Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré le 30 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 12 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, sur la requête de Mlle Mazouza Y..., annulé l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 août 1981 prononçant l'immatriculation du mineur Sofiane X... comme pupille de l'Etat et l'arrêté du 16 octobre 1981 du préfet des Bouches-du-Rhône décidant de placer ce pupille en vue d'adoption plénière ;
°2) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale, ensemble la loi 84-422 du 6 juin 1984 modifiant ledit code ;
Vu le décret 67-44 du 12 janvier 1967 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tuot, Auditeur,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours :
Considérant que les conclusions de la demande présentée le 3 octobre 1985 par Mlle Mazouza Y... au tribunal administratif de Marseille tendaient à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 12 août 1981 prononçant, sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article 50-°1) du code de la famille et de l'aide sociale, l'immatriculation comme pupille de l'Etat de l'enfant Benoit Z... né le 4 juillet 1981 à Marseille, et, d'autre part, de l'arrêté du même préfet en date du 16 octobre 1981 décidant, par application des dispositions alors applicables des articles 65 et 65-1 du code précité, de placer cet enfant en vue d'adoption ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 12 août 1981 :
Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 61 du code de la famille et de l'aide sociale, dans la rédaction que lui a donnée la loi susvisée du 6 juin 1984 : "L'admission en qualité de pupille de l'Etat peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'une déchéance d'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demandent à un assumer la charge. S'il juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant, le tribunal confie sa garde au demandeur ... ou lui délègue les droits de l'autorité parentale et prononce l'annulation de l'arrêté d'admission" ; qu'il résulte de ces dispositions que, depuis l'entré en vigueur de la loi précitée du 6 juin 1984, le tribunal de grande instance est seul compétent pour connaître des recours formés par les personnes mentionnées par lesdites dispositions contre une décision administrative prononçant l'admission d'un enfant en qualité de pupille de l'Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Mazouza Y... est la soeur de la mère de l'enfant Benoit Z... dont l'arrêté préfectoral du 12 août 1981 a prononcé l'immatriculation comme pupille de l'Etat, et qu'elle a été autorisée par une ordonnance du juge des tutelles de Marseille en date du 24 septembre 1985 à introduire pour le compte de sa soeur un recours contre cet arrêté ; qu'ainsi, elle est au nombre des personnes mentionnées par les dispositions précitées de l'article 61 du code de la famille et de l'aide sociale ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal administratif de Marseille n'était pas compétent pour statuer sur les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté préfectoral du 12 août 1981 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé l'annulation dudit arrêté ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 16 octobre 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté : "La tutelle des pupilles de l'Etat ... est exercée par le préfet", et qu'aux termes de l'article 59 du même code : "Les attributions du tuteur et du conseil de famille sont celles que détermine le code civil ..." ; qu'en vertu de l'article 65 dudit code : "Les pupilles de l'Etat dont l'âge et l'état de santé le permettent doivent être placés pour adoption, sauf lorsque cette mesure ne paraît pas adaptée à la situation de ces enfants" ; que selon l'article 1er du décret susvisé du 12 janvier 1967 : "Le placement d'un pupille de l'Etat en vue de son adoption est effectué par le préfet, tuteur de l'enfant, après autorisation du conseil de famille ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la décision de placer un pupille de l'Etat en vue de son adoption est prise par le préfet au titre de la tutelle légale qu'il exerce sur ce pupille ; que cette attribution relevant essentiellement du code civil, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître des contestations relatives à une telle décision ; qu'il suit de là que le tribunal administratif de Marseille était incompétent pour statuer sur les conclusions de la demande de Mlle Mazouza Y... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 octobre 1981 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de placer en vue d'adoption plénière l'enfant Benoit Z..., pupille de l'Etat, né à Marseille le 4 juillet 1981 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler également le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé l'annulation de ce second arrêté ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 juin 1987 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mlle Mazouza Y... sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et à Mlle Mazouza Y....