Vu, enregistré le 11 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 28 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice, avant de statuer sur la demande de la Polyclinique "Les Fleurs" tendant à l'annulation d'un arrêté du 10 juillet 1993 du préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur refusant d'enregistrer la déclaration souscrite par ladite société en application de l'article 24 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 et de la décision implicite du ministre délégué à la santé rejetant son recours hiérarchique a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) doit-on considérer comme illégales au regard des dispositions de l'article 24 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 qui prévoient que les établissements de santé qui, antérieurement à la publication de ladite loi, comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation sont autorisés à poursuivre cette activité à condition d'en faire la déclaration au représentant de l'Etat,
- d'une part, les dispositions de l'article 2 du décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 en tant qu'elles donnent au préfet de région recevant la déclaration souscrite par un établissement de santé le pouvoir d'apprécier la consistance et l'activité de la structure concernée et de préciser dans le récépissé de la déclaration la capacité retenue exprimée en nombre de places,
- d'autre part, celles de l'article 2 de l'arrêté du 12 novembre 1992, relatif aux modalités et au contenu de la déclaration, en tant qu'elles prévoient que le préfet de région apprécie pour chaque structure sa consistance et son activité au regard notamment de l'existence d'une activité minimale appréciée sur les trois derniers mois de l'année 1991 ;
2°) dans l'affirmative, les dispositions de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991 ont-elles donné compétence au préfet de région pour vérifier lors de la délivrance du récépissé l'existence avant le 2 août 1991 ainsi que la capacité des structures de soins alternatives à l'hospitalisation faisant l'objet d'une déclaration ;
3°) dans l'affirmative, le préfet de région est-il tenu, dans l'appréciation de la capacité des structures faisant l'objet d'une déclaration, par les conventions passées avec les organismes de sécurité sociale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 modifiée ;
Vu le décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 ;
Vu l'arrêté du 12 novembre 1992 du ministre de la santé et de l'action humanitaire relatif aux modalités et au contenu de la déclaration prévue à l'article 24 de la loi n° 91-748 modifiée portant réforme hospitalière ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chauvaux, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Aux termes de l'article 24 modifié de la loi susvisée du 31 juillet 1991 : "Les établissements, publics ou privés, de santé qui, antérieurement à la date de promulgation de la présente loi, comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L. 712-2 du code de la santé publique, sont autorisés à poursuivre cette activité, à condition d'en faire la déclaration au représentant de l'Etat et de respecter, dans un délai fixé par décret, les conditions techniques prévues au 3°) de l'article L. 712-9 dudit code ..."L'article 2 du décret susvisé du 2 octobre 1992 dispose que la déclaration doit être déposée auprès du préfet de région. Il prévoit qu'un arrêté du ministre de la santé définira les modalités et le contenu de la déclaration, où devront figurer les informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure de soins à la date de publication de la loi du 31 juillet 1991. Il précise enfin que le préfet de région délivre un récépissé du dépôt de la déclaration, qui vaut autorisation de poursuite d'activité de la structure et qui précise la capacité retenue exprimée en nombre de places.
L'arrêté susvisé du 12 novembre 1992 fixe, par son article 1er, le contenu de la déclaration. Son article 2 énonce, pour chaque catégorie de structures de soins, des critères au vu desquels le préfet de région apprécie la consistance et l'activité de la structure déclarée. Son article 3 prévoit que l'exactitude des informations contenues dans les déclarations peut être vérifiée par des demandes de renseignements complémentaires écrites ou par des visites effectuées sur place.
1°) Il résulte des termes mêmes de l'article 24 précité de la loi du 31 juillet 1991 que la déclaration qu'il prévoit ne peut être valablement souscrite que par les établissements de santé qui comportaient une structure de soins alternative à l'hospitalisation à la date de promulgation de ladite loi. Dès lors, si l'autorité administrative recevant la déclaration présentée par un établissement de santé ne saurait s'opposer à la poursuite de l'activité déclarée pour des motifs d'opportunité, il lui appartient nécessairement de s'assurer, préalablement à la délivrance du récépissé, que l'établissement déclarant peut être regardé comme ayant comporté, le 31 juillet 1991, une structure de soins alternative à l'hospitalisation au sens des articles L. 712-2 et R. 712-2-1 du code de la santé publique.
Par ailleurs, en prévoyant que la poursuite de l'activité de la structure déclarée est autorisée, le législateur a entendu permettre la poursuite de cette activité à son niveau antérieur, son développement étant en revanche soumis à autorisation. Il appartient dès lors à l'administration de constater, au vu des éléments déclarés, la capacité de la structure au 31 juillet 1991, exprimée en nombre de places conformément aux dispositions de l'article R. 712-2-3 du code de la santé publique.
Il résulte de ce qui précède que le Gouvernement n'a pas méconnu les dispositions de la loi en prévoyant à l'article 2 du décret susvisé du 2 octobre 1992 que la déclaration doit contenir des informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure concernée, et que le récépissé mentionne la capacité retenue exprimée en nombre de places.
2°) L'article 2 du décret du 2 octobre 1992 habilitait le ministre chargé de la santé à définir par arrêté "les modalités et le contenu" de la déclaration prévue par l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991. En édictant, à l'article 2 de l'arrêté du 12 novembre 1992, des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et de l'activité des structures déclarées, le ministre de la santé et de l'action humanitaire a excédé les limites de cette habilitation. Aucune autre disposition législative ou réglementaire ne lui conférait le pouvoir de fixer de telles conditions. Dès lors, l'article 2 de l'arrêté est illégal comme émanant d'une autorité incompétente.
3°) Afin de déterminer si l'établissement déclarant comportait une structure de soins alternative à l'hospitalisation le 31 juillet 1991, le préfet de région doit procéder à la qualification juridique des faits déclarés. Il doit également vérifier l'exactitude matérielle de ces faits dans les conditions qui ont été définies par l'article 3 de l'arrêté susvisé du 12 novembre 1992, qui n'est contraire ni aux dispositions de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991 ni à celles de l'article 2 du décret du 2 octobre 1992.
4°) Pour déterminer l'activité de la structure déclarée, le préfet de région doit se fonder sur le volume des prestations dispensées par cette structure antérieurement à la promulgation de la loi du 31 juillet 1991, alors même que ce volume ne correspondrait pas à la capacité mentionnée dans une convention conclue entre l'établissement et un organisme de sécurité sociale en application de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nice, à la Polyclinique "Les Fleurs" et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.