Vu 1°), sous le n° 159904, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 juillet 1994, présentée pour le Collectif national Kiné-France dont le siège est ... ; le Collectif national Kiné-France demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 17 mai 1994 portant approbation de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes ;
Vu 2°), sous le n° 160095, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juillet 1994, présentée pour le syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs, dont le siège est ... ; le syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs demande :
- l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 17 mai 1994 portant approbation de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes ;
- la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 23 720 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Fombeur, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat du Collectif national Kiné-France, de Me Ricard, avocat du syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs et de Me Goutet, avocat de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du Collectif national Kiné-France et du syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs sont dirigées contre un même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité des requêtes :
Considérant, en premier lieu que, conformément aux statuts de l'association Collectif national Kiné-France, l'assemblée générale de cette association a, par une délibération du 17 mai 1994, autorisé le président de ladite association à introduire la présente instance ;
Considérant, en second lieu, que, conformément aux statuts du syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs, l'assemblée générale de ce syndicat a, lors de son congrès des 25, 26 et 27 novembre 1994, autorisé le président dudit syndicat à introduire la présente instance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie n'est pas fondé à soutenir que les organes compétents de l'association et du syndicat requérants n'auraient pas décidé de demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Sur l'intervention de la Fédération française des masseurs-kynésithérapeutes-rééducateurs :
Considérant que la Fédération française des masseurs-kynésithérapeutes-rééducateurs a intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'aini son intervention est recevable ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi détermine les principes fondamentaux ... de la sécurité sociale" et qu'aux termes de l'article L.162-9 du code de la sécurité sociale : "Les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et ... les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions ... Ces conventions déterminent : 1° les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles ... des auxiliaires médicaux ; 2° les tarifs des honoraires et frais accessoires dus aux ... auxiliaires médicaux en dehors des cas de dépassement autorisés par la convention. Elles n'entrent en vigueur, lors de leur conclusion ou lors de leur tacite reconduction, qu'après approbation par arrêtés interministériels ..." ;
Considérant que la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, conclue le 3 février 1994 et approuvée par un arrêté interministériel du 17 mai 1994, institue dans son titre III un "plafond d'efficience compatible avec la qualité des soins" qui "correspond à l'ensemble des actes inscrits à la N.G.A.P. exprimés en coefficients effectués par un masseur kinésithérapeute et/ou par son remplaçant, remboursés par l'assurance maladie au cours de l'année considérée", qui "constitue un engagement des professionnels à maintenir leur activité dans des conditions compatibles avec la distribution de soins de qualité" et dont le dépassement peut entraîner pour l'intéressé la suspension de son conventionnement ainsi que de la participation des caisses au financement de ses cotisations sociales ; que ces stipulations, qui instituent un principe de limitation quantitative des actes que les masseurs-kinésithérapeutes peuvent pratiquer dans le cadre conventionnel prévu par les dispositions précitées de l'article L.162-9 du code de la sécurité sociale, touchent aux principes fondamentaux de la sécurité sociale dont les dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution réservent à la loi la détermination ;
Considérant que si ces dispositions de la Constitution n'interdisaient pas aux parties de signer, comme elles l'ont fait, une convention contenant de telles stipulations dès lors que celles-ci étaient assorties de la mention qu'elles n'entreraient en vigueur que "... sous réserve des mesures législatives ... nécessaires", ces mêmes dispositions faisaient en revanche obstacle à ce que ces stipulations puissent être légalement approuvées antérieurement à l'intervention du législateur par l'autorité ministérielle chargée de l'approbation de la convention, autorité à laquelle il appartient de vérifier que toutes les conditions légales de son approbation sont réunies ; qu'il en résulte que, quelles que soient les mesures prises par le législateur postérieurement à l'arrêté d'approbation, ces stipulations ont été approuvées en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution ; qu'étant indivisibles des autres stipulations de la convention, elles rendent illégal, dans sa totalité, l'arrêté qui a approuvé ladite convention ; que les requérants sont dès lors fondés à demander l'annulation de l'arrêté interministériel du 17 mai 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer au syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs une somme limitée à 15 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs est admise.
Article 2 : L'arrêté interministériel du 17 mai 1994 portant approbation de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes est annulé.
Article 3 : L'Etat versera au syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Collectif national Kiné-France, au syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs, à la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs, au ministre du travail et des affaires sociales, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.