Vu, enregistré le 15 juillet 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 9 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Caen, avant de statuer sur la demande de la Chambre de commerce et d'industrie d'Alençon tendant à ce que le tribunal dise que la Chambre de commerce et d'industrie d'Alençon est soumise à la procédure de droit commun prévue par l'ordonnance du 21 octobre 1986, qu'à ce titre, elle peut conclure un accord d'intéressement et qu'en conséquence, la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de l'Orne du 30 mars 1995 est nulle et non avenue, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si l'administration a compétence liée pour délivrer le récépissé, prévu par l'article 1er du décret n° 87-544 du 17 juillet 1987, d'un accord d'intéressement, conclu en l'espèce entre la Chambre de commerce et d'industrie d'Alençon et son personnel, alors même que la première des parties à l'accord ne relèverait pas du champ d'application défini par l'article 1er de l'ordonnance du 21 octobre 1986 modifiée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986, la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 et la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990 ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;
Vu le décret n° 87-544 du 17 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 87-947 du 28 novembre 1987 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Tuot, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
I. L'article 1er de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, tel qu'il a été modifié et complété par l'article 73 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 puis par l'article 1er de la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990, dispose dans son premier alinéa que : "L'intéressement des salariés à l'entreprise peut être assuré dans toute entreprise qui satisfait aux obligations lui incombant en matière de représentation du personnel, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, par un accord valable pour une durée de trois ans" et passé suivant l'une des modalités qu'il définit.
Le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance précise que les dispositions relatives à l'intéressement des salariés ne s'appliquent de plein droit aux entreprises publiques ou aux sociétés nationales que si elles entrent dans le champ d'application défini au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du travail, c'est-à-dire par l'article L. 131-2, alinéa 2, de ce code.
Le même article premier réserve cependant, dans son troisième alinéa, à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le régime de l'intéressement des salariés s'applique aux entreprises publiques dont le personnel est soumis pour les conditions de travail à un statut législatif ou réglementaire.
L'article 2 de la même ordonnance, après avoir énoncé les conditions que doit remplir un accord pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sociales et de nature fiscale prévues aux articles 4 à 6, dispose dans son dernier alinéa que : "Les accords doivent être déposés à la direction départementale du travail et de l'emploi du lieu où ils ont été conclus".
L'article 1er du décret n° 87-544 du 17 juillet 1987 fixant les conditions d'application de l'ordonnance, après avoir indiqué la liste des documents qui doivent, selon les cas, être joints à l'accord par la personne habilitée à procéder à son dépôt, énonce, en son dernier alinéa que : "Il est accusé sans délai réception de l'accord et des autres documents mentionnés au présent article".
De son côté, le décret n° 87-947 du 28 novembre 1987 prévoit, pour les seules entreprises publiques dont le personnel est soumis pour les conditions de travail à un statut législatif et réglementaire, que les accords d'intéressement ne peuvent entrer en application qu'une fois homologués par arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre de tutelle.
II. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que si, pour les entreprises publiques à statut, la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement reste subordonnée, comme c'était le cas sous l'empire des textes antérieurs à l'intervention de l'ordonnance du 21 octobre 1986, à un régime d'homologation par l'autorité administrative, il en va différemment pour les autres accords d'intéressement. Ces derniers, à l'instar des accords collectifs de travail, dont les articles L. 132-10 et R. 132-1 du code du travail prévoient qu'ils sont soumis à une obligation de dépôt auprès du service départemental compétent, ne peuvent, au stade de ce dépôt, et à l'exception d'un contrôle de la recevabilité en la forme, être soumis à un contrôle préalable de leur validité.
Le directeur départemental du travail et de l'emploi territorialement compétent est donc tenu d'accuser réception de l'accord et des autres documents mentionnés à l'article 1er du décret du 17 juillet 1987 - présentement codifié sous l'article R. 444-1-1 du code du travail - et ne peut légalement se soustraire à cette obligation pour un motif tiré de ce que l'accord déposé, en raison de ses conditions d'élaboration ou de son contenu, ne satisferait pas aux exigences légales.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Caen, à la Chambre de commerce et d'industrie d'Alençon et au ministre du travail et des affaires sociales.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.