Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la REGION RHONE-ALPES, qui a son siège ..., représentée par le président en exercice du conseil régional ; la REGION RHONE-ALPES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, sur la demande de M. Gérard X... et de la commune de Lorette (Loire), annulé les délibérations des 13 et 14 janvier 1994 et des 24 et 25 février 1994 du conseil régional portant adoption du budget primitif de la région pour l'année 1994 ;
2°) rejette les demandes présentées devant le tribunal administratif de Lyon par M. X... et la commune de Lorette ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972, modifiée, notamment, par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, modifiée ;
Vu la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 ;
Vu la loi n° 83-7 du 7 janvier 1983, modifiée ;
Vu la loi n° 94-66 du 24 janvier 1994 ;
Vu le décret n° 88-139 du 10 février 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la REGION RHONE-ALPES et de Me Guinard, avocat de M. Gérard X... et de la commune de Lorette,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête de la REGION RHONE-ALPES :
Considérant que cette requête, qui est dirigée contre un jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 1994, et a été enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 1994, n'est pas tardive, quelles qu'aient été les modalités de notification du jugement attaqué ;
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant que le contribuable d'une région a qualité pour demander l'annulation des délibérations du conseil régional qui ont des répercussions sur les finances de la région ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de la commune de Lorette, M. X..., qui est redevable d'impôts perçus au profit de la REGION RHONE-ALPES, était recevable à demander l'annulation des délibérations des 13 et 14 janvier 1994 et des 24 et 25 février 1994 par lesquelles le conseil régional a adopté le budget primitif de la région pour l'année 1994 ;
Sur la légalité des délibérations contestées :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 5 juillet 1972, dans sa rédaction issue de la loi du 6 février 1992 : " ... Préalablement à leur examen par le conseil régional, le conseil économique et social régional est obligatoirement saisi pour avis des documents relatifs : ... 3°) aux différents documents budgétaires de la région, pour se prononcer sur leurs orientations générales ..." ; que ces dispositions font seulement obligation au conseil régional, lorsqu'il a arrêté les orientations générales du budget de la région de soumettre les documents correspondants à l'examen du conseil économique et social régional et de mettre celui-ci en mesure d'exprimer complètement son avis sur les différentes questions dont il est ainsi saisi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil économique et social régional, qui avait été régulièrement saisi des orientations générales du projet du budget primitif pour l'année 1994 arrêtées par le conseil régional les 27, 28 et 29 octobre 1993, a donné, le 6 décembre 1993, un avis sur ce projet, et notamment sur l'augmentation envisagée des impôts régionaux ; qu'ainsi, les prescriptions de l'article 14 de la loi du 5 juillet 1972 modifiée ont été respectées, même si, au cours des séances des 13 et 14 janvier, 24 et 25 février 1994, le conseil régional a amendé le projet de budget initial en décidant une augmentation des impôts régionaux plus importante que celle qui avait été prévue dans les orientations budgétaires antérieurement arrêtées par lui, qui ont été examinées par le conseil économique et social régional ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la REGION RHONE-ALPES est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lyon s'est à tort fondé sur une méconnaissance, par le conseil régional, des dispositions précitées de la loi du 5 juillet 1972, modifiée, pour annuler les délibérations précitées des 13 et 14 janvier, 24 et 25 février 1994 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 5 juillet 1972, dans sa rédaction issue de la loi du 6 février 1992, les crédits inscrits au budget de la région doivent être présentés et adoptés par chapitre et, si le conseil régional en décide ainsi, par article ; que le conseil n'est cependant pas tenu de procéder à un vote formel sur chacun des chapitres ou articles ; que, par suite, le fait que le budget primitif de la REGION RHONE-ALPES pour 1994 a été adopté sans qu'il ait été procédé à un vote formel de chacun des chapitres, n'est pas de nature à entacher d'illégalité les délibérations attaquées ;
Considérant, en deuxième lieu, que, ni l'article 83 de la loi du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 1993, ni l'article 84 de la même loi n'exigent que le plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes et le programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle soient adoptés avant le vote du budget primitif ;
Considérant, en troisième lieu, que les délibérations contestées n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte au libre exercice des compétences des départements et des communes de la REGION RHONE-ALPES ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 59 de la loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, selon lesquelles l'action du conseil régional doit s'exercer dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que, eu égard à l'absence de caractère normatif du rapport sur les orientations budgétaires annexé à la loi d'orientation quinquennale du 24 janvier 1994, relative à la maîtrise des finances publiques, le moyen tiré de la méconnaissance de celles de ces recommandations qui encouragent les collectivités locales à ne pas alourdir le poids de la fiscalité, est inopérant ;
Considérant, en cinquième lieu, que les délibérations contestées n'ont eu pour objet que d'adopter le budget primitif de la REGION RHONE-ALPES pour l'année 1994 ; que, par suite, elles n'ont pas méconnu la règle de l'annualité budgétaire rappelée à l'article 2 dudécret du 10 février 1988, relatif au régime financier et comptable des régions, aux termes duquel "la période d'exécution du budget est limitée à l'année même à laquelle ce budget s'applique" ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré par M. X... de ce que les mêmes délibérations méconnaîtraient les stipulations du contrat de plan conclu par la région avec l'Etat le 30 octobre 1992, conformément à la loi du 29 juillet 1982, portant réforme de la planification, est, en tout état de cause, inopérant à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la REGION RHONE-ALPES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les délibérations du conseil régional des 13 et 14 janvier 1994 et des 24 et 25 février 1994 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font, en tout état de cause, obstacle à ce que la REGION RHONE-ALPES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Lorette la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 1994 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X... et par la commune de Lorette devant le tribunal administratif de Lyon sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par la commune de Lorette au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la REGION RHONE-ALPES, à M. Gérard X..., à la commune de Lorette (Loire) et au ministre de l'intérieur.