Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 décembre 1994 et 9 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "Euralair International", dont le siège est à Paris Le Bourget (93350), Aéroport ; la société "Euralair International" demande que le Conseil d'Etat ;
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 15 novembre 1994 du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, relatif à la répartition du trafic intracommunautaire au sein du système aéroportuaire parisien ;
2°) ordonne le sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les règlements du conseil des ministres de la communauté économique européenne n° 2408/92 en date du 23 juillet 1992 et n° 95/93 du 18 janvier 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la société "Euralair International",
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 8 du règlement (CEE) du 23 juillet 1992 susvisé, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires : "Le présent règlement n'affecte pas le droit d'un Etat membre de réglementer, sans discrimination fondée sur la nationalité ou l'identité du transporteur aérien, la répartition du trafic entre les aéroports situés à l'intérieur d'un système aéroportuaire" ; que, sur le fondement de ces dispositions, le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme a, par l'arrêté attaqué, procédé à une nouvelle répartition du trafic intracommunautaire entre les aéroports d'Orly, Charles de Gaulle et du Bourget, qui constituent le système aéroportuaire parisien ; que, selon les dispositions ainsi fixées, et sauf pour ceux des services énumérés à l'article 6 de l'arrêté qui sont exploités à l'aéroport du Bourget, chaque transporteur ne peut exploiter à l'aéroport d'Orly que quatre services aller et quatre services retour par jour entre cet aéroport et un autre aéroport ou système aéroportuaire communautaire, le surplus ne pouvant être exploité qu'à l'aéroport Charles de Gaulle ; que, toutefois, cette limitation n'est pas applicable aux transporteurs qui, entre 7 heures et 9 heures 30 et entre 18 heures et 20 heures 30, utiliseront exclusivement des aéronefs d'une capacité minimum exprimée en nombre de sièges offerts, déterminée en fonction de l'importance du trafic annuel observé en nombre de passagers entre le système aéroportuaire parisien et l'aéroport ou le système aéroportuaire communautaire ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 15 novembre 1994 :
Considérant que la mesure attaquée se borne à répartir le trafic aérien entre les aéroports faisant partie du système aéroportuaire parisien et n'emporte aucune restriction ou limitation dans l'usage des droits de trafic ouverts aux compagnies désireuses de desservir Paris ; que, par suite, il est clair que le ministre n'était pas tenu de respecter la procédure prévue à l'article 9 du règlement susmentionné, laquelle n'est applicable qu'en cas de restriction dans l'usage des droits de trafic ; que le moyen tiré de la violation de ce dernier article doit donc être écarté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 15 novembre 1994 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre l'article 5 de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 4 et 5 dudit arrêté, que les transporteurs utilisant entre 7 heures et 9 heures 30 et entre 18 heures et 20 heures 30 des aéronefs d'une capacité minimale peuvent exploiter plus de quatre services aller et plus de quatre services retour entre l'aéroport d'Orly et un autre aéroport ou système aéroportuaire communautaire ; que ce dispositif, dès lors que la capacité minimale des aéronefs est définie par l'article 5, non en fonction du trafic annuel constaté entre le seul aéroport d'Orly et tout autre aéroport communautaire mais en fonction du trafic annuel constaté entre le système aéroportuaire parisien et un aéroport communautaire déterminé ou le système aéroportuaire auquel il appartient, présente, eu égard à ses effets, un caractère discriminatoire incompatible avec les principes fixés par le 1 de l'article 8 du règlement du 23 juillet 1992 précité ainsi que par les articles 59 et 62 du traité de la communauté européenne ; que les dispositions relatives à la fixation de la capacité minimale des aéronefs étant elles-mêmes inséparables de celles des autres alinéas de l'article 5 et de celles de l'article 4 de l'arrêté attaqué, ce dernier doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant que la requérante n'a soulevé aucun moyen de nature à affecter la légalité des autres dispositions de l'arrêté attaqué ; que le surplus de ses conclusions doit, dès lors, être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Euralair est seulement fondée à demander l'annulation des articles 4 et 5 de l'arrêté du 15 novembre 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la société "Euralair International" la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 4 et 5 de l'arrêté en date du 15 novembre 1994 du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, relatif à la répartition du trafic intracommunautaire au sein du système aéroportuaire parisien sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "Euralair International" est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 10 000 F à la société "Euralair International" au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société "Euralair International" et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.