Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 février 1992, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme X..., la décision en date du 21 mars 1988 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe a rejeté sa réclamation à l'encontre des opérations de remembrement de la commune des Aulneaux (Sarthe) ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Faure, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21 du code rural : "Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs visés à l'article 25 du présent code, et compte tenu des servitudes maintenues ou créées" ; qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : "Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. Il peut toutefois être dérogé, dans les limites qu'aura fixées la commission départementale pour chaque région agricole du département, à l'obligation d'assurer l'équivalence par nature de culture" ; qu'aux termes enfin du sixième alinéa : "La commission départementale détermine, à cet effet : 1°) après avis de la chambre d'agriculture, des tolérances exprimées en pourcentage des apports de chaque propriétaire dans les différentes natures de culture et ne pouvant excéder 20% de la valeur des apports d'un même propriétaire dans chacune d'elles ; 2°) une surface en deçà de laquelle les apports d'un propriétaire pourront être compensés par des attributions dans une nature de culture différente et qui ne peut excéder 50 ares évalués en polyculture, ou 1% de la surface minimum d'installation si celle-ci est supérieure à 50 hectares" ;
Considérant que, par une décision en date du 4 juin 1985 régulièrement publiée, la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe a fait application des dispositions susrappelées des 1° et 2° de l'article 21, alinéa 6 du code rural ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision en date du 21 mars 1988 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe rejetant la réclamation formée par Mme X... à l'encontre de la décision de la commission communale ; que le tribunal s'est fondé sur un motif tiré de ce que si le déficit en valeur de productivité réelle dans la catégorie "terres", que présentait le compte de Mme X..., était compensé par un excédent dans la catégorie "prés" et était inférieur à la marge de tolérance de 20% déterminée par la commission départementale en application du 1° du sixième alinéa précité de l'article 21 du code rural, la perte de superficie qui s'en était suivie dans la catégorie "terres" excédait en revanche la surface déterminée en application du 2° du même alinéa du même article ;
Mais considérant que les dispositions figurant respectivement au 1° et au 2° du sixième alinéa de l'article 21 du code rural ne s'appliquent pas de façon cumulative à un même compte ; que, notamment le 2° de l'article 21, alinéa 6, du code rural ne s'applique que dans l'hypothèse où les apports d'un propriétaire, dans une nature de culture, sont d'une superficie inférieure à la surface déterminée par la commission départementale et qui ne peut excéder 50 ares ou 1% de la surface minimum d'installation si celle-ci est supérieure à 50 ha ; que ces dispositions du 2° du sixième alinéa de l'article 21 n'étaient dès lors pas applicables aux apports de Mme X..., qui dans l'une comme dans l'autre catégorie de culture excédaient la surface déterminée par la commission départementale ;
Considérant, par ailleurs, qu'il est constant que le déficit en valeur deproductivité réelle du compte de Mme X... dans la catégorie "terres" et compensé par un excédent en valeur de productivité réelle dans la catégorie "prés" était inférieur à la marge de tolérance de 20% déterminée par la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe en application du 1° de l'article 21, sixième alinéa, du code rural ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le fait que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe avait méconnu le 2° de l'article 21, alinéa 6, du code rural pour annuler sa décision du 21 mars 1988 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Considérant que, si Mme X... soutient que la soulte de 2 000 F qui lui a été attribuée par la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe en réparation de la perte de 18 pommiers est insuffisante, elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de nature à permettre au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé ; que, si elle soutient que les parcelles A 145 et A 461, lui appartenant en propre, et A 157, appartenant à l'indivision X..., auraient dû lui être réattribuées, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces parcelles relèvent de l'une quelconque des catégories de terrains qui doivent être réattribués à leur propriétaire en application de l'article 20 du code rural ; que la circonstance que ces terres jouxteraient une parcelle récemment acquise est, en tout état de cause, sans incidence à cet égard ; qu'enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que l'attribution de terrains situés en bordure de rivière ait aggravé les conditions d'exploitation de la propriété ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe du 21 mars 1988 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 5 décembre 1991 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.