Vu 1°), sous le n° 136 071, la requête enregistrée le 3 avril 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Christine Y..., demeurant ... au Val-Saint-Germain (91530) ; Mme Wajs demande que le Conseil d'Etat annule le décret en date du 7 février 1992 en tant qu'il approuve les articles 24-2 et 31 du cahier des charges annexé à la convention passée le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des autoroutes du Sud de la France ;
Vu 2°), sous le n° 142 688, la requête enregistrée le 16 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-François X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 18 septembre 1992 approuvant le deuxième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la voirie routière et notamment son article L. 122-4 ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une seule décision ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête n° 136 071 par le ministre de l'équipement, du transport et du tourisme :
Considérant, d'une part, que les conclusions de la requête de Mme Wajs qui tendent à l'annulation du décret du 7 février 1992 en tant qu'il approuve deux articles du cahier des charges annexé à la convention passée entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France sont dirigées contre un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que ledit décret, alors même qu'il approuve des clauses identiques à celles figurant dans une convention antérieure, ne peut être regardé comme une décision purement confirmative des décrets en date du 13 novembre 1975 et du 14 avril 1991 approuvant lesdites clauses ;
Considérant, d'autre part, que Mme Wajs, qui se prévaut de sa qualité d'usager des autoroutes dont la concession est approuvée par le décret du 7 février 1992, justifie ainsi d'un intérêt personnel lui donnant qualité pour demander l'annulation dudit décret ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que la requête présentée par Mme Wajs est irrecevable et à en demander pour ce motif le rejet ;
Sur la légalité des décrets attaqués :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière : "L'usage des autoroutes est en principe gratuit. Toutefois, peuvent être concédées par l'Etat soit la construction et l'exploitation d'une autoroute, soit l'exploitation d'une autoroute, ainsi que la construction et l'exploitation de ses installations annexes telles qu'elles sont définies au cahier des charges. La convention de concession et le cahier des charges sont approuvés par décret en Conseil d'Etat. Ces actes peuvent autoriser le concessionnaire à percevoir des péages en vue d'assurer le remboursement des avances et des dépenses de toute nature faites par l'Etat et les collectivités ou établissements publics, l'exploitation et, éventuellement, l'entretien et l'extension de l'autoroute, la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire" ; qu'en vertu de ces dispositions, les avances ou dépenses dont l'Etat, les collectivités et les établissements publics peuvent demander le remboursement doivent présenter un lien suffisamment étroit avec la concession en cause et tendre vers les objectifs dont la réalisation est nécessaire à la bonne exploitation de celle-ci ;
En ce qui concerne l'article 24-2 du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France, approuvée par décret du 7 février 1992, et l'article 24 bis du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l'Etat et la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France, étendue par décret du 18 septembre 1992 :
Considérant que les dispositions de ces deux articles, rédigées en termes identiques, prévoient que chaque société concessionnaire verse annuellement à l'Etat, à titre de fonds de concours, une somme destinée à supporter les charges de fonctionnement de la gendarmerie en service sur son réseau, établie selon des bases de calcul déterminées par les mêmes dispositions et proportionnelle à la longueur du réseau exploité par le concessionnaire ;
Considérant que l'exercice par la gendarmerie nationale des missions de surveillance et de sécurité des usagers qui par nature incombe à l'Etat donne par là même lieu à des dépenses qui sont étrangères à l'exploitation du réseau concédé ; que ces dépenses ne sauraient dès lors faire l'objet du remboursement prévu à l'article L. 122-4 du code de la voirie routière précité ; qu'il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que les décrets attaqués sont illégaux en tant que l'un d'entre eux approuve l'article 24-2 du cahier des charges en cause et l'autre étend l'application de l'article 24 bis du cahier des charges, antérieurement approuvé, à de nouvelles sections et à en demander pour ce motif l'annulation ;
En ce qui concerne l'article 31 du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France approuvée par décret du 7 février 1992 et l'article 31 du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l'Etat et la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France, étendue par décret du 18 septembre 1992 :
Considérant que l'article 31 de chacun des cahiers des charges critiqués, dont les dispositions sont identiques, met à la charge de chaque société concessionnaire le versement à l'Etat, au titre des frais de contrôle institués par le cahier des charges, de sommes calculées proportionnellement aux dépenses de construction ou de modification des sections concédées ainsi qu'aux recettes brutes provenant des péages ; que, dans leur principe, les frais de contrôle du concessionnaire par le concédant constituent des dépenses qui présentent un lien suffisamment étroit avec la concession ; que, toutefois, Mme Wajs et M. X... font valoir que ces frais, fixés de manière forfaitaire, l'ont été sans aucune justification du coût des frais de contrôle par l'Etat des sociétés concessionnaires ; que l'administration qui, dans ses écritures, n'apporte aucune justification relative au montant du remboursement litigieux, n'a ainsi pas mis le juge à même d'exercer son contrôle sur les bases de calcul dudit montant ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que les décrets attaqués sont entachés d'excès de pouvoir ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que Mme Wajs et M. X... sont fondés à demander l'annulation des décrets attaqués en tant qu'ils approuvent ou étendent les clauses résultant des articles 24-2 et 24 bis d'une part, et 31 d'autre part, des cahiers des charges annexés aux conventions de concession approuvées par lesdits décrets ;
Article 1er : Le décret du 7 février 1992 est annulé en tant qu'il approuve les articles 24-2 et 31 du cahier des charges annexé à la convention de concession approuvée par ledit décret.
Article 2 : Le décret du 18 septembre 1992 est annulé en tant qu'il étend aux nouvelles sections d'autoroute concernées par l'avenant n° 2 à la convention de concession passée entre l'Etat et lasociété des autoroutes du Nord et de l'Est de la France les articles 24 bis et 31 du cahier des charges annexé à ladite convention.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Christine Wajs, à M. Jean-François X..., au Premier ministre, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au ministre de l'économie et des finances.