Vu le recours sommaire et le mémoire du MINISTRE DES P.T.T enregistrés les 7 mars 1986 et 4 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 24 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a condamné l'Etat à verser 221 000 F à la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) rejette la demande présentée par ladite société devant le tribunal administratif de Basse-Terre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des P.T.T. ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rossi, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Riché, Blondel, Thomas-Raquin, avocat de la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article D. 341 du code des postes et télécommunications relatif aux abonnements téléphoniques : "à défaut de paiement des taxes et redevances dans les délais réglementaires, l'abonnement peut être suspendu d'office" ; qu'il ressort d'autre part de l'article L. 37 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du litige, article qui exonérait l'Etat de toute responsabilité "à raison du service de la correspondance privée sur le réseau des télécommunications" que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée, en ce qui concerne l'usage du pouvoir de suspension de l'abonnement pour non paiement des taxes, que si cet usage a constitué une faute lourde ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'introduction de nouvelles méthodes de facturation des communications téléphoniques dans le département de la Guadeloupe à partir de l'année 1979 s'est traduite jusqu'à l'année 1982 par de nombreuses et importantes erreurs, à tel point que, d'après les propres dires du MINISTRE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS, les factures éditées par des moyens informatiques devaient être corrigées par l'envoi de factures établies manuellement ; que la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort, qui exploite l'hôtel "Frantel" à Gosier soutient même, sans être contredite, que des redevances lui ont été facturées pour des lignes dont elle n'était pas titulaire ; que si la situation semble être rentrée dans l'ordre après le deuxième trimestre de 1982, à partir duquel la société a réglé la totalité des sommes qui lui étaient réclamées, un contentieux subsistait pour la période antérieure ; que l'administration a successivement fixé à 202 317 F puis à 93 704 F et enfin, dans le dernier état de ses écritures d'appel, à 43 558,42 F seulement l'arriré restant dû ;
Considérant qu'en suspendant sans aucun préavis le 27 mars 1984 le fonctionnement des lignes téléphoniques de l'hôtel "Frantel" au seul motif de l'existence d'une créance ancienne et contestée, alors qu'elle était encore dans l'incapacité de déterminer avec précision le montant de cette créance et que par ailleurs la solvabilité de l'abonné était certaine, l'administration des télécommunications a fait un usage abusif des pouvoirs que lui confère l'article D. 341 précité du code des postes et télécommunications ; qu'elle a ainsi commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que toutefois la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort a de son côté méconnu son obligation légale de verser, sauf à les contester par les voies de droit, les sommes qui lui étaient réclamées depuis plusieurs années ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en mettant à la charge de l'Etat les quatre cinquièmes du préjudice subi par la société dont le montant, estimé par les premiers juges à 221 000 F, n'est pas contesté ; que le MINISTRE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS est fondé, dans cette mesure, à demander la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné par le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 24 décembre 1986à verser à la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort est ramenée à 176 800 F.
Article 2 : L'article 1er du jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des postes, des télécommunications et de l'espace et à la société immobilière et hôtelière du Bas-du-Fort.