Vu, 1°) sous le n° 130 382, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 octobre 1991 et 19 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat viticole de Pessac-Léognan, dont le siège est à la mairie de Léognan (Gironde), l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, dont le siège est ..., M. André X..., demeurant ..., M. Dominique X..., demeurant ... (Gironde), M. Antony Y... demeurant ... et M. Charles Z..., demeurant à Léognan ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement n° 890 et 891-89 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 juillet 1991 en tant que le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 1989 par lequel le préfet de la Gironde a accordé au département de la Gironde le permis de construire un bâtiment d'accueil sur le territoire de la commune de Martillac ;
- d'annuler cet arrêté ;
- de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 2°) sous le n° 130 383, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 octobre 1991 et 19 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat viticole de Pessac-Léognan, l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, M. André X..., M. Dominique X..., M. Antony Y... et M. Charles Z... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement n° 892 et 893-89 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 juillet 1991 en tant que le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 1989 par lequel le préfet de la Gironde a accordé au département de la Gironde le permis de construire un bâtiment à usage de laboratoire sur le territoire de la commune de Martillac ;
- d'annuler cet arrêté ;
- de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pécresse, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat du syndicat viticole de Pessac-Léognan et autres et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département de la Gironde,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes du syndicat viticole de Pessac-Léognan, de l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, de M. André X..., de M. Dominique X..., de M. Antony Y... et de M. Charles Z... sont dirigées contre deux arrêtés du préfet de la Gironde en date des 28 février et 9 mars 1989 accordant au département de la Gironde des permis de construire sur des terrains situés à Martillac ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que M. André X..., M. Dominique X..., M. Antony Y... et M. Charles Z..., qui sont propriétaires de parcelles situées à proximité des terrains d'assiette des constructions autorisées, d'une part, et le syndicat viticole de Pessac-Léognan et l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, dont l'objet statutaire est, notamment, d'assurer la protection de terrains à vocation viticole d'autre part, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation des arrêtés des 28 février et 9 mars 1989 ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par les requérants à l'encontre de ces arrêtés ; que, par suite, l'article 2 de chacun des jugements attaqués doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire sur ce point et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.311-4 du code de l'urbanisme : "Il est établi, dans chaque zone d'aménagement concerté, un plan d'aménagement de zone compatible avec les orientations du schéma directeur, s'il en existe un" ;
Considérant que, par une décision du 22 juillet 1992, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêté du commissaire de la République du département de la Gironde en date du 24 avril 1987 approuvant une modification du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de l'agglomération bordelaise, laquelle avait pour objet de classer en zone "à fonction dominante technopole" des terrains classés auparavant en zone agricole ou sylvicole ; que cette annulation a eu pour effet de remettre rétroactivement en vigueur les dispositions du schéma directeur dans leur rédaction antérieure à l'arrêté du 24 avril 1987 ; que le plan d'aménagement de la première zone d'aménagement concerté de "Bordeaux-Technopolis", approuvé par le préfet de la Gironde le 31 janvier 1989, prévoit que des terrains classés par le schéma directeur en zone agricole ou sylvicole doivent faire l'objet d'aménagements et d'équipements destinés à l'exercice d'activités tertiaires ; qu'ainsi, il n'est pas compatible avec les orientations définies par le schéma directeur ; que l'illégalité des dispositions du plan d'aménagement de zone, qui ont eu pour objet de rendre possible l'octroi des permis de construire sollicités par le département de la Gironde, entache la légalité de ceux-ci ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués au soutien des présents pourvois, les requérants sont fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde en date des 28 février et 9 mars 1989 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que, d'une part, ces dispositions font obstacle à ce que les requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser au département de la Gironde la somme que celui-ci demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le département, sur le fondement des prescriptions précitées, à payer aux requérants une somme globale de 10 000 F ;
Article 1er : L'article 2 des jugements n° 890 et 891-89 et n° 892 et 893-89 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 juillet 1991 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Gironde en date des 28 février et 9 mars 1989 sont annulés.
Article 3 : Le département de la Gironde est condamné à verser une somme globale de 10 000 F au syndicat viticole de Pessac-Léognan, à l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, à M. André X..., à M. Dominique X..., à M. Antony Y... et à M. Charles Z....
Article 4 : Les conclusions du département de la Gironde tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat viticole de Pessac-Léognan, à l'association pour la sauvegarde des Graves de Bordeaux, à M. André X..., à M. Dominique X..., à M. Antony Y..., à M. Charles Z..., au département de la Gironde et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.