Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 septembre 1984 et 24 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE "CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL" DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS, dont le siège social est ... 93100 et le COLLECTIF NATIONAL DU CREDIT LYONNAIS, dont le siège est ... à Paris 75002 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule la décision de rejet résultant implicitement du silence gardé par le ministre du travail sur la réclamation des exposants formée contre la décision en date du 22 février 1984 du directeur départemental du travail de Paris déterminant le nombre et la liste des établissements distincts du "Crédit Lyonnais" pour l'élection des représentants du personnel aux comités d'établissement, ensemble cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du travail, et notamment les articles L.435-1 et L.435-4 ;
Vu la loi °n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la convention collective nationale de travail du personnel des banques et ses avenants ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tuot, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la FEDERATION NATIONALE C.G.T. DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et du COLLECTIF NATIONAL DU "CREDIT LYONNAIS" et de la S.C.P. Vier, Barthélémy, avocat du Crédit Lyonnais,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ... °3 Les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.435.4 du code du travail : "Dans chaque entreprise, le nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements... font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Dans le cas où cet accord ne peut être obtenu, le directeur départemental du travail et de la main-d'oeuvre dans le ressort duquel se trouve le siège de l'entreprise décide de ce nombre et de cette répartition" ; que, lorsque les services, unités de travail ou autres éléments de l'organisation de l'entreprise qui font l'objet de la décision du directeur départemental prévue par le texte précité sont situés dans les ressorts de plusieurs tribunaux administratifs, le Conseil d'Etat est compétent, en application des disposition susrappelées du décret du 30 septembre 1953, pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions dirigées contre cette décision ;
Considérant qu'il est constant que les services et agences de la société anonyme Crédit Lyonnais qui ont fait l'objet de la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris en date du 22 février 1984, fixant le nombre d'établissements distincts existant dans cette entreprise, sont situés dans les ressorts de plusieurs tribunaux administratifs ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient ladite société, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître directement de la requête de la FEDERATION NATIONALE C.G.T. DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS et du COLLECTIF NATIONAL DU CREDIT LYONNAIS dirigée contre la décision susmentionnée et contre la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant le recours hiérarchique formé contre ladite décision ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L.435-4 du code du travail, le directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris, territorialement compétent, a, par sa décision du 22 février 1984 implicitement confirmée par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, fixé à 2 le nombre d'établissements distincts du Crédit Lyonnais pour Paris et la "petite couronne" de la région parisienne, et à 78 le nombre d'établissements distincts de l'entreprise pour la province et la "grande couronne" de la région parisienne ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que les décisions attaquées ne sont pas au nombre de celles dont la loi °n 79-587 du 11 juillet 1979 impose la motivation ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'organisation du réseau d'agences du Crédit Lyonnais repose principalement sur des directions de groupe d'agences ;
Considérant, en premier lieu, que la qualité d'établissements distincts a été reconnue aux 70 directions de groupe d'agences de la province et de la "grande couronne" de la région parisienne ; que ces directions ont une implantation géographique distincte et un caractère de stabilité ; qu'elles présentent un degré d'autonomie élevé tant en ce qui concerne la gestion du personnel qu'en ce qui a trait à l'exécution du service ; que si, dans certains cas, ces unités regroupent des agences localisées dans des agglomérations différentes et si les agences d'une même agglomération dépendent parfois de directions différentes, cette circonstance, qui tient uniquement aux particularités de l'organisation du Crédit Lyonnais, n'est pas de nature à ôter la qualité d'établissement distinct auxdites unités ;
Considérant, en deuxième lieu, que les organisations syndicales requérantes n'établissent pas que des subdivisions de siège central parisien du Crédit Lyonnais, auquel le caractère d'établissement distinct n'a pas été reconnu par les décisions attaquées, disposeraient elles-mêmes de l'autonomie nécessaire pour que cette qualité leur soit reconnue ;
Mais considérant, en troisième lieu, que, pour Paris et la "petite couronne", la qualité d'établissement distinct a été reconnue à l'entité formée par l'ensemble des agences de cette circonscription ; que si cette unité a une implantation géographique distincte du siège et un caractère de stabilité, elle ne constitue pas un centre au sein duquel se prennent les décisions tant en ce qui concerne la gestion du personnel qu'en ce qui a trait à l'exécution du service ; que l'autorité administrative n'était tenue par aucune disposition législative ou réglementaire de faire application des stipulations de la convention collective nationale du personnel des banques et de ses avenants dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'artile L.435-4 précité du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'organisation du Crédit Lyonnais, les organisations requérantes sont fondées à demander l'annulation de la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris en date du 22 février 1984 en tant qu'elle reconnaît le caractère d'établissement distinct à l'ensemble des agences de la circonscription dite de Paris et de la "petite couronne" de la région parisienne, ainsi que de la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en tant qu'elle confirme cette disposition ;
Article 1er : La décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris en date du 22 février 1984, ensemble la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi etde la formation professionnelle, sont annulées en tant qu'elle reconnaissent la qualité d'établissement distinct à l'ensemble des agences de la circonscription dite de Paris et de la "petite couronne" de la région parisienne.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE "CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL" DES PERSONNELS DES SECTEURS FINANCIERS, au COLLECTIF NATIONAL DU "CREDIT LYONNAIS", à la société anonyme Crédit Lyonnais et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.