Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 1995 et 9 octobre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Territoire de Belfort, représenté par le président du conseil général en exercice ; le Territoire de Belfort demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé, sur déféré du préfet du Territoire de Belfort, la délibération de la commission permanente du conseil général en date du 29 novembre 1994 relative à "la mise en place d'un dispositif d'aide aux salariés de l'ALSTHOM" ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Territoire de Belfort devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachelier, de la Varde, avocat du Territoire de Belfort,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une délibération en date du 29 novembre 1994, la commission permanente du conseil général du Territoire de Belfort a décidé, à la suite d'un mouvement de grève qui venait d'affecter les établissements de la société GEC ALSTHOM, de faire bénéficier ceux des salariés résidant dans le département qui avaient subi des pertes de salaires d'une aide modulée en fonction de leur situation financière sous forme de bonifications de taux d'intérêts et, dans certains cas, de la garantie du département, afin de faciliter le recours à l'emprunt, auprès de leurs banques, de sommes correspondant aux pertes susmentionnées ;
Considérant qu'il n'appartient pas au conseil général chargé en vertu de l'article 23 de la loi du 2 mars 1982 "de régler par ses délibérations les affaires du département" d'intervenir dans un conflit collectif du travail en réduisant, au profit de l'une des parties, l'effet des pertes financières qui en résultent ; qu'un département peut, toutefois, prendre des mesures à l'attention des personnes que le conflit a placées dans le besoin dès lors que l'aide ainsi consentie répond exclusivement à des préoccupations sociales ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'aide devait être versée par l'intermédiaire des établissements bancaires, signataires avec le département d'une convention, à raison des prêts consentis par ces établissements à leurs clients ; qu'eu égard notamment à la nature de cette aide financière d'une part, au caractère indirect de son attribution et aux critères de revenus retenus d'autre part, qui ne permettent pas à la collectivité publique d'apprécier l'état de besoin des demandeurs, la délibération attaquée ne saurait être regardée comme répondant exclusivement à des préoccupations d'ordre social ; que dès lors, le Territoire de Belfort n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération du 29 novembre 1994 ;
Article 1er : La requête du Territoire de Belfort est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Territoire de Belfort, au préfet du Territoire de Belfort et au ministre de l'intérieur.