Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 novembre 1984 et 8 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. et Mme Y...
Z..., demeurant ... à Epinay-sur-Seine 93800 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement en date du 30 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête des époux Z... tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser à chacun la somme de 120 000 F, et à chacun de leurs enfants la somme de 15 000 F en réparation du préjudice subi du fait du décès de leur fille Nadia ;
°2 condamne l'Etat à leur verser la somme de 120 000 F, pour chacun d'entre eux, et de 15 000 F à chacun de leurs enfants ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Leusse, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat des Consorts Z...,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de son activité de service social, le service d'assistance technique, dépendant de la direction départementale des polices urbaines de la Seine-Saint-Denis a proposé en septembre 1977 à M. et Mme Z... de faire partir leur fille Nadia, âgée de trois ans, pour un séjour de trois mois auprès d'une famille néerlandaise d'accueil choisie par l'association belge "Les Semeurs de joie" ; que, partie le 21 décembre 1977 pour être hébergée par les époux X..., la petite Nadia est décédée aux Pays-Bas le 16 janvier 1978 des suites des sévices que lui ont infligés lesdits époux X... ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que l'association "Les Semeurs de joie" était favorablement connue du service d'assistance technique de la Seine-Saint-Denis depuis plusieurs années, ledit service, en ne prenant pas les précautions suffisantes pour s'assurer que la famille auprès de laquelle l'enfant allait séjourner présentait toutes les garanties nécessaires à l'accueil d'un enfant en bas âge a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, M. et Mme Z... sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'indemnité ;
Sur le préjudice moral :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme Z... et par chacun de leurs enfants du fait du décès de Nadia Z... en condamnant l'Etat à verser une somme de 50 000 F à chacun des parents et de 10 000 F à chacun des enfants ;
Sur les intérêts et les intérêts des itérêts :
Considérant que les sommes susindiquées doivent porter intérêts au taux légal à compter du 15 juin 1982, date de la demande d'indemnité de M. et Mme Z... au ministre de l'intérieur et de la décentralisation ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 20 novembre 1984 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 mai 1985 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Z... la somme de 50 000 F pour chacun d'eux, et à leurs enfants Taieb, Djida A..., Nasser et Souria la somme de 10 000 F pour chacun d'eux. Ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter du 15 juin 1982. Les intérêts échus le 20 novembre 1984 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Z... et au ministre de l'intérieur.