Vu le recours présenté pour le ministre de l'équipement, du logement et des transports enregistré le 26 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule, d'une part, le jugement du 22 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a 1) annulé la décision du 6 juillet 1992 du préfet des Yvelines autorisant la Société de l'autoroute Paris-Normandie à réaliser les travaux de construction de l'autoroute A 14 aux abords du domaine national de Saint-Germain-en-Laye 2) condamné l'Etat, pris en la personne du préfet des Yvelines, à verser une somme de 5 000 F à la ville de Saint-Germain-en-Laye et à l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain", d'autre part, le jugement du 16 juillet 1992 par lequel ledit tribunal a 1) avant-dire-droit sur les conclusions tendant à l'annulation de ladite décision, ordonné une visite des lieux 2) rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 8 juillet 1991 ;
2°) ordonne le sursis à exécution du jugement du 22 septembre 1992 ;
3°) condamne la commune de Saint-Germain-en-Laye et l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" à lui payer chacun la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 59-89 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Mattei-Dawance, avocat du ministre de l'équipement du logement et des transports, de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la commune de Saint-Germain-en-Laye et de Me Delvolvé, avocat de la société de l'autoroute Paris-Normandie,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 43 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 que les recours présentés au nom de l'Etat devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux doivent être formés par le ministre intéressé ; qu'au cas où plusieurs ministres ont la qualité de ministre intéressé, le recours peut être présenté par l'un quelconque d'entre eux ; que le ministre de l'équipement a intérêt au maintien des décisions des 8 juillet 1991 et 6 juillet 1992 par lesquelles le préfet des Yvelines a autorisé la Société d'autoroute Paris Normandie (SAPN) à réaliser des travaux de construction de l'autoroute A 14 aux abords du domaine national de Saint-Germain-en-Laye ; que, dès lors, le ministre de l'équipement est recevable à faire appel des jugements des 16 juillet et 22 septembre 1992 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a statué sur les deux décisions précitées ;
Sur la régularité du jugement du 16 juillet 1992 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " ... Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance du jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ; qu'il ressort du dossier qu'aucun représentant de l'Etat n'a été informé que le tribunal administratif de Versailles entendait soulever d'office un moyen tiré du caractère préparatoire de la décision préfectorale du 8 juillet 1991 ; qu'ainsi le jugement en date du 16 juillet 1992 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Saint-Germain-en-Laye et l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" (EPESG) devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
Considérant, d'une part, que si la Société d'autoroute Paris Normandie soutient que le recours devant les premiers juges aurait été tardif, pour avoir été déposé le 23 mars 1992 alors que la décision attaquée du 8 juillet 1991 aurait été communiquée aussitôt au maire, qui est aussi président de l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain", elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort du dossier que le maire de Saint-Germain-en-Laye et le président de l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" étaient dûment habilités et avaient qualité pour agir ;
Considérant, enfin, que la décision du 8 juillet 1991 du préfet des Yvelines donnait l'autorisation à la Société d'autoroute Paris Normandie d'exécuter les travaux autoroutiers du projet A 14 aux abords de la Grande Terrasse, sous la réserve qu'un projet très précis d'aménagement du parc paysager, entre le pied de Terrasse et la Seine, soit soumis à l'architecte des bâtiments de France avant sa réalisation ; que cette autorisation présentait le caractère d'une décision exécutoire pour les travaux autres que ceux relatifs au parc paysager ; qu'ainsi la requête de la commune de Saint-Germain-en-Laye et de l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain", dirigée contre cette décision faisant grief, était recevable ;
Sur la légalité de la décision du 8 juillet 1991 :
Considérant que, si aux termes de l'article 15 du décret du 7 janvier 1959 : "Le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé est prononcé par un décret en Conseil d'Etat ...", ces dispositions sont sans application en l'espèce, les travaux dont il s'agit ne comportant pas de déclassement total ni partiel d'un monument classé ;
Considérant que si la commune de Saint-Germain-en-Laye soutient que la décision du 8 juillet 1991 serait illégale pour avoir été délivrée sans l'autorisation de l'architecte des bâtiments de France, le moyen manque en fait, l'architecte des bâtiments de Fance ayant émis un avis favorable, assorti de réserves, le 1er juillet 1991 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles qui les concernent" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement" ; qu'aucune de ces dispositions ne s'applique à la décision attaquée, qui n'est pas une décision individuelle prise à l'encontre de la commune de Saint-Germain-en-Laye, et qui ne peut être regardée comme dérogeant aux dispositions de la loi du 31 décembre 1913 ;
Considérant que si les requérants soutiennent que le préfet aurait commis une erreur de droit en autorisant les travaux litigieux sans exercer le contrôle qu'il tient de la loi du 31 décembre 1913, le moyen manque en fait ; qu'en effet le préfet a pris sa décision "en application de l'article 13 ter de la loi du 31 décembre 1913 ..." et sur l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France et qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que le préfet n'aurait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation sur la compatibilité du projet A 14 avec l'intérêt général à raison duquel la Grande Terrasse a fait l'objet d'une mesure de classement ;
Considérant que si le projet attaqué ne peut manquer d'avoir des effets sur le site situé dans le champ de visibilité de la Grande Terrasse de Saint-Germain, puisque l'infrastructure autoroutière se situera à une dizaine de mètres au-dessus de l'altitude moyenne de la plaine alluviale, d'importantes mesures ont été prévues pour minimiser les atteintes portées à ce site : pénétration sous la Terrasse en souterrain, tunnel aérien recouvert d'une protection végétale, merlons aménagés, départ du tracé à l'extrémité Nord-Est du monument ... ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de la commission départementale des sites que ces mesures permettront de reporter, "indépendamment de la couverture végétale la perception de l'infrastructure à une distance de 450 m" de la Terrasse ; que, dès lors, les travaux litigieux ne peuvent être regardés comme de nature à porter atteinte à l'intérêt public qui s'attache à la conservation de la Grande Terrasse de Saint-Germain ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Germain-en-Laye et l'association Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée du 8 juillet 1991 ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 22 septembre 1992 :
Considérant que, par décision du 8 juillet 1991, le préfet des Yvelines a autorisé les travaux de construction de l'autoroute A 14, aux abords de la Grande Terrasse de Saint-Germain, exception faite de ceux relatifs aux aménagements paysagers qui lui étaient liés, compte tenu des réserves émises par l'architecte des bâtiments de France ; que, par lettre du 9 juin 1992, celui-ci a donné un avis favorable au projet de parc paysager qui lui avait été soumis par la Société d'autoroute Paris Normandie ; que, dès lors, l'autorisation du 6 juillet 1992 du préfet des Yvelines doit être regardée comme une simple décision confirmative en ce qui concerne les travaux d'infrastructure routière, et comme une décision exécutoire en ce qui concerne les travaux d'aménagements paysagers ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'équipement est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est estimé saisi d'un recours régulier contre la décision du 6 juillet 1992 qui ne lui était pas déférée, et qui a un objet différent de celle du 8 juillet 1991 ; qu'ainsi le jugement du 22 septembre 1992 doit être annulé ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il n'y a pas lieu, dans la présente instance, de condamner la commune de Saint-Germain-en-Laye et l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" à payer chacune au ministre de l'équipement et à la société de l'autoroute de Paris Normandie les sommes qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ; que les dispositions précitées font obstacle à ce que le ministre de l'équipement qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Saint-Germain-en-Laye, à la commune de Mesnil-le-Roi et à l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" la somme qu'elles demandent au même titre que ci-dessus ;
Article 1er : Les jugements du 16 juillet 1992 et du 22 septembre 1992 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.
Article 2 : La demande, présentée par la commune de Saint-Germain-en-Laye et par l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" devant le tribunal administratif de Versailles, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'équipement et de la Société d'autoroute Paris Normandie et les conclusions de la commune de Saint-Germain-en-Laye, de l'association "Ensemble pour l'environnement de Saint-Germain" et de la commune de Mesnil-le-Roi tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Germain-en-Laye, à l'association "Ensemble pour l'environnementde Saint-Germain", à la commune de Mesnil-le-Roi, à la Société d'autoroute Paris Normandie et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.