Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 janvier 1992 et 20 mai 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA VENDEE, représenté par le président du conseil général, à ce dûment autorisé par une délibération du bureau du conseil général en date du 31 janvier 1992 ; le DEPARTEMENT DE LA VENDEE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 14 novembre 1991 en tant qu'il a annulé, sur le déféré du préfet de la Vendée, la délibération du 22 juin 1990 de son conseil général en tant qu'il y a décidé la création de deux emplois de chargé de mission pour la cellule des monuments et des sites, les délibérations des 29 juin 1990 et 13 juillet 1990 du bureau de son conseil général en tant qu'il a fixé les modalités de rémunération desdits emplois et a décidé d'y pourvoir par le recrutement de MM. X... et Y..., ainsi que les décisions du président de son conseil général incluses dans les avenants aux contrats de MM. X... et Y... ;
2°) de rejeter celles des conclusions du préfet de la Vendée qui ont été ainsi accueillies par le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hassan, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat du DEPARTEMENT DE LA VENDEE,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué énonce clairement les motifs pour lesquels le tribunal a jugé illégales la délibération du conseil général de la Vendée du 22 juin 1990 en tant qu'elle crée deux emplois de chargé de mission catégorie A à la cellule des monuments historiques et des sites et donne délégation au bureau pour fixer les modalités de recrutement et de rémunération attachées à des emplois ainsi que les deux délibérations du bureau du 29 juin 1990 et du 13 juillet 1990 proposant de nommer respectivement sur ces emplois M. X... et M. Y... et fixant leur rémunération ; qu'ainsi le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Sur la légalité des délibérations attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : "Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement (...)" ; qu'aux termes des articles 23 et 24 de la loi du 2 mars 1982 : "Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département ..." et peut "déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions au bureau, à l'exception de celles visées aux articles 50, 51 et 52 de la présente loi" ; qu'aux termes de l'article 31 de la même loi : "Le président du conseil général est seul chargé de l'administration" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le conseil général est seul compétent pour créer les emplois nécessaires au bon fonctionnement des services départementaux et en définir les caractères essentiels ; que cette compétence, qui est au nombre de celles visées aux articles 50, 51 et 52 de la loi du 2 mars 1982 ne peut être déléguée au bureau ; que le président du conseil général a, pour sa part et sous réserve des délégations qu'il peut accorder, seul compétence pour pourvoir aux emplois départementaux créés par le conseil général ; qu'il suit de là qu'en donnant délégation au bureau, par délibération du 22 juin 1990, pour fixer les modalités de recrutement et de rémunération de deux emplois de chargés de mission à la cellule des monuments historiques et des sites, le conseil général a délégué au bureau une compétence qui ne lui appartenait pas ; que cette délibération est, par suite et dans cette mesure, entachée d'illégalité ; que les délibérations du bureau du conseil général en date du 29 juin et 13 juillet 1990 décidant de nommer M. X... et M. Y... sur ces emplois et fixant leur rémunération sont entachées d'incompétence ;
Sur les avenants aux contrats de MM. X... et Y... des 13 juillet 1990 et30 juin 1990 :
Considérant que, sur le fondement de l'article 46 de la loi du 2 mars 1982, le préfet peut demander au tribunal l'annulation pour excès de pouvoir d'un contrat conclu par le département, même si ce contrat n'est pas soumis à l'obligation prévue à l'article 45 de la même loi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général s'est cru lié par les délibérations du bureau du conseil général lorsqu'il a signé les avenants aux contrats de MM. X... et Y... ; que ces avenants doivent ainsi être annulés par voie de conséquence de l'annulation des délibérations du bureau du conseil général résultant de ce qui a été dit ci-dessus ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE n'est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il a annulé la délibération du conseil général en date du 22 juin 1990 en tant qu'elle créait deux emplois de chargés de mission à la cellule des monuments historiques et des sites ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 14 novembre 1991 est annulé en tant qu'il a annulé la délibération du conseil général en date du 22 juin 1990 en tant qu'elle créait deux emplois de chargés de mission à la cellule des monuments historiques et des sites.
Article 2 : Le déféré présenté par le préfet de la Vendée devant le tribunal administratif de Nantes est rejeté dans cette mesure.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DE LA VENDEE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA VENDEE, au préfet de la Vendée et au ministre de l'intérieur.