Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 février 1994 et 29 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Hichem X... demeurant ... ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er décembre 1993 par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière " ... 5°) L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ..." ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 372 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi 93-22 du 8 janvier 1993, l'autorité parentale est "exercée en commun si les parents d'un enfant naturel, l'ayant tous deux reconnu avant qu'il ait atteint l'âge d'un an, vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance" ; que, d'autre part, l'article 46 de cette même loi dispose "Par dérogation à l'article 372 du code civil, le parent d'un enfant naturel reconnu avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, par ses père et mère, avant qu'il ait atteint l'âge d'un an et si ces derniers vivaient en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance, conservera l'exercice exclusif de l'autorité parentale si, à cette date, il exerce seul cette autorité et si l'enfant réside habituellement chez lui seul. Les décisions de justice ayant statué sur l'exercice de l'autorité parentale conservent leur plein effet nonobstant les dispositions du présent chapitre" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'exercice de l'autorité parentale sur un enfant naturel reconnu par ses père et mère avant qu'il ait atteint l'âge d'un an n'a pas été fixé judiciairement avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993, cette autorité est exercée conjointement de plein droit lorsqu'à l'entrée en vigueur de cette loi, l'enfant et ses deux parents l'ayant reconnu résidaient habituellement ensemble ;
Considérant qu'il ressort de la copie de l'acte de naissance produite au dossier de Jordan Othmani, né le 10 août 1991 à Paris, que son père Hichem X..., de nationalité tunisienne et sa mère Dany Freullet née à Dieppe, tous deux domiciliés à l'époque ... l'avaient reconnu le 15 juillet 1991 à la mairie du 16ème arrondissement ; qu'il ressort des autres pièces produites au dossier, qu'après sa naissance le jeune Jordan a résidé habituellement chez ses deux parents qui, depuis l'été 1992, étaient domiciliés ... (11ème) et ont d'ailleurs déposé un dossier de mariage à la mairie du 11ème arrondissement à l'automne 1993 ; qu'ainsi, à la date du 1er décembre 1993 à laquelle le préfet de police de Paris a décidé la reconduite à la frontière deM. Hichem X..., l'autorité parentale sur le jeune Jordan X... était légalement exercée en commun par ses deux parents par application des dispositions législatives précitées et, que par suite, la déclaration d'exercice en commun de cette autorité que ceux-ci ont cru devoir souscrire devant le juge des tutelles le 19 janvier 1994 n'a pu avoir qu'un effet purement confirmatif de la situation juridique existant depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Hichem X... est fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 1er décembre 1993 est entaché de violation des dispositions précitées de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et, par suite, à en demander l'annulation ainsi que du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 3 décembre 1993, ensemble l'arrêté du préfet de police de Paris en date du 1er décembre 1993 décidant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Hichem X..., au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.