Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai 1989 et 23 août 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour les LABORATOIRES BIOPHARMACEUTIQUES DE FRANCE, dont le siège est ..., et les LABORATOIRES DELAGRANGE, dont le siège est ... ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêté du 1er mars 1989 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle portant extension de l'accord collectif du travail en date du 31 mai 1988 relatif à la formation initiale des visiteurs médicaux,
2°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat des LABORATOIRES BIOPHARMACEUTIQUES DE FRANCE ET DES LABORATOIRES DELAGRANGE,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 11 juillet 1988 publié au Journal Officiel le 20 juillet 1988, M. X..., directeur des relations du travail, a reçu délégation pour signer, au nom du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle "tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets" ; que, par suite, contrairement à ce que prétendent les laboratoires requérants, M. X... était compétent pour signer l'arrêté attaqué du 1er mars 1989 portant extension de l'accord collectif du 31 mai 1988 relatif à la formation initiale des visiteurs médicaux ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.133-1 du code du travail : "La convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes doivent, pour pouvoir être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée des représentants des organisations syndicales d'employeur et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré" ; et qu'en vertu du second alinéa du même article : "A la demande de l'une des organisations susvisées, ou de sa propre initiative, le ministre peut provoquer la réunion d'une commission mixte, composée comme il est dit à l'alinéa précédent, et présidée par son représentant ..." ; qu'il n'est pas contesté que l'accord étendu par l'arrêté ministériel attaqué avait été négocié et conclu dans les conditions prévues par le premier alinéa précité de l'article L.133-1 du code du travail ; que, par suite, le ministre chargé du travail, avant de prononcer l'extension dudit accord, n'avait pas à provoquer la réunion d'une commission mixte présidée par son représentant ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que, faute de commission mixte, l'arrêté d'extension serait intervenu sur une procédure irrégulière n'est pas fondé ;
Considérant, enfin, que, conformément au premier alinéa de l'article 12 du décret du 28 novembre 1983, et à défaut de dispositions contraires, le quorum applicable aux réunions de la sous-commission des conventions et accords de la commission nationale de la négociation collective est égal à la moitié du nombre des membres titulaires composant ladite sous-commission ; qu'il ressort des pièces du dossier que 12 des 14 membres titulaires de cette sous-commission participaient à la réunion du 7 février 1989 au cours de laquelle, en application des articles L.133-8, L.136-2 et L.136-3 du code du travail, cet organisme a donné un avis sur l'extension de l'accord du 31 mai 1988 relatif à la formation initiale de visiteurs médicaux ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la sous-commission des conventions et accords n'aurait pas régulièrement formulé son avis n'est pas fondé ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant que la légalité d'un arrêté ministériel prononçant l'extension d'un accord collectif du travail est nécessairement subordonnée à la validité des stipulations de cet accord ; que, lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur cette validité, la juridiction administrative compétemment saisie d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté d'extension est tenue, eu égard au caractère de droit privé que présente l'accord collectif du travail, de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cette question préjudicielle ;
Considérant que les requérants soutiennent, en premier lieu que les stipulations combinées des alinéas 1er, 5 et 6 de l'article 6 de l'accord collectif du travail du 31 mai 1988 ne permettent pas de savoir si cet accord est conclu ou non pour une durée déterminée et, par suite, méconnaissent les dispositions des articles L.132-6 et L.132-8 du code du travail, en deuxième lieu que les stipulations du deuxième alinéa de l'article 1er, du cinquième alinéa de l'article 2 et du deuxième alinéa de l'article 3 de l'accord instituent illégalement une réglementation de l'accès à la profession de visiteur médical, en troisième lieu que les stipulations du troisième alinéa de l'article 2 de l'accord interdisent illégalement à un stagiaire de recevoir une rémunération, enfin que les stipulations du quatrième alinéa de l'article 6 de l'accord instituent illégalement un "quota de recrutement" pour l'ensemble de la profession réservé à des candidats ayant suivi la formation prévue par l'accord ; que ces moyens, qui commandent la solution du litige soumis au Conseil d'Etat, soulèvent une contestation sérieuse ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, de surseoir à statuer sur la requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si les stipulations susmentionnées sont légales ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les requêtes des LABORATOIRES BIOPHARMACEUTIQUES DE FRANCE et des LABORATOIRES DELAGRANGE dirigées contre l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 1er mars 1989 jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si les stipulations du deuxième alinéa de l'article 1er, des troisième et cinquième alinéa de l'article 2, du deuxième alinéa de l'article 3 et des premier, quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 6 de l'accord du 31 mai 1988 relatif à la formation initiale des visiteurs médicaux sont légales. Les LABORATOIRES BIOPHARMACEUTIQUES DE FRANCE et LABORATOIRES DELAGRANGE devront justifier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de leur diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux LABORATOIRES BIOPHARMACEUTIQUES DE FRANCE, aux LABORATOIRES DELAGRANGE et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.