Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 16 avril 1987 et 10 août 1987, présentés pour M. François X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 janvier 1987 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de l'urbanisme et du logement en date du 6 août 1983 qui a refusé de lui reconnaître la qualification d'architecte et la décision du 6 août 1983 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture ;
Vu le décret n° 78-67 du 16 janvier 1978 pris pour l'application des articles 10, 11 et 38 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture et relatif aux conditions requises pour l'inscription au tableau régional d'architectes ;
Vu la loi n° 81-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laroque, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. François X...,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture : "Sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional d'architectes, les personnes physiques de nationalité française ou ressortissantes d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui jouissent de leurs droits civils, présentent les garanties de moralité nécessaires et remplissent l'une des conditions suivantes : ... 2° être reconnue qualifiée par le ministre chargé de la culture sur présentation de références professionnelles après avis d'une commission nationale, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat" ; qu'en vertu du décret du 16 janvier 1978 pris pour l'application de ce texte, la commission, présidée par le directeur de l'architecture ou son représentant, et composée de trois représentants de l'administration, de deux architectes désignés par le ministre et de deux architectes représentant l'Ordre des architectes examine, en vue de la reconnaissance de la qualification par le ministre, les références professionnelles personnelles des candidats et notamment la qualité architecturale des oeuvres présentées ;
Considérant que le ministre de l'urbanisme et du logement, en dehors de la procédure organisée par les dispositions législatives et réglementaires susmentionnées, a soumis la demande de reconnaissance de qualification présentée au titre de l'article 10-2° de la loi du 3 janvier 1977 par M. X... au Conseil national de l'Ordre des architectes qui a émis un avis défavorable avant l'examen de la même demande par la commission nationale de reconnaissance de qualification ; que cette consultation effectuée en méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires précitées fixant complétement les modalités de la procédure applicable en la matière et qui a d'ailleurs été de nature à exercer une influence sur le sens de l'avis émis par la commission nationale de reconnaissance de qualification puis le sens de la décision du ministre, a entaché celle-ci d'irrégularité ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir, par ce moyen d'appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du ministre de l'urbanisme et du logement rejetant sa demande de reconnaissance de qualification puis son recours gracieux ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 27 janvier 1987 et les décisions du ministre de l'urbanisme et du logement en date des 12 juillet et 6 août 1983 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.