Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré le 21 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 19 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, sur la demande du centre hospitalier de Lannion, annulé les décisions du préfet, commissaire de la République du département des Côtes-du-Nord en date des 20 décembre 1985, 27 décembre 1985 et 23 janvier 1986 en tant qu'elles ont mis en demeure le centre hospitalier de Lannion de procéder à une modification du tableau des emplois permanents avant le 1er janvier 1988 et réduit de 520 000 F les crédits de rémunération des personnels titulaires pour l'année 1986 ;
2- rejette la demande présentée par le centre hospitalier de Lannion devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, modifiée par la loi du 3 janvier 1984 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tuot, Auditeur,
- les observations de Me Ancel, avocat du Centre hospitalier de Lannion,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes du °2 de l'alinéa 3 de l'article 83 du code des tribunaux administratifs, relatif aux recours et mémoires en défense présentés au nom de l'Etat dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué : "Le préfet présente les observations en défense au recours pour excès de pouvoir introduit contre les décisions prises soit par lui-même, soit par les sous-préfets de son département dans l'exercice de leur pouvoir de tutelle à l'égard des collectivités locales et des établissements publics locaux" ; qu'aux termes de l'article R.106 du même code : "Les demandes présentées contre une décision ( ...) prise pour le compte de l'Etat sont directement communiquées par le tribunal administratif saisi aux ministres intéressés. Toutefois, dans les instances mentionnées à l'alinéa 3 de l'article R.83, les demandes et les différents actes de procédure sont communiqués aux préfets intéressés " ;
Considérant que le centre hospitalier général de Lannion a déféré au tribunal administratif de Rennes trois décisions en date des 20 et 27 décembre 1985 et 23 janvier 1986, prises à son égard par le commissaire de la République du département des Côtes-du-Nord au titre des pouvoirs de tutelle que l'article 22 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière modifiée par la loi du 3 janvier 1984 confère au représentant de l'Etat ; que, contrairement aux prescriptions susrappelées du code des tribunaux administratifs, le tribunal a communiqué la demande du centre hospitaler au MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI et non au commissaire de la République des Côtes-du-Nord, lequel n'a pas été mis à même de présenter des observations en défense ; que, dès lors, le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le centre hospitalier général de Lannion devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière modifiée : "Le conseil d'administration délibère sur : ... 3° le budget ..., 5° le tableau des emplois permanents ... Les délibérations portant sur les matières mentionnées aux °1 à 1°4 ci-dessus sont soumises au représentant de l'Etat en vue de leur approbation. Elles sont réputées approuvées si le représentant de l'Etat n'a pas fait connaître son opposition dans un délai déterminé ..." ; et qu'aux termes du quatrième alinéa du même article : "Le représentant de l'Etat peut supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses s'il estime celles-ci injustifiées ou excessives, compte tenu, d'une part, des possibilités de soins qui répondent aux besoins de la population, d'autre part, d'un taux d'évolution des dépenses hospitalières qui est arrêté ... par les ministres chargés respectivement de l'économie, du budget, de la santé et de la sécurité sociale" ;
Considérant que, par sa délibération du 29 octobre 1985 arrêtant le budget primitif de l'établissement pour 1986, le conseil d'administration du centre hospitalier général de Lannion a décidé, pour tenir compte des gains de productivité résultant de la réalisation de la nouvelle blanchisserie de l'établissement, de réduire les effectifs du personnel affecté à ce service et, à cette fin, a diminué de la somme de 300 000 F, correspondant à la rémunération de trois auxiliaires, les limites budgétaires du compte des personnels temporaires ; que, par sa décision du 20 décembre 1985, confirmée les 27 décembre 1985 et 23 janvier 1986, le commissaire de la République du département des Côtes-du-Nord, estimant tout à la fois que la réalisation de la blanchisserie du centre hospitalier permettait une réduction d'effectifs plus importante et que celle-ci devait se traduire, à terme rapproché, par la suppression d'emplois permanents, a, d'une part, diminué les crédits de personnels temporaires du budget 1986 d'une somme de 520 000 F correspondant à la rémunération de quatre agents et, d'autre part, exigé que quatre postes soient supprimés du tableau des emplois permanents de l'établissement au plus tard le 1er janvier 1988 ;
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les gains de productivité résultant du fonctionnement de la nouvelle blanchisserie de l'hôpital devaient entraîner, en 1986, une réduction des effectifs affectés à ce service supérieure à trois agents ; que, dès lors, en tant qu'elles portent de 300 000 à 520 000 F la diminution des dépenses de rémunération des personnels temporaires au budget 1986 de l'hôpital, les décisions préfectorales attaquées reposent sur une appréciation inexacte des circonstances de fait et sont, par suite, entachées d'illégalité ;
Considérant, d'autre part, que, si les dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1970 modifiée donnent au représentant de l'Etat, en se fondant sur les motifs énoncés audit alinéa, le pouvoir de diminuer les prévisions de dépenses, y compris en ce qui concerne les autorisations de dépenses de la section d'exploitation du budget relatives aux charges de personnels, elles ne permettent pas à l'autorité de tutelle de s'immiscer dans la gestion de l'établissement en décidant des conséquences à tirer, en matière d'emploi, des réductions de crédits de personnel opérées par elle ; que, par suite, les décisions préfectorales attaquées sont entachées d'excès de pouvoir en tant qu'elles exigent du centre hospitalier de Lannion que quatre postes soient supprimés du tableau des emplois permanents au plus tard le 1er janvier 1988 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier général de Lannion est fondé à demander l'annulation des décisions du commissaire de la République du département des Côtes-du-Nord en date des 20 décembre 1985, 27 décembre 1985 et 23 janvier 1986 ;
Article ler : Le jugement du 19 novembre 1986 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet, commissaire de la République du département des Côtes-du-Nord, en date des 20 et 27 décembre 1985 et 23 janvier 1986, relatives au budget primitif du centre hospitalier général de Lannion pour 1986, sont annulées en tant qu'elles portent de 300 000 F à 520 000 F la diminution des crédits de personnels temporaires portés à ce budget et mettent en demeure le centre hospitalier de supprimer quatre postes au tableau des emplois permanents au plus tard le 1er janvier 1988.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au président du conseil d'administration du centre hospitalier général de Lannion, aupréfet, commissaire de la République du département des Côtes-du-Nordet au MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI.