Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 août 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 24 août 1993 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Hicham X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier, d'où il résulte que M. X..., à qui la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME a été communiquée, n'a pas produit d'observations ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à la date du 24 août 1993, à laquelle le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a pris un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. X... : "I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins que sa situation ait été régularisée postérieurement à son entrée" ;
Considérant que si, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : " ... La carte de séjour peut provisoirement être remplacée par le récépissé de la demande de délivrance ou de renouvellement de ladite carte", ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de subordonner la légalité d'un arrêté de reconduite à la frontière pris sur le fondement du 1° précité du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 à l'examen préalable de la demande de titre de séjour que l'étranger a pu présenter alors qu'il se trouvait en situation irrégulière au regard des dispositions relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; que, dans ces conditions, la circonstance que M. X..., ressortissant marocain entré en France sous couvert d'un passeport non revêtu d'un visa, se soit, à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 17 juin 1993, présenté le 24 août 1993 à la préfecture de la Seine-Maritime pour y formuler une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'obligeait pas le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 24 août 1993 décidant la reconduite à la frontière de M. X... au motif que cet arrêté aurait méconnu les dispositions des articles 6 et 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif du litige, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il vit maritalement avec une ressortissante française, depuis son entrée en France en août 1992, avec laquelle il s'est marié le 17 juin 1993, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de M. X... et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 24 août 1993 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu lesstipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 27 août 1993 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... au tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. X... et au ministre de l'intérieur.