Vu 1°), sous le n° 132721, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 décembre 1991 et 23 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. Centaure Normandie, dont le siège est Groupama, Cité de l'Agriculture à Boisguillaume (76230), représentée par son représentant légal en exercice domicilié au siège ; la S.A. Centaure Normandie demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 26 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, sur déféré du préfet de l'Eure, annulé le permis de construire que lui a accordé le maire de la COMMUNE DE BOSGOUET par un arrêté du 14 décembre 1990 ;
- rejette le déféré du préfet de l'Eure ;
- condamne l'Etat à lui payer la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 133425, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 janvier 1992 et 27 mai 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Bosgouet, représentée par son maire à ce dûment habilité ; la commune de Bosgouet demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement susanalysé du tribunal administratif de Rouen en date du 26 novembre 1991 ;
- rejette le déféré du préfet de l'Eure ;
- ordonne qu'il soit sursis à l'exécution du jugement litigieux ;
- condamne l'Etat à lui payer, sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 15.000 F ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91 -647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 3I juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Delon, Maître des requêtes,
- les observations de Me Parmentier, avocat de la S.A. Centaure Normandie et de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de la commune de Bosgouet,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la S.A. Centaure Normandie et de la commune de Bosgouet sont dirigées contre un même jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, sur déféré du préfet de l'Eure, l'arrêté en date du 14 décembre 1990 par lequel le maire de la commune de Bosgouet a accordé un permis de construire à la S.A. Centaure Normandie ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par ... le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain (...). Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire" ;
Considérant que la S.A. Centaure Normandie a signé avec la société "L'Autoroute Paris-Normandie" une convention définissant "les conditions dans lesquelles la société "l'Autoroute Paris-Normandie" autorise le preneur à occuper un terrain faisant partie du domaine autoroutier en vue d'y construire, exploiter et entretenir (...) un centre de maîtrise et de contrôle du véhicule" ; qu'il est constant que cette convention a été jointe au dossier de demande de permis de construire déposé par la S.A. Centaure Normandie le 13 décembre 1990 ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux du 14 décembre 1990, sur le motif qu'aucune autorisation habilitant la S.A. Centaure Normandie à occuper le domaine public autoroutier n'accompagnait la demande de permis de construire ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le préfet de l'Eure devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant, en premier lieu, que le préfet de l'Eure soutient que le maire de Bosgouet était incompétent pour délivrer seul le permis litigieux dès lors que le projet de construction était implanté également sur le territoire de la commune voisine de La Trinité de Thouberville ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que seule une partie des pistes s'étendait sur le territoire de cette dernière commune ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la réalisation de tels ouvrages à l'octroi d'un permis de construire ; que, dès lors, le maire de Bosgouet était compétent pour autoriser l'édification du bâtiment projeté sur territoire de sa commune ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, que le projet autorisé par l'arrêté litigieux figure en zone NAr du plan d'occupation des sols de la commune de Bosgouet ; qu'aux termes du règlement annexé audit plan d'occupation des sols, cette zone est "constituée par l'emprise autoroutière, et réservée à l'exploitation et aux activités liées à l'autoroute" et que seules y sont autorisées "les constructions et les occupations du sol liées directement à l'exploitation et à l'activité autoroutières (...)" ; que si le projet de la S.A. Centaure Normandie, qui a pour objet l'aménagement d'un site en vue de l'organisation de stages de sensibilisation et de formation à la sécurité routière, n'est pas lié exclusivement à l'activité autoroutière, il ne saurait pour autant être regardé comme n'étant pas lié directement à cette activité ; que, par suite, le moyen tiré d'une violation des dispositions relatives à la zone NAr du plan d'occupation des sols doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si le préfet de l'Eure fait valoir que le permis de construire en question méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111 du code de l'urbanisme en tant qu'il a autorisé le raccordement du centre de conduite automobile de la S.A. Centaure Normandie à un accès de service à la route nationale voisine pour lequel aucune permission de voirie n'avait été accordée, le maire de la commune de Bosgouet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le terrain aurait un accès direct à l'autoroute, répondant à sa destination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. Centaure Normandie et la commune de Bosgouet sont fondées à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du maire de Bosgouet du 14 décembre 1990 et que le déféré du préfet de l'Eure doit être rejeté ;
Sur les conclusions de la S.A. Centaure Normandie et de la commune de Bosgouet tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la S.A. Centaure Normandie et à la commune de Bosgouet les sommes qu'elles demandent au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 26 novembre 1991 est annulé.
Article 2 : Le déféré du préfet de l'Eure du 23 janvier 1991 est rejeté.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la S.A. Centaure Normandie et de la commune de Bosgouet est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bosgouet, à la S.A. Centaure Normandie, au préfet de l'Eure et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.