Vu la requête, enregistrée le 21 août 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raymond Y..., demeurant ... et par M. Jean-Paul X..., demeurant ... ; M. Y... et M. X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 18 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des délibérations des 26 octobre et 12 décembre 1984 du conseil municipal de Lauterbourg relatives à la prise en charge par la commune du déficit du compte d'exploitation de la Société d'économie mixte de construction d'Alsace (SEMICAL) ;
2°) annule ces délibérations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du8 février 1995 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Boulard, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que MM. Y... et X... avaient intérêt, en leur qualité de membres du conseil municipal de Lauterbourg (Bas-Rhin), à attaquer toute délibération de ce conseil ; qu'ils sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable leur demande dirigée contre deux délibérations du conseil municipal de Lauterbourg des 26 octobre et 12 décembre 1984 ; que ce jugement doit donc être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions présentées par MM. Y... et X... devant le tribunal administratif de Strasbourg et d'y statuer immédiatement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 122.19 du code des communes : "Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal" ;
Considérant que, par une délibération du 10 novembre 1972, le conseil municipal de Lauterbourg a autorisé le maire de la commune à conclure avec la Société d'économie mixte de construction d'Alsace (SEMICAL) une convention confiant à cette dernière la réalisation d'un projet de construction de trois immeubles ; que cette délibération n'avait, ni expressément, ni implicitement, habilité le maire à souscrire, au nom de la commune, l'engagement de couvrir le déficit susceptible de résulter, pour la SEMICAL, de l'exécution de cette opération ; qu'ainsi, en acceptant que soit inséré dans la convention signée avec la SEMICAL le 20 février 1975, un article 8.E prévoyant les cas et les conditions dans lesquels un tel déficit serait pris en charge par la commune, le maire est allé au-delà des mesures d'exécution qu'impliquait la délibération du 10 novembre 1972 ; que, dès lors, le conseil municipal de Lauterbourg n'a pu légalement décider, par ses délibérations des 26 octobre et 12 décembre 1984, de prendre en charge et d'inscrire au budget supplémentaire de la commune pour 1984 une somme de 81 196,96 F correspondant au déficit d'exploitation de la SEMICAL pour l'exercice 1983 ; que les moyens tirés en défense par la commune, d'une part, de ce que la convention du 20 février 1975 comporterait, en dehors de celles de l'article 8.E, des stipulations particulièrement favorables à ses intérêts, d'autre part, de ce que la délibération du 26 octobre 1984 aurait été votée par MM. Y... et X... eux-mêmes, enfin de ce que, ni cette délibération, ni celle du 12 décembre 1984 n'ont été déférées au tribunal administratif par le représentant de l'Etat dans le département, sont inopérants ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 mai 1989 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de Lauterbourg du 26 octobre 1984 et ladélibération du même conseil du 12 décembre 1984, en tant qu'elles décident l'inscription au budget supplémentaire de la commune pour 1984 d'une somme de 81 196,96 F correspondant à la prise en charge du déficit d'exploitation pour 1983 de la SEMICAL, sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond Y..., à M. Jean-Paul X..., à la commune de Lauterbourg (Bas-Rhin) et au ministre de l'intérieur.