Vu, enregistré le 27 décembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt du 9 décembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur la requête du ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur tendant à l'annulation du jugement du 7 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a relaxé l'entreprise Plubel des fins de la poursuite pour contravention de grande voirie engagée contre elle à raison de la détérioration de cinq câbles aériens, et à la condamnation de cette entreprise au paiement de l'amende prévue par l'article 43 du code des postes et télécommunications et au remboursement à France Télécom de la somme de 4.720,24 F, outre intérêts, correspondant au montant des travaux de réparation des câbles dont s'agit, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Lorsqu'il a été porté atteinte au domaine public confié à France Télécom par l'article 22 de la loi du 2 juillet 1990, l'appel des jugements rendus sur la poursuite pour contravention de grande voirie peut-il être rejeté non seulement par le ministre chargé des télécommunications, mais également par France Télécom en vue du remboursement des sommes engagées pour la remise en état des installations ?
2°) Dans l'affirmative, les conclusions de France Télécom déclarant intervenir à l'appui de l'appel interjeté par le ministre chargé des télécommunications doivent-elles être qualifiées de pourvoi en appel lorsque France Télécom est intervenu en première instance, lors même qu'elles ont été présentées à la suite d'une invitation de la cour ?
3°) Dans l'affirmative le délai d'appel ouvert à France Télécom court-il à compter du jour du jugement, ainsi que le prévoit l'article L. 20 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Aux termes de l'article L. 13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, et son affirmation quand elle est exigée, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal ainsi que de l'affirmation, avec citation à comparaître dans le délai d'un mois devant le tribunal administratif. Il est dressé acte de la notification et de la citation ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré commes les requêtes introductives d'instance". L'article L. 19 du même code dispose : "Le jugement est notifié aux parties, à leur domicile réel, dans la forme administrative par les soins du préfet, sans préjudice du droit de la partie de le faire signifier par acte d'huissier de justice". Enfin, selon l'article L. 20 du même code : "Le délai d'appel est de deux mois. Il court contre l'administration du jour du jugement et, contre la partie poursuivie, du jour de la notification du jugement à cette partie".
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la faculté de faire appel d'un jugement rendu en matière de contravention de grande voirie est réservée, en dehors de la personne poursuivie, à la personne publique qui en application de l'article L. 13 a déclenché les poursuites et à qui, par voie de conséquence, le jugement a été notifié par le tribunal administratif.
Ni le deuxième alinéa de l'article 22 de la loi susvisée du 2 juillet 1990, transférant en pleine propriété à France Télécom l'ensemble des biens immobiliers du domaine public de l'Etat attachés aux services relevant de la direction générale des télécommunications, ni l'article 23 de la même loi précisant que France Télécom dispose d'un domaine public dont le régime est fixé par son cahier des charges, dans le respect des principes généraux de la domanialité publique, ne dérogent aux dispositions précitées du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Par suite, seul le préfet, représentant de l'Etat a qualité pour déclencher les poursuites en cas d'atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public de France Télécom.
Il résulte dès lors des principes généraux gouvernant la procédure devant les juridictions que seuls le ministre chargé des télécommunications ou la personne poursuivie ont qualité pour former appel des jugements rendus dans cette matière. Il suit de là que France Télécom, qui eût été sans qualité pour déclencher ces poursuites en première instance, serait sans qualité pour former appel du jugement intervenu sur la demande du préfet.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nancy, au ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, à France Télécom et à l'entreprise Plubel, et publié au Journal officiel de la République Française.