Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 21 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat de rectifier pour erreur matérielle une ordonnance rendue le 16 février 1995 par le Président de la 9ème sous-section de la section du Contentieux du Conseil d'Etat constatant le non lieu à statuer sur son pourvoi enregistré comme ci-dessus le 4 septembre 1992 et d'annuler un arrêt en date du 9 juillet 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel tendant à l'annulation d'un jugement en date du 31 juillet 1989 du tribunal administratif de Nice qui a accordé à la société Alo la décharge de cotisations d'impôt sur les sociétés et de pénalités assignées à cette dernière au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son article 55 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, modifié notamment par le décret n° 90-040 du 15 mai 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Racine, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une ordonnance en date du 16 février 1995, le président de la 9ème sous-section de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, au motif que, par une décision du 29 août 1994, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes avait dégrevé la société Alo des impositions et pénalités contestées, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le recours dirigé par le MINISTRE DU BUDGET contre un arrêt en date du 9 juillet 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel tendant à l'annulation d'un jugement en date du 31 juillet 1989 du tribunal administratif de Nice accordant à la société Alo la décharge de cotisations d'impôt sur les sociétés assignées à cette dernière au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites par le ministre à l'appui de son recours en rectification d'erreur matérielle que, par le dégrèvement prononcé le 29 août 1994, le directeur s'est borné à exécuter comme il devait le faire, l'arrêt susmentionné de la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur matérielle qui n'est pas imputable au MINISTRE DU BUDGET et qui a exercé une influence sur la décision rendue ; que, dès lors, ladite erreur conduit à déclarer l'ordonnance du 16 février 1995 nulle et non avenue ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur le recours du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant qu'aux termes de l'article 990 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 4-II-1, applicable à compter du 1er janvier 1983, de la loi de finances pour 1983 du 29 décembre 1982 et de l'article 105-I-2, à caractère interprétatif, de la loi de finances pour 1990 du 29 décembre 1989 : "Les personnes morales dont le siège est situé hors de France et qui, directement ou par personnes interposées, possèdent un ou plusieurs immeubles en France ... sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ... Les personnes morales dont le siège est situé hors de France s'entendent des personnes morales qui ont hors de France leur siège de direction effective, quelle que soit leur nationalité, française ou étrangère" ; qu'aux termes de l'article 990 H du même code : "Les personnes morales passibles de la taxe mentionnée à l'article 990 D qui auront, avant le 31 décembre 1983, attribué à un associé personne physique la propriété des immeubles ... qu'elles possèdent en France pourront opter pour le paiement, lors de l'enregistrement de l'acteconstatant l'opération, d'une taxe forfaitaire égale à 15 % de la valeur vénale de ces immeubles, assise et recouvrée comme en matière de droits d'enregistrement. Cette taxe est libératoire de tous les impôts exigibles à raison de l'opération. Sa perception libère également les personnes morales concernées et leurs associés de toutes impositions ou pénalités éventuellement exigibles au titre de la période antérieure à raison des immeubles attribués, à moins qu'une vérification fiscale concernant les mêmes personnes n'ait été engagée ou annoncée avant le 19 octobre 1982" ;
Considérant que la société anonyme Alo, dont le siège social est à Fribourg (Suisse) a acquitté, lors de l'enregistrement le 18 novembre 1983 d'un acte constatant l'attribution d'un immeuble situé à La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes) à deux de ses associés personnes physiques, la taxe forfaitaire de 15 % prévue à l'article 990 D précité ; que la cour administrative d'appel de Lyon a décidé que le paiement de cette taxe a, en l'espèce, libéré la société anonyme Alo des impositions à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes qui lui avaient été assignées au titre des années 1979, 1980 et 1981 à raison de l'immeuble dont s'agit ;
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET met en cause la validité de l'option pour le paiement de la taxe forfaitaire de 15 % exercée par la société anonyme Alo et soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en s'abstenant de vérifier par elle-même si les dispositions de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1996 n'interdisaient pas que la société anonyme Alo pût être réputée entrer dans le champ d'application de l'article 990 D précité du code général des impôts et, par conséquent, qu'elle usât de la faculté d'opter pour le paiement de la taxe libératoire prévue à l'article 990 H précité du code général des impôts :
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article 990 H que seules les personnes morales passibles de la taxe de 3 % instituée par l'article 990 D pouvaient opter, aux conditions et dans le délai prévu par le premier de ces textes, pour le paiement de la taxe forfaitaire de 15 % ; qu'aux termes de l'article 26 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 : "1°) Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis, dans l'autre Etat contractant, à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ... 2°) Le terme "nationaux" désigne pour chaque Etat contractant ... b) toutes les personnes morales ... constituées conformément à la législation dudit Etat ..." ; qu'il résulte de ces stipulations, qui prévalent sur la loi française en vertu de l'article 55 de la Constitution, que, s'agissant des personnes morales constituées conformément à la législation suisse, le critère de rattachement à la Suisse n'est autre que la nationalité, laquelle, pour une société, résulte en principe, de la localisation de son siège réel, défini comme le siège de la direction effective et présumé par le siège statutaire ; que les sociétés françaises et les sociétés suisses qui possèdent les unes et les autres des immeubles en France se trouvant dans la même situation, au sens de l'article 26 de la convention franco-suisse, celui-ci fait obstacle à ce que les secondes soient soumises à la taxe de 3 % instituée par l'article 990 D, à laquelle échappent les premières ; que la société anonyme Alo n'était donc pas passible de cette taxe ; qu'il en résulte que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel, en jugeant que cette société pouvait bénéficier de l'option pour le paiement de la taxe forfaitaire de 15 % prévue à l'article 990 H du code général des impôts, a commis une erreur de droit ; que, par conséquent, son arrêt en date du 9 juillet 1992 doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Article 1er : L'ordonnance en date du 16 février 1995 du président de la 9ème sous-section de la section du Contentieux du Conseil d'Etat est déclarée nulle et non avenue.
Article 2 : L'arrêt en date du 9 juillet 1992 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Alo.