Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 1994 et 4 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Edmond X..., demeurant ... ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 16 septembre 1994 par lequel le préfet de police de Paris a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'appui de son appel du jugement par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 16 septembre 1994, M. X... s'est, dans le délai d'appel, prévalu de l'atteinte à sa vie familiale portée par cet arrêté ; que, dès lors, la fin de non recevoir tirée du défaut de motivation de la requête, soulevée par le préfet de police ne saurait être accueillie ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière : "5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant française résidant en France à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ..." ; que, d'autre part, l'article 372 du code civil prévoit que l'autorité parentale est "exercée en commun si les parents d'un enfant naturel, l'ayant tous deux reconnu avant qu'il ait atteint l'âge d'un an vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance" ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal, produit devant le Conseil d'Etat, signé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles le 9 mai 1995 que M. X..., de nationalité congolaise est père d'une enfant née à Trappes le 2 août 1994 dont la mère, née à Paris, l'a reconnue, concomitamment avec M. X... le 20 janvier 1994 ; qu'il n'est pas contesté qu'à cette dernière date M. X... et la mère de l'enfant vivaient déjà en commun ; qu'ainsi, par application de l'article 372 précité du code civil, M. X... exerçait de plein droit, en commun avec sa concubine, l'autorité parentale sur leur fille depuis la naissance de cette dernière et que la déclaration d'exercice en commun de cette autorité qu'ils ont cru devoir souscrire devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles le 9 mai 1995 n'a pu avoir qu'un effet purement confirmatif de la situation juridique antérieure ; qu'il suit de là qu'en décidant le 16 septembre 1994 la reconduite à la frontière de M. X..., le préfet de police a méconnu les dispositions précitées du 5° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 4 octobre 1994, ensemble l'arrêté du 16 septembre 1994 par lequel le préfet de police de Paris a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Edmond X..., au préfet de police de Paris et au ministre de l'intérieur.