Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 1994 et 16 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Zahr X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 1994 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et fixé l'Algérie comme pays de renvoi ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par les lois des 2 août 1989, 10 janvier 1990, 26 février 1992 et 24 août 1993 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 241-13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande présentée par M. X..., le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg, a fondé sa décision sur les informations contenues dans les extraits d'une fiche de police invoquée à la barre par le représentant du préfet, sans que ce document ou les informations qu'il contenait aient été communiqués à M. X..., qui est dès lors fondé à invoquer une méconnaissance des dispositions précitées pour demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 7°) Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas ou ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public ..." ; qu'en vertu de ces dispositions le préfet de la Moselle a, par arrêté du 4 novembre 1994, ordonné la reconduite à la frontière de M. X... à qui il avait refusé le même jour, en raison de la menace qu'il constituait pour l'ordre public, le renouvellement de son certificat de résidence ;
Considérant que M. X... demande l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière en invoquant divers moyens dirigés contre la décision de refus de renouvellement deson certificat de résidence ;
Considérant, en premier lieu, que le préfet de la Moselle a refusé de renouveler le titre de séjour du requérant en se fondant notamment sur le motif tiré de la menace qu'il constituait pour l'ordre public ; qu'il ressort des pièces figurant au dossier soumis au Conseil d'Etat que M. X..., responsable du culte islamique à Metz-Borny, incitait les fidèles à soutenir les mouvements islamistes intégristes et tenait des propos discriminatoires à l'égard des adeptes des autres religions ; qu'ainsi, ce motif justifiait légalement la décision ; qu'en admettant même que les autres motifs du refus de séjour ne soient pas établis, il ressort de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif qui, ainsi qu'il a été dit, justifie légalement le refus de renouvellement de titre de séjour ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par l'avenant et le protocole du 22 décembre 1985, régit seul les conditions de séjour en France des ressortissants algériens ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à invoquer l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour soutenir que la commission de séjour des étrangers aurait du être consultée ;
Considérant, en troisième lieu, que le refus de renouvellement de son certificat de résident opposé à M. X... rejette une demande qu'il avait présentée lui-même ; que, par suite, il n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 susvisé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière serait illégal ;
Sur la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950" ;
Considérant que le retour de M. X... en Algérie comportait pour lui un risque grave lié à ses activités politiques ; que cette circonstance faisait légalement obstacle à sa reconduite vers ce pays ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi et de rejeter le surplus des conclusions de M. X... ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg en date du 5 novembre 1994 et la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Zahr X..., au préfet de la Moselle et au ministre de l'intérieur.