Vu, enregistré le 18 novembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur les conclusions de la demande dont il a été saisi par M. Philippe X..., demeurant ... et tendant à la substitution des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts aux majorations prévues en cas de manoeuvres frauduleuses par l'article 1729 du même code, qui ont été appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1986 et 1987, a décidé, par application de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si les stipulations de l'article 14, paragraphe 7 du Pacte international de New-York, relatif aux droits civils et politiques, aux termes desquelles : "Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays", font obligation au juge administratif de prononcer la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, pour mauvaise foi ou pour défaut de déclaration infligées par l'administration à un contribuable qui a été condamné, pour fraude fiscale, à des sanctions pénales devenues définitives, sur le fondement des articles 1741, 1743 et 1745 du code général des impôts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 55 ;
Vu le Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code général des impôts ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Verclytte, Auditeur,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
1. En vertu du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, lorsqu'un contribuable tenu de souscrire une déclaration comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts, s'abstient de faire cette déclaration ou la présente tardivement, le montant des droits mis à sa charge ou résultant de la déclaration déposée tardivement est assorti de l'intérêt de retard de 0,75 % par mois prévu par l'article 1727 du même code et d'une majoration de 10 %. Selon le 3 du même article 1728, cette majoration est portée à 40 % "lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai" et à 80 % "lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours de la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première".
En vertu du 1. de l'article 1729 du code général des impôts, une majoration de 40 %, s'ajoutant à l'intérêt de retard prévu par l'article 1727, est appliquée au montant des droits mis à la charge du contribuable qui a souscrit une déclaration faisant apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, lorsque "la mauvaise foi de l'intéressé est établie". Le même article 1729.1 porte à 80 % le taux de la majoration, lorsque le contribuable "s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses".
L'article 1736 du code général des impôts dispose que les majorations prévues, notamment, par les articles 1728 et 1729 sont "constatées par l'administration fiscale".
2. L'article 1741 du code général des impôts punit, notamment, d'une amende de 250 000 F et d'un emprisonnement de cinq ans, et, en cas de récidive dans un délai de cinq ans, d'une amende de 700 000 F et d'un emprisonnement de dix ans, "indépendamment des sanctions fiscales applicables", "quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel" de l'impôt, "soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, ... soit en agissant de toute autremanière frauduleuse". L'article 1745 du même code ajoute que "tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application de l'article 1741 ... peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes".
Aux termes de l'article L.231, premier alinéa, du livre des procédures fiscales, "les poursuites en vue de l'application des sanctions pénales prévues à l'article 1741 du code général des impôts en cas de fraude fiscale sont portées devant le tribunal correctionnel dans le ressort duquel l'un quelconque des impôts en cause aurait dû être acquitté".
3. Le paragraphe 7 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ouvert à la signature à New-York le 19 décembre 1966 et introduit dans l'ordre juridique français par l'effet conjugué de la loi du 25 juin 1980 qui en a autorisé la ratification et du décret du 29 janvier 1981 qui en a ordonné la publication, stipule que "Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays".
Il résulte des termes de cette stipulation que la règle "non bis in idem" qu'elle énonce ne trouve à s'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale ayant déjà donné lieu à un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement ferait l'objet d'une nouvelle poursuite et, le cas échéant, d'une condamnation devant ou par une juridiction répressive.
L'article 14, paragraphe 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne fait donc pas obstacle à ce que le contribuable qui, ayant fait l'objet de poursuites du chef de fraude fiscale, sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, a été, soit définitivement relaxé des fins de cette poursuite, soit reconnu coupable du délit reproché et condamné définitivement par le tribunal correctionnel ou par la cour d'appel, à l'une des peines prévues par cet article, assortie, le cas échéant, en application de l'article 1745 du même code, d'une obligation de paiement solidaire de l'impôt fraudé, se voie appliquer, s'il y a lieu, par l'administration, les sanctions fiscales que constituent les majorations prévues par les dispositions, plus haut rappelées, de l'article 1728-3 ou de l'article 1729.1 du code général des impôts. L'article 14, paragraphe 7, du Pacte de New-York ne fait, dès lors, pas obligation au juge de l'impôt, saisi d'une contestation portant sur la régularité ou le bien-fondé de ces majorations, d'en prononcer, en pareil cas, la décharge.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Rennes, à M. X... et au ministre de l'économie et des finances.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.