Vu 1°), sous le n° 148 964, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 28 septembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département de l'Aveyron, dont le siège est sis à l'Hôtel du Département place Charles de Gaulle BP 724 à Rodez cedex (12007) ; le département de l'Aveyron demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 16 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 octobre 1990 par laquelle le président du conseil général de l'Aveyron a passé un marché de fournitures et de services avec la société Jean-Claude Decaux ;
- rejette la demande présentée par la société anonyme Aubettes devant le tribunal administratif de Toulouse ;
- ordonne qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu 2°), sous le n° 149 403, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin 1993 et 25 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Jean-Claude Decaux dont le siège est à Sainte-Appolline à Plaisir cedex (78373) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux dûment habilités et domiciliés audit siège ; la société Jean-Claude Decaux demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 16 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 octobre 1990 par laquelle le président du conseil général de l'Aveyron a passé un marché de fournitures et de services avec la société Jean-Claude Decaux ;
- rejette la demande présentée par la société anonyme Aubettes devant le tribunal administratif de Toulouse ;
- ordonne qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
- condamne la société Aubettes à lui verser la somme de 14 232 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 79-1190 du 29 décembre 1979 ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat du département de l'Aveyron et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Jean-Claude Decaux,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du département de l'Aveyron et de la société Jean-Claude Decaux sont dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 16 avril 1993 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la société anonyme Aubettes a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le président du conseil général de l'Aveyron a décidé de passer avec la société Jean-Claude Decaux un marché portant sur la fourniture, l'installation et l'entretien de cent abris en bois et de sept "bornes d'entrée" du département, ainsi que sur la réalisation de campagnes annuelles de communication ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, d'une part, que la décision attaquée, qui constitue un acte détachable du contrat passé par le département de l'Aveyron et la société Jean-Claude Decaux, est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant, d'autre part, que, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres restreint, la société anonyme Aubettes a présenté sa candidature à la suite de l'avis d'appel de candidatures publié au "bulletin officiel des annonces des marchés publics" du 29 mai 1990, et a été avisée par courrier du 13 juillet 1990 qu'elle figurait sur la liste des candidats admis à présenter des offres ; que, dans ces conditions et bien qu'elle se soit abstenue de transmettre une offre, la société justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision susvisée par laquelle le président du conseil général de l'Aveyron a décidé de passer avec la société Jean-Claude Decaux le marché dont s'agit ;
Considérant, dès lors, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la demande présentée par la société anonyme Aubettes devant le tribunal administratif de Toulouse était irrecevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 272 du code des marchés publics relatif aux marchés passés au compte des collectivités locales dans sa rédaction alors en vigueur : "Les prestations qui font l'objet des marchés doivent être déterminées dans leur consistance et leurs spécifications avant tout appel à la concurrence ou négociation" ; que l'article 273 du même code dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : "Certains marchés peuvent ne fixer que le minimum et le maximum des prestations, arrêtées en valeur ou en quantité, susceptibles d'être commandées au cours d'une période déterminée n'excédant pas celle d'utilisation des crédits budgétaires, les quantités des prestations à exécuter étant précisées, pour chaque commande, par la collectivité ou l'établissement contractant en fonction des besoins à satisfaire. Ces marchés, dits "marchés à commande", doivent indiquer la durée pour laquelle ils sont conclus. Ils peuvent comporter une clause de tacite reconduction sans toutefois que la durée totale du contrat puisse excéder cinq années. - La collectivité ou l'établissement contractant peut aussi passer des marchés par lesquels il s'engage à confier à un entrepreneur ou fournisseur, pour cinq ans au plus, l'exécution de tout ou partie de certaines catégories de prestations suivant commandes faites au fur et à mesure des besoins. Si ces marchés, dits "de clientèle", le prévoient expressément, et à des dates fixées par eux, chacune des parties contractantes a la faculté de demander qu'il soit procédé à une révision des conditions du marché et de dénoncer le marché au cas où un accord n'intervient pas sur cette révision";
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du règlement particulier de l'appel d'offres lancé par le département de l'Aveyron ainsi que des stipulations du cahier des clauses techniques particulières qui composaient le dossier de consultation des entreprises que le marché dont la signature est contestée, a pour objet la fourniture, l'installation et l'entretien de cent abris pour voyageurs, la conception et l'installation de sept bornes indiquant l'entrée dans le département, ainsi que la conception et la réalisation de dix campagnes annuelles comportant chacune la pose d'une affiche dans chacun des abris installés ;
Considérant que les stipulations relatives aux campagnes annuelles d'informations prévoient notamment qu'une négociation préalable interviendra entre les contractants avant la mise en oeuvre de chaque campagne pour la conception des affiches et que le département de l'Aveyron se réserve le droit, pendant la durée du contrat, de faire appel pour cinq campagnes annuelles au maximum à une agence de son choix et de demander à la société Jean-Claude Decaux "la conception, la réalisation et la pose de campagnes supplémentaires" ; que, dans ces conditions, le marché litigieux nécessite une définition périodique de ses modalités d'exécution en fonction des besoins exprimés par le département ; que, dès lors, ces stipulations, qui ne sont pas divisibles des autres stipulations du contrat, relèvent des dispositions de l'article 273 du code des marchés publics relatif aux marchés de clientèle ; que, par suite, l'exécution d'un tel marché ne pouvait légalement s'étendre sur une durée supérieure à cinq ans ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de l'Aveyron et la société Jean-Claude Decaux ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement en date du 16 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision attaquée du président du conseil général de l'Aveyron ;
Sur les conclusions de la société Jean-Claude Decaux tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société anonyme Aubettes, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Jean-Claude Decaux la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes susvisées du département de l'Aveyron et de la société Jean-Claude Decaux sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de l'Aveyron, à la société Jean-Claude Decaux, à la société anonyme Aubettes et au ministre de l'intérieur.