Vu la requête enregistrée le 18 avril 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS POUR LE DROIT ADMINISTRATIF ET FISCAL (A.S.T.R.A.F.I.), dont le siège est Couloir de la Bibliothèque Palais de Justice, ... et la FEDERATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (F.N.U.J.A.), dont le siège est à la même adresse, représentées par leur Président en exercice, et tendant à ce que que le Conseil d'Etat annule le décret n° 88-154 du 15 février 1988 pris pour l'application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, relatives au recrutement, à la nomination et au reclassement des conseillers du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 83-445 du 2 juin 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Fortunet, Mattei-Dawance, avocat de l'ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS POUR LE DROIT ADMINISTRATIF ET FISCAL (A.S.T.R.A.F.I.) et de la FEDERATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (F.N.U.J.A.),
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de la conférence des bâtonniers :
Considérant que la conférence des bâtonniers a intérêt à l'annulation des dispositions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1987 susvisée dispose : "Jusqu'au 31 décembre 1989, peuvent être nommés dans le corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, aux grades de conseiller de première classe et de conseiller hors classe, en vue d'une première affectation dans les cours administratives d'appel, des fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé et des magistrats de l'ordre judiciaire. Peuvent également, et jusqu'à la même date, être intégrés aux mêmes grades, les agents de la fonction publique territoriale appartenant à un cadre d'emplois de catégorie A ainsi que les agents non titulaires de l'Etat. Les personnes mentionnées au précédent alinéa doivent justifier, au 1er janvier de leur année d'intégration, de dix ans de services effectifs dans un corps de catégorie A ou assimilé, ou dans des fonctions de niveau équivalent, ou, si elles appartiennent à un corps recruté par l'Ecole nationale d'admistration, de six ans de services effectifs dans ce corps. Le recrutement organisé par le présent article est également ouvert aux avocats etaux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ayant exercé leurs fonctions pendant dix ans au moins. Ces nominations sont prononcées par décret du Président de la République, sur proposition d'une commission de sélection ...." ; qu'aux termes de l'article 8 du décret attaqué du 15 février 1988 pris pour l'application de ces dispositions : "Les agents non titulaires de l'Etat, les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sont nommés et rémunérés au premier échelon du grade au titre duquel ils ont été sélectionnés en application de l'article 5 du présent décret. Ils accomplissent un stage d'un an qui comprend, outre la période de formation prévue à l'article 7 ci-dessus, l'exercice effectif des fonctions de conseiller dans une cour administrative d'appel. A l'issue de ce stage, compte tenu de l'avis motivé du président de la cour administrative d'appel dans laquelle ils ont accompli leur stage, ils sont, après avis du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel soit titularisés, soit admis à poursuivre leur stage pour une durée d'une année, ou, sur propositon de ce conseil, licenciés ...." ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aucune disposition du décret susvisé du 2 juin 1983, relatif à la coordination de l'action à l'égard des professions libérales, n'obligeait le gouvernement à recueillir l'avis du délégué interministériel ou du comité interministériel aux professions libérales sur le projet de décret fixant les modalités d'application de l'article 6 précité de la loi du 31 décembre 1987 instituant un recrutement exceptionnel de conseillers des cours administratives d'appel ouvert notamment aux avocats ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que si l'article 6 précité de la loi du 31 décembre 1987 ouvre également aux avocats et aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation le recrutement exceptionnel qu'il prévoit et soumet l'ensemble des candidats qu'il vise à la même procédure de sélection pour une affectation dans les cours administratives d'appel, il n'obligeait pas le gouvernement à retenir pour son application les mêmes modalités de titularisation pour les différentes catégories concernées ; qu'ainsi, en soumettant les conseillers des cours administratrives d'appel recrutés parmi les agents non titulaires de l'Etat, les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation à l'obligation de satisfaire à un stage avant que soit prononcée sur leur titularisation, l'article 8 précité du décret attaqué ne viole pas la loi ;
Considérant, en deuxième lieu, que les fonctionnaires titulaires de l'Etat et de la fonction publique territoriale intégrés dans les cours administratives d'appel sont, du fait de leur statut d'origine, dans une situation différente de celle des agents non titulaires de l'Etat, des avocats et des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; que cette différence est de nature à justifier des modalités de titularisation différentes ; qu'ainsi, le gouvernement n'a pas méconnu le principe de l'égal accès aux fonctions publiques en soumettant les agents non titulaires de l'Etat, les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation à l'obligation d'accomplir un stage avant leur titularisation dans le corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées du décret attaqué ne prévoient de licenciement en fin de stage que sur proposition du conseil supérieur des tribunaux administratifs institué par la loi du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs ; que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions attaquées, en ce qu'elles prévoient notamment un avis motivé du président de la cour administrative d'appel dont relèvent les intéressés, méconnaissent le principe de l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant, enfin, qu'en fixant la durée du stage à au moins un an, y compris la période de formation de six mois au Conseil d'Etat imposée également aux autres conseillers recrutés, le gouvernement n'a pas entaché les dispositions attaquées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS POUR LE DROIT ADMINISTRATIF ET FISCAL (A.S.T.R.A.F.I.) et la FEDERATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (F.N.U.J.A.) ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : L'intervention de la conférence des bâtonniers est admise.
Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS POUR LE DROIT ADMINISTRATIF ET FISCAL (A.S.T.R.A.F.I.) et la FEDERATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (F.N.U.J.A.) est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS POUR LE DROIT ADMINISTRATIF ET FISCAL (A.S.T.R.A.F.I.), à la FEDERATION NATIONALE DES UNIONS DE JEUNES AVOCATS (F.N.U.J.A.), à la conférence des bâtonniers, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et desréformes administratives, au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'intérieur et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.