Vu le recours, enregistré le 27 juillet 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 22 décembre 1992 par laquelle le directeur des services fiscaux du département de la Haute Loire a refusé à Mme Danièle X... le versement du supplément familial de traitement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 97 de l'acte dit-loi du 14 septembre 1941 modifié par la loi du 25 septembre 1945 ;
Vu l'ordonnance n° 45-14 du 6 janvier 1945 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
Vu la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, notamment son article 4 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une demande du 18 décembre 1992, Mme Danièle X... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son premier enfant, le 13 décembre 1980 et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 22 décembre 1992 du MINISTRE DU BUDGET ; que, saisi d'une demande d'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 18 mai 1993, annulé la décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 149 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction et transmettre le dossier au commissaire du gouvernement" ; qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée au fond. En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l'administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée" ;
Considérant que la créance de Mme X... était susceptible de faire l'objet d'une opposition de la prescription quadriennale par le MINISTRE DU BUDGET ; que celui-ci est, dès lors, fondé à soutenir que la solution du litige ne pouvait être tenue pour certaine au vu de la requête introductive d'instance et qu'en décidant d'appliquer l'article R. 149 précité, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a entaché le jugement attaqué d'un vice de procédure et à demander, pour ce motif, l'annulation dudit jugement ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET présente, devant le Conseil d'Etat, des conclusions opposant la prescription quadriennale ; que, le MINISTRE DU BUDGET n'ayant pas été mis à même devant le tribunal administratif d'opposer la prescription quadriennale comme il a été dit ci-dessus, ses conclusions, présentées devant le Conseil d'Etat statuant par voie d'évocation, sont recevables ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme X... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 13 décembre 1980 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 1980 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 18 décembre 1992 par Mme X..., puis par l'introduction, le 26 janvier 1993, de la demande de Mme X... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme X... a demandé le versement pour la période allant du 13 décembre 1980 au 31 décembre 1987 ;
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur des sommes non prescrites :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires" ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974, en vigueur à l'époque des faits litigieux : "le supplément familial de traitement alloué, en sus des prestations familiales de droit commun aux magistrats, aux fonctionnaires et aux agents de l'Etat ... comprend, d'une part, un élément fixe, d'autre part, un élément proportionnel basé sur le traitement soumis à retenue pour pension" ; qu'aux termes de l'article 12 du même décret "la notion d'enfant à charge à retenir pour l'ouverture du droit au supplément familial de traitement est celle fixée en matière de prestations familiales par le titre II du livre V de la sécurité sociale" ;
Considérant que Mme X... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 18 décembre 1992, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait par suite droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance que son conjoint, agent d'EDF-GDF a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de toute disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est, en tout cas, pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à demander l'annulation de la décision du 22 décembre 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial de traitement en tant qu'elle porte, pour la période antérieure au 29 juillet 1991, sur des années non couvertes par la prescription quadriennale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en date du 18 mai 1993, est annulé, en tant qu'il a annulé la décision du 22 décembre 1992 du MINISTRE DU BUDGET pour la période antérieure au 1er janvier 1988.
Article 2 : La décision du 22 décembre 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET a refusé de verser à Mme Danièle X... le supplément familial de traitement est annulée en tant qu'elle porte sur la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 29 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Danièle X....