Vu la requête enregistrée le 24 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 décembre 1994, décidant la reconduite à la frontière de M. X... Kan ;
2°) de rejeter la demande de M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code la nationalité française ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par décision du 2 juillet 1992, le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer à M. X... Kan le titre de séjour qu'il avait sollicité au titre de l'asile politique ; que M. Y... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai d'un mois fixé à compter de la notification de cette décision ; que, par suite, alors même que, le 19 décembre 1994, M. Y... avait sollicité à nouveau un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 15-1° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 22 précité pour prononcer, par arrêté du 19 décembre 1994, sa reconduite à la frontière ; que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance précitée pour annuler cet arrêté ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Les étrangers mentionnés au 1° à 6° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22 de l'ordonnance" ; que le 4° de l'article 25 mentionne, notamment, "l'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... s'est marié, le 24 avril 1992, au consulat de Turquie à Strasbourg avec Mlle Cakia Z... ; que celle-ci, née le 24 février 1975 à Gray, en France, a acquis la nationalité française le 24 février 1993, en vertu de l'article 44 du code de la nationalité, alors applicable ; que, par suite, à la date de l'arrêté attaqué du 19 décembre 1994, M. Y... était marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française ; qu'à quelque date que son mariage ait été transcrit sur les registres de l'état civil français, il était donc au nombre des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que, dès lors, en prenant une telle mesure à l'égard de M. Y..., le PREFET DE POLICE a méconnu les dispositions précitées de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il n'est, en conséquence, pas fondé à se plaindre de ce que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 décembre 1994 ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... Kan et au ministre de l'intérieur.