n'impose pas au concessionnaire de réserver la réception des émissions qu'il fait diffuser à des abonnés ayant aquitté un droit d'abonnement ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu subordonner l'attribution des contrats de concession prévus à l'article 79 de la loi au versement par les usagers d'une redevance pour service rendu perçue au profit du concessionnaire ; que la société France 5 devra tirer l'essentiel de ses ressources de l'exploitation du service et notamment de la diffusion de messages et d'écrans publicitaires ; qu'ainsi le contrat litigieux a bien le caractère d'une concession de service public au sens de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la Haute Autorité de la communication audio-visuelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 29 juillet 1982 "la Haute Autorité donne son avis sur les cahiers des charges contenant les obligations de service public. Son avis est public et motivé" et que l'article 3 du décret précité du 7 janvier 1986 dispose que "le cahier des charges est approuvé par décret après avis de la Haute Autorité de la communication audio-visuelle" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai qui s'est écoulé entre la transmission de l'avis de la Haute Autorité de la communication audio-visuelle et la signature du décret attaqué a été suffisant pour permettre au gouvernement de procéder, au vu de cet avis, à l'examen des clauses du cahier des charges de la concession ; qu'il n'est pas établi que le gouvernement n'a pas procédé à l'examen de l'avis de la Haute Autorité ; que, les dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1982 et du décret du 7 janvier 1986 n'imposant de soumettre à la Haute Autorité que le cahier des charges de la concession, le gouvernement n'était pas tenu de lui soumettre un traité de concession dont il n'est pas allégué qu'il contienne des obligations de la nature de celles qui auraient dû figurer sur le cahier des charges ; que, d'ailleurs, le gouvernement avait communiqué pour information ce traité à la Haute Autorité ;

Sur la régularité des conditions dans lesquelles a été conclu le contrat de concession :
Considérant, en premier lieu, que le fait pour le gouvernement d'avoir rapporté dans le délai de recours pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 1985 attribuant la concession de la 5e chaîne à une société en voie de formation, puis après avoir précisé, par le décret du 7 janvier 1986, certaines modalités d'application de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 de concéder, sur des bases juridiques nouvelles et après consultation de la Haute Autorité de la communication audio-visuelle, l'exploitation de cette 5e chaîne à la société France 5, créée entre-temps, n'établit pas que ladite décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Considérant, en second lieu, qu'il est de règle que le concédant a le libre choix du concessionnaire ; qu'en l'absence de disposition dérogeant à ce principe dans le domaine de la communication audiovisuelle le gouvernement pouvait accorder, en application de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982, une concession à la société France 5, sans avoir, au préalable, mis cette société en concurrence avec d'autres entreprises susceptibles d'exploiter un tel service ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la candidature de la Compagnie luxembourgeoise de télé-diffusion n'ait pas été examinée ; que, saisi par cette compagnie et par la société France 5 de candidatures à la concession d'un service de télévision, le gouvernement pouvait, en vertu des mêmes principes du droit des concessions, choisir librement celle des candidatures à laquelle il entendait donner suite et n'était nullement tenu d'informer les autres candidats du déroulement des négociations qu'il menait avec leur concurrent ;

Sur le moyen tiré de ce que la société concessionnaire ne satisfait pas à la condition de nationalité prévue par le décret du 12 novembre 1938 :
Considérant que l'article 3 du décret du 12 novembre 1938 concernant la nationalité des concessionnaires des services publics permet de déroger, par arrêté du Premier ministre pris sur proposition du ministre compétent, aux dispositions des articles 1° et 2° du même décret qui interdisent d'octroyer des concessions de service public aux personnes morales dont notamment les présidents ou vice-présidents des conseils d'administration ne sont pas français ; qu'un arrêté en date du 17 janvier 1986, pris par le Premier ministre sur proposition du secrétaire d'Etat chargé des techniques de la communication, a accordé à la société anonyme France 5, dont l'un des quatre membres du conseil d'administration, investi du mandat de vice-président, n'est pas français l'autorisation de recevoir la concession d'un service public de télévision, par dérogation aux dispositions précitées du décret du 12 novembre 1938 ;
Considérant, il est vrai, que les requérants soutiennent que cet arrêté du 17 janvier 1986 est lui-même entaché d'excès de pouvoir ;
Mais, considérant que le pouvoir attribué au Premier ministre par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 12 novembre 1938 peut être délégué ; qu'ainsi l'arrêté du 17 janvier 1986, signé au nom du Premier ministre par son directeur de cabinet, en vertu d'une délégation de signature accordée par un arrêté du 18 juillet 1984 publié au Journal officiel du 19 juillet n'émane pas d'une autorité incompétente ; que l'arrêté du 17 janvier 1986 ayant été adopté sur le rapport du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé des techniques de la communication est bien intervenu à la demande du ministre compétent comme l'exige l'article 3 du décret ; que le Premier ministre n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant dans ces conditions à la société France 5 la dérogation prévue par l'article 3 du décret du 12 novembre 1938 ; qu'enfin l'arrêté en cause, qui est suffisamment motivé, ayant le caractère d'une décision individuelle, son entrée en vigueur n'était pas subordonnée à sa publication, de sorte que le Premier ministre pouvait se fonder sur la dérogation ainsi accordée, alors même que cet arrêté n'avait pas été préalablement publié, pour accorder une concession de service public à la société France 5 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du décret du 12 novembre 1938 doit être rejeté ;

Sur le moyen tiré de ce que le contrat de concession approuvé reconnaîtrait au profit de la société France 5 des avantages incompatibles tant avec les principes du droit des concessions qu'avec les dispositions de la loi du 29 juillet 1982 ;
Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'article 10 du traité de concession qui prévoient le versement par le concédant au concessionnaire d'une compensation financière ou la révision du contrat, en vue de rétablir l'équilibre de l'exploitation si un déséquilibre important et durable se produisait dans celle-ci du fait de circonstances extérieures à la volonté des cocontractants et les stipulations de l'article 11 qui prévoient la résiliation du contrat ou l'indemnisation du concessionnaire pour rétablir l'équilibre de l'exploitation au cas où l'Etat modifierait les conditions d'exploitation des entreprises publiques ou privées du secteur de l'audio-visuel, se bornent à déterminer et à aménager sur le plan contractuel, dans les hypothèses qu'elles envisagent, les droits du concessionnaire ; que l'article 13 du même traité, qui garantit l'extension au profit du concessionnaire de tout avantage nouveau dont viendrait à bénéficier une entreprise privée concurrente, n'est pas contraire aux principes du droit des concessions ; que ces mêmes stipulations des articles 11 et 13 du traité, dans la mesure où elles pourraient avoir pour effet d'engager l'Etat à indemniser le concessionnaire de préjudices qui résulteraient de l'intervention de lois nouvelles modifiant directement ou indirectement les conditions techniques ou économiques de l'exploitation de la 5e chaîne de télévision et d'étendre, dans les limites de la compétence de l'autorité concédante, au profit du concessionnaire le bénéfice des dispositions législatives dont pourrait se prévaloir une autre entreprise privée exploitant un service de télévision, ne font pas échec, et ne pourraient d'ailleurs faire légalement échec, à l'application des dispositions qui seraient ultérieurement édictées par le législateur ; qu'ainsi en approuvant ces clauses du traité de concession, le gouvernement n'a pas plus empiété sur le domaine de la loi qu'il n'a méconnu des principes du droit des concessions ;
Considérant, en second lieu, que la priorité, garantie au concessionnaire par les articles 2 et 3 du contrat de concession, en matière d'accès au réseau hertzien, et le droit qui lui est reconnu par les articles 12 et 13 d'obtenir l'extension à son profit de tout avantage accordé en matière d'accès aux sources de diffusion ou d'exploitation de celles-ci ne portent pas atteinte aux services garantis par la loi aux établissements du secteur public ; que les garanties ainsi accordées au concessionnaire ne font pas obstacle à ce que d'autres concessions puissent être accordées dans des conditions analogues et ne sont donc pas contraires aux articles 2 et 79 de la loi du 29 juillet 1982 ;

Sur le moyen tiré de la violation de la loi du 11 mars 1957 modifiée par la loi du 3 juillet 1985 :
Considérant que les dispositions de l'article 8-1 du cahier des charges, qui autorisent le concessionnaire à diffuser des messages et écrans publicitaires, y compris en interrompant les programmes, ne sont pas par elles-mêmes contraires à aucune disposition de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, modifiée par la loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéoprogrammes et des entreprises de communication audio-visuelle et ne dispensnt pas le concessionnaire de respecter lesdits droits ;

Sur le moyen tiré de l'atteinte à l'égalité d'accès des entreprises de publicité, aux moyens de diffusion qu'offre la 5e chaîne de télévision :
Considérant qu'aucune disposition législative n'impose aux parties à un contrat de concession d'un service de télévision de déterminer, dans le cahier des charges, les conditions dans lesquelles les annonceurs publicitaires auront accès à ce moyen de diffusion et que les conditions dans lesquelles le concessionnaire fait usage de ses droits en la matière sont sans incidence sur la légalité du décret approuvant le traité de concession et le cahier des charges de celle-ci ;
Sur le moyen tiré de la violation des articles 88 et 88-1 de la loi du 29 juillet 1982 :
Considérant qu'aux termes de l'article 88 de la loi ci-dessus mentionnée "le service public de la télévision et les services de la communication audio-visuelle prévus aux titres III et IV de la présente loi qui diffusent des oeuvres cinématographiques contribuent au développement des activités cinématographiques nationales selon des modalités fixées par les cahiers des charges" ; que les dispositions de l'article 6 du cahier des charges fixent, conformément à ces dispositions, les modalités de la contribution du service au développement des activités cinématographiques nationales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 ajoutée à la loi du 29 juillet 1982 par la loi du 13 décembre 1985 "les dispositions des cahiers des charges et des décrets relatives au régime de diffusion des oeuvres cinématographiques par les organismes prévus au titre III ou les services de communication audio-visuelle relevant du titre IV de la présente loi doivent notamment préciser, en fonction de la nature du service, le volume et la nationalité des oeuvres diffusées" ; que cette disposition législative impose d'insérer dans les cahiers de charges des concessions pour l'exploitation des services de télévision par voie hertzienne, accordées à des personnes morales de droit public ou de droit privé, par application de l'article 79 de la même loi, des clauses fixant non seulement la proportion selon leur origine nationale d'oeuvres cinématographiques que ces sociétés peuvent diffuser, mais également le nombre total des diffusions d'oeuvres cinématographiques de toutes origines auxquelles le concessionnaire est autorisé à procéder pendant une période déterminée, compte tenu, le cas échéant, des possibilités de rediffusion de ces oeuvres ;

Considérant que le cahier des charges approuvé par le décret du 18 janvier 1986 dispose, en son article 4-3 relatif à la diffusion d'oeuvres cinématographiques de long métrage qu'à l'exception des oeuvres de caractère "ciné-club" la diffusion de ces oeuvres devra respecter les quotas suivants à compter de la fin du cinquième exercice : 60 % au moins d'oeuvres émanant des Etats membres de la Communauté économique européenne, 50 % au moins d'oeuvres d'expression originale française et que le pourcentage d'oeuvres d'expression française, apprécié sur les cinq premiers exercices, devra atteindre au moins 25 % ; que ces dispositions, qui se bornent à édicter un pourcentage d'oeuvres d'expression originale française par rapport à l'ensemble des oeuvres cinématographiques diffusées, sans imposer au concessionnaire une limite concernant le nombre total d'oeuvres qui peuvent être diffusées au cours des périodes de référence, ne satisfont pas aux obligations imposées par les dispositions précitées de l'article 88-1 de la loi du 29 juillet 1982 ;
Considérant que si, avant la mise en service de la 5e chaîne de télévision et, par conséquent, avant que le cahier des charges approuvé le 18 janvier 1986 ait pu recevoir application, un décret du 18 février 1986, publié au Journal officiel du 19 février, emporte approbation d'un avenant au cahier des charges de la 5e chaîne complétant l'article 4 de ce cahier par une disposition aux termes de laquelle "le nombre de films diffusés n'excédera pas 250 titres par an", cette disposition nouvelle, qui ne fixe aucune limite au nombre de diffusions d'un même titre que le concessionnaire peut programmer chaque année, ne détermine pas le volume des oeuvres diffusées et ne satisfait pas plus que la clause figurant dans le cahier des charges primitif aux obligations résultant de l'article 88-1 de la loi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que l'article 4 du cahier des charges annexé au décret du 18 janvier 1986 n'est pas conforme aux exigences de la loi et que le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé des techniques de la communication n'est en revanche pas fondé à soutenir que le vice dont est entaché cet article du cahier des charges a été purgé avant sa mise en vigueur ;

Considérant que l'illégalité dont est ainsi entaché le cahier des charges affecte l'ensemble des conditions dans lesquelles le concessionnaire est autorisé à diffuser des oeuvres cinématographiques de longue durée, telles que ces conditions sont fixées par l'article 4 de cet acte ; que, dès lors, les décisions attaquées doivent être annulées en tant qu'elles approuvent cet article 4 ; qu'il suit de là que les requérants sont fondés à demander l'annulation du décret du 18 janvier 1986, en tant qu'il approuve l'article 4 du cahier des charges de la 5e chaîne et l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé des technique de la communication, de signer ce cahier des charges, en tant que celui-ci comporte un article 4 ;
Article 1er : L'intervention de la société "France 5" est admise.
Art. 2 : La requête n° 75525 de M. Z... est rejetée.
Art. 3 : Le décret n° 86-84 du 18 janvier 1986 en tant qu'il approuve l'article 4 du cahier des charges relatif à la concession du service de télévision par voie hertzienne dénommée 5e chaîne, ensemble la décision du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé des techniques de la communication, de signer ce cahier des charges, en tant que celui-ci comporte un article 4, sont annulés.
Art. 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, de la Chambre syndicale des producteurs et exportateurs de films français, de l'Association française des producteurs de films de programmes audio-visuels, de la Fédération nationale des cinémas français, de la Fédération nationale des distributeurs de films, de la Fédération nationale des industries techniques du film cinéma et télévision, de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'association "Canal 5", de M. X..., de Mlle Y..., de la Société financière de télévision Sofite et de la société civile des auteurs Multimédia ainsi que le surplus des conclusions de la demande de l'association Canal 5, de M. X..., de Mlle Y... et de la Socité financière de télévision Sofite transmise par le tribunal administratif de Paris et dirigée contre le décret du 18 janvier 1986, le contrat de concession, le cahier des charges qui y est annexé et la décision de les signer, sont rejetés.


Synthèse
Formation : Assemblee
Numéro d'arrêt : 75040;75087;75110;75144;75525;75575;76616
Date de la décision : 16/04/1986
Sens de l'arrêt : Rejet annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle - Article 88-1 [régime de la diffusion des oeuvres cinématographiques de long métrage] - Article 4 du cahier des charges de concession de la cinquième chaîne de télévision.

17-05-01-03-02 La décision de passer un contrat de concession avec une entreprise déterminée, la signature du contrat de concession et du cahier des charges qui y est annexé et l'intervention du décret d'approbation de ce contrat de concession et du cahier des charges formant les éléments successifs d'une même opération juridique, le Conseil d'Etat, compétent pour connaître directement des conclusions dirigées contre le décret d'approbation, l'est également, en raison du lien de connexité qui les unit, pour connaître des conclusions dirigées contre la décision de concéder le service public de télévision à une société, contre le contrat de concession et contre le cahier des charges de la concession.

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - CONNEXITE - EXISTENCE D'UN LIEN DE CONNEXITE - Demandes connexes dont l'une au moins ressortit à la compétence du Conseil d'Etat - Conclusions dirigées contre la décision de concéder un service de télévision à une société - contre le contrat de concession et contre le cahier des charges de la concession - Connexité avec les conclusions dirigées contre le décret d'approbation du contrat de concession et du cahier des charges.

54-01-04-01-01 Un requérant qui ne se prévaut d'aucune qualité lui donnant intérêt à attaquer la concession par l'Etat d'une chaîne de télévision à une société privée, et qui notamment ne fait pas état de son éventuelle qualité de téléspectateur, n'est pas recevable à contester cette décision.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - CONCESSIONS - CONCESSION DE SERVICE PUBLIC [1] Concession d'un service de télévision hertzienne - [11] Priorité d'accès aux moyens de diffusion réservée au concessionnaire - Légalité - [12] Traité de concession prévoyant un droit à indemnité pour le concessionnaire en cas de dégradation des conditions d'exploitation résultant d'une modification législative ou réglementaire - Légalité - [13] Clause garantissant au concessionnaire l'application immédiate et de plein droit de toute disposition législative dont viendrait à bénéficier une entreprise concurrente - Légalité - [2] Concession de service public au sens de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 - Notion - [3] - RJ1 Mode de passation du contrat de concession - Choix du concessionnaire - Principe du libre choix du concessionnaire [1] - Concession se service public audiovisuel - [4] Conditions relatives à la nationalité des concessionnaires [décret du 12 novembre 1938] - Possibilité d'y déroger par arrêté du Premier ministre.

39-08-01-05, 54-02-01 Le contrat de concession d'un service de télévision par voie hertzienne et le cahier des charges qui lui est annexé, alors même que ce dernier contient des clauses qui ont un caractère réglementaire, ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC - Concessions - Principe du libre choix du concessionnaire [1].

39-01-03-03-01[2] L'article 79 de la loi du 29 juillet 1982 a qualifié de contrat de concession l'acte par lequel l'Etat confie par voie contractuelle à une personne morale l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne destiné au public en général. Cet article n'impose pas au concessionnaire de réserver la réception des émissions qu'il fait diffuser à des abonnés ayant acquitté un droit d'abonnement, le produit de la redevance pour droit d'usage prévu à l'article 62 étant quant à lui réservé aux sociétés et établissements publics visés aux articles 34, 37, 38, 40, 42, 45, 47, 55 et 58 de la loi. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu subordonner l'attribution des contrats de concession prévus à l'article 79 de la loi au versement par les usagers d'une redevance pour service rendu perçue au profit du concessionnaire. Le contrat qui lie l'Etat et la société France 5, laquelle tire l'essentiel de ses ressources de l'exploitation du service, et notamment de la diffusion de messages et d'écrans publicitaires, a donc bien le caractère d'une concession de service public au sens de la loi du 29 juillet 1982.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECEVABILITE - RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR - Irrecevabilité de conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un contrat de concession et du cahier des charges qui lui est annexé.

39-01-03-03-01[3], 39-02-02-01 Il est de règle qu'en matière de concession de service public, le concédant a le libre choix du concessionnaire. En l'absence de disposition dérogeant à ce principe dans le domaine de la communication audiovisuelle, le Gouvernement pouvait accorder, en application de l'article 79 de la loi du 29 juillet 1982, une concession à la société France 5 sans avoir, au préalable, mis cette société en concurrence avec d'autres entreprises susceptibles d'exploiter un tel service.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - POUVOIR DU JUGE - POUVOIR DU JUGE - Juge de l'excès de pouvoir - Illégalité de certaines clauses d'un contrat de concession - Annulation de l'acte d'approbation du contrat limitée à l'approbation de celles des clauses qui forment avec les clauses illégales un ensemble indivisible.

39-01-03-03-01[4] L'article 3 du décret du 12 novembre 1938 concernant la nationalité des concessionnaires des services publics permet de déroger, par arrêté du Premier ministre pris sur proposition du ministre compétent, aux dispositions des articles 1er et 2 du même décret qui interdisent d'octroyer des concessions de service public aux personnes morales dont notamment les présidents ou vice-présidents des conseils d'administration ne sont pas français ou dont les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ne sont pas français. Or, un arrêté en date du 17 janvier 1986 pris par le Premier ministre sur proposition du secrétaire d'Etat chargé des techniques de la communication a accordé à la société anonyme France 5, dont l'un des quatre membres du conseil d'administration, investi du mandat de vice-président, n'est pas français, l'autorisation de recevoir la concession d'un service public de télévision, par dérogation aux dispositions précitées du décret du 12 novembre 1938. Rejet du moyen tiré, à l'encontre du contrat de concession, de la violation du décret du 12 novembre 1938.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - ABSENCE D'INTERET - CATEGORIES DE REQUERANTS - Radiodiffusion sonore et télévision - Décision de concéder une chaîne de télévision - Requérant ne se prévalant d'aucune qualité lui donnant intérêt.

39-01-03-03-01[12], 39-01-03-03-01[13], 56-04-03-01[2], 56-04-03-01[3] Les stipulations de l'article 10 du traité de concession par l'Etat à la société France 5 d'un service public de télévision par voie hertzienne, qui prévoient le versement par le concédant au concessionnaire d'une compensation financière ou la révision du contrat, en vue de rétablir l'équilibre de l'exploitation, si un déséquilibre important et durable se produisait dans celle-ci du fait de circonstances extérieures à la volonté des cocontractants et les stipulations de l'article 11 qui prévoient la résiliation du contrat ou l'indemnisation du concessionnaire pour rétablir l'équilibre de l'exploitation au cas où l'Etat modifierait les conditions d'exploitation des entreprises publiques ou privées du secteur de l'audiovisuel se bornent à déterminer et à aménager sur le plan contractuel, dans les hypothèses qu'elles envisagent, les droits du concessionnaire. L'article 13 du même traité, qui garantit l'extension au profit du concessionnaire de tout avantage nouveau dont viendrait à bénéficier une entreprise privée concurrente n'est pas contraire aux principes du droit des concessions. Ces mêmes stipulations des articles 11 et 13 du traité, dans la mesure où elles pourraient avoir pour effet d'engager l'Etat à indemniser le concessionnaire de préjudices qui résulteraient de l'intervention de lois nouvelles modifiant directement ou indirectement les conditions techniques ou économiques de l'exploitation de la cinquième chaîne de télévision et d'étendre, dans les limites de la compétence de l'autorité concédante, au profit du concessionnaire le bénéfice des dispositions législatives dont pourrait se prévaloir une autre entreprise privée exploitant un service de télévision ne font pas échec, et ne pourraient d'ailleurs faire légalement échec, à l'application des dispositions qui seraient ultérieurement édictées par le législateur. Ainsi, en approuvant ces clauses du contrat de concession, le Gouvernement n'a pas plus empiété sur le domaine de la loi qu'il n'a méconnu des principes du droit des concessions.

PROCEDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR - Annulation ne pouvant être demandées par la voie du recours pour excès de pouvoir - Annulation des clauses d'un contrat de concession ou du cahier des charges qui lui est annexé.

39-01-03-03-01[11], 56-04-03-01[1] La priorité en matière d'accès au réseau hertzien garantie au concessionnaire d'un service de télévision par les articles 2 et 3 du contrat de concession et le droit qui lui est reconnu par les articles 12 et 13 de ce contrat d'obtenir l'extension à son profit de tout avantage accordé en matière d'accès aux sources de diffusion ou d'exploitation de celles-ci, ne portent pas atteinte aux services garantis par la loi aux établissements du secteur public. Les garanties ainsi accordées au concessionnaire ne font pas obstacle à ce que d'autres concessions puissent être accordées dans des conditions analogues et ne sont donc pas contraires aux articles 2 et 79 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

RADIODIFFUSION SONORE ET TELEVISION - SERVICES PRIVES DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TELEVISION - SERVICES DE TELEVISION - SERVICES CONCEDES - Concession de la 5e chaîne de télévision - Approbation de la concession le décret n° 86-84 du 18 janvier 1984 - [1] Priorité d'accès aux moyens de diffusion réservée au concessionnaire - Légalité - [2] Traité de concession prévoyant un droit à indemnité pour le concessionnaire en cas de dégradation des conditions d'exploitation résultant d'une modification législative ou réglementaire - Légalité - [3] Clause garantissant au concessionnaire l'application immédiate et de plein droit de toute disposition législative dont viendrait à bénéficier une entreprise concurrente - Légalité - [4] Dispositions du cahier des charges relatives à la diffusion d'oeuvres cinématographiques de long métrage - Dispositions ne satisfaisant pas aux obligations résultant de l'article 88-1 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communicaiton audiovisuelle.

01-04-02-02, 56-04-03-01[4] Aux termes de l'article 88-1 ajouté à la loi du 29 juillet 1982 par la loi du 13 décembre 1985 "les dispositions des cahiers des charges et des décrets relatives au régime de diffusion des oeuvres cinématographiques par les organismes prévus au titre III ou les services de communication audiovisuelle relevant du titre IV de la présente loi doivent notamment préciser, en fonction de la nature du service, le volume et la nationalité des oeuvres diffusées". Cette disposition législative impose d'inscrire dans les cahiers des charges des concessions pour l'exploitation des services de télévision par voie hertzienne, accordées à des personnes morales de droit public ou de droit privé, des clauses fixant non seulement la proportion selon leur origine nationale d'oeuvres cinématographiques que ces sociétés peuvent diffuser mais également le nombre total de diffusions d'oeuvres cinématographiques de toutes origines auxquelles le concessionnaire est autorisé à procéder pendant une période déterminée compte tenu, le cas échéant, des possibilités de rediffusion de ces oeuvres. Les dispositions de l'article 4-3 du cahier des charges approuvé par le décret du 18 janvier 1986, relatives à la diffusion d'oeuvres cinématographiques de long métrage, qui se bornent à édicter un pourcentage d'oeuvres d'expression originale française par rapport à l'ensemble des oeuvres cinématographiques diffusées, sans imposer au concessionnaire une limite concernant le nombre total d'oeuvres qui peuvent être diffusées au cours des périodes de référence, ne satisfont pas aux obligations imposées par les dispositions précitées de l'article 88-1 de la loi du 29 juillet 1982. Et si, avant la mise en service de la cinquième chaîne de télévision, et par conséquent avant que le cahier des charges approuvé le 18 janvier 1986 ait pu recevoir application, un décret du 18 février 1986 emporte approbation d'un avenant au cahier des charges de la cinquième chaîne complétant l'article 4 de ce cahier par une disposition aux termes de laquelle "le nombre de films diffusés n'excédera pas 250 titres par an", cette disposition nouvelle, qui ne fixe aucune limite au nombre de diffusions d'un même titre que le concessionnaire peut programmer chaque année ne détermine pas le volume des oeuvres diffusées et ne satisfait pas plus que la clause figurant dans le cahier des charges primitif aux obligations résultant de l'article 88-1 de la loi.

39-08-03-01-04 L'illégalité dont est entaché le cahier des charges de la concession par l'Etat à la société France 5 d'une cinquième chaîne de télévision, tenant à ce que les obligations résultant de l'article 88-1 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle en ce qui concerne le volume des oeuvres cinématographiques diffusées ont été méconnues, affecte l'ensemble des conditions dans lesquelles le concessionnaire est autorisé à diffuser des films, telles que ces conditions sont fixées par l'article 4 du cahier des charges. Le décret approuvant le cahier des charges doit donc être annulé en tant qu'il approuve cet article 4. En revanche les autres dispositions du cahier des charges ne sont pas affectées par cette illégalité.

56-04-03-01[2] Les stipulations de l'article 10 du traité de concession par l'Etat à la société France 5 d'un service public de télévision par voie hertzienne, qui prévoient le versement par le concédant au concessionnaire d'une compensation financière ou la révision du contrat, en vue de rétablir l'équilibre de l'exploitation, si un déséquilibre important et durable se produisait dans celle-ci du fait de circonstances extérieures à la volonté des cocontractants et les stipulations de l'article 11 qui prévoient la résiliation du contrat ou l'indemnisation du concessionnaire pour rétablir l'équilibre de l'exploitation au cas où l'Etat modifierait les conditions d'exploitation des entreprises publiques ou privées du secteur de l'audiovisuel se bornent à déterminer et à aménager sur le plan contractuel, dans les hypothèses qu'elles envisagent, les droits du concessionnaire. Ces mêmes stipulations, dans la mesure où elles pourraient avoir pour effet d'engager l'Etat à indemniser le concessionnaire de préjudices qui résulteraient de l'intervention de lois nouvelles modifiant directement ou indirectement les conditions techniques ou économiques de l'exploitation de la cinquième chaîne de télévision ne font pas échec, et ne pourraient d'ailleurs faire légalement échec, à l'application des dispositions qui seraient ultérieurement édictées par le législateur. Ainsi, en approuvant ces clauses du contrat de concession, le Gouvernement n'a pas plus empiété sur le domaine de la loi qu'il n'a méconnu des principes du droit des concessions.

56-04-03-01[3] L'article 13 du traité de concession par l'Etat à la société France 5 d'un service public de télévision par voie hertzienne, qui garantit l'extension au profit du concessionnaire de tout avantage nouveau dont viendrait à bénéficier une entreprise privée concurrente n'est pas contraire aux principes du droit des concessions. Ces stipulations, dans la mesure où elles pourraient avoir pour effet d'étendre, dans les limites de la compétence de l'autorité concédante, au profit du concessionnaire le bénéfice des dispositions législatives dont pourrait se prévaloir une autre entreprise privée exploitant un service de télévision ne font pas échec, et ne pourraient d'ailleurs faire légalement échec, à l'application des dispositions qui seraient ultérieurement édictées par le législateur. Ainsi, en approuvant ces clauses du contrat de concession, le Gouvernement n'a pas plus empiété sur le domaine de la loi qu'il n'a méconnu des principes du droit des concessions.


Références :

Code des tribunaux administratifs R46
Décret du 12 novembre 1938 art. 1, art. 2, art. 3
Décret du 27 décembre 1960
Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2 bis
Décret 82-1228 du 31 décembre 1982 art. 8 8, art. 9, art. 10
Décret 82-749 du 27 août 1982
Décret 86-20 du 07 janvier 1986 art. 6
Décret 86-84 du 18 janvier 1986 décision attaquée annulation partielle
Loi 57-298 du 11 mars 1957
Loi 76-521 du 16 juin 1976
Loi 82-652 du 29 juillet 1982 art. 79, art. 110, art. 15, art. 2, art. 88, art. 88 1
Loi 85-1317 du 13 décembre 1985
Loi 85-660 du 03 juillet 1985

1.

Cf. Assemblée, 1975-02-14, Epoux Merlin, p. 110


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 1986, n° 75040;75087;75110;75144;75525;75575;76616
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Nicolay
Rapporteur ?: Mlle Langlade
Rapporteur public ?: M. Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:75040.19860416
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award