Vu 1°, sous le n° 191125, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 novembre 1997 et 20 mars 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jacques Z..., demeurant ... ; M. Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 1997 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a déclaré démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal de la commune d'Istres ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°, sous le n° 191126, la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 3 novembre 1997, 20 mars 1998 et 18 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. François X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 1997 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a déclaré démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal de la commune d'Istres ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 3°, sous le n° 191127, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 novembre 1997 et 20 mars 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Claude Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 1997 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a déclaré démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal de la commune d'Istres ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code électoral ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 69-366 du 11 avril 1969 modifié ;
Vu le décret n° 95-945 du 23 août 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Seners, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Balat, avocat de M. Claude A... et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. François X...,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de MM. Jacques Z..., François X... et Claude Y... sont dirigées contre un même jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs réclamations tendant à l'annulation des arrêtés du 7 juillet 1997 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône les a déclarés démissionnaires de leurs mandats de conseillers municipaux de la commune d'Istres en application des dispositions de l'article L. 236 du code électoral ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de l'intervention de M. A... :
Considérant que M. A... a intérêt au maintien du jugement attaqué ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens des requêtes :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 120 du code électoral : "Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 121 de ce même code : "Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi (...)" ; qu'il ressort de l'instruction que le tribunal administratif de Marseille s'est prononcé par jugement du 15 septembre 1997 sur les réclamations présentées par MM. Z..., X... et Y..., enregistrées au greffe de ce tribunal le 11 juillet 1997 ; qu'ainsi, à la date à laquelle le jugement attaqué a été prononcé, le tribunal administratif de Marseille se trouvait dessaisi en application des dispositions précitées des articles R. 120 et R. 121 du code électoral ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer immédiatement sur les réclamations de MM. Z..., X... et Y... ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 231 du code électoral : "(...) Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) 6° Les comptables des deniers communaux (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 236 du même code : "Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par les articles L. 230, L. 231 et L. 232 est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification, et sauf recours au Conseil d'Etat, conformément aux articles L. 249 et L. 250 (...)./ Toutefois, la procédure prévue à l'alinéa précédent n'est mise en oeuvre à l'égard d'un conseiller municipal déclaré comptable de fait par un jugement du juge des comptes statuant définitivement que si quitus ne lui a pas été délivré de sa gestion dans les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti par ledit jugement" ;
Sur les griefs autres que ceux tirés de l'article L. 236 du code électoral :
Considérant que MM. Z..., Y... et X... ne sauraient seprévaloir, à l'encontre des arrêtés attaqués, qui ne sont pas des décisions juridictionnelles, d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si l'article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales prescrit que les maires et leurs adjoints "ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en conseil des ministres", cette disposition n'a pas pour effet de priver le préfet du pouvoir, qu'il tient de l'article L. 236 précité du code électoral, de déclarer démissionnaire un conseiller municipal, qui se trouve dans l'un des cas d'inéligibilité prévu par l'article L. 231 de ce code, alors même que ce conseiller a été élu maire ou adjoint au maire ;
Considérant que le grief tiré de ce que les arrêtés attaqués ne seraient pas motivés manque en fait ;
Considérant que si les requérants, d'une part, se prévalent des dispositions de l'article 28 du décret du 11 février 1985 pour soutenir que les arrêts de la Cour des comptes en date des 15 décembre 1995 et 4 juillet 1996, qui n'étaient pas revêtus de la formule exécutoire, les auraient méconnues, et, d'autre part, soutiennent que les juges des comptes n'auraient pas respecté les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces griefs, relatifs aux conditions dans lesquelles le juge des comptes s'est prononcé, ne peuvent être utilement invoqués devant le juge de l'élection à l'encontre d'une décision déclarant un conseiller municipal démissionnaire d'office ;
Sur les griefs tirés de l'article L. 236 du code électoral :
Considérant que le jugement de la chambre régionale des comptes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur déclarant MM. Z..., Y... et X... comptables de fait des deniers de la commune d'Istres a été confirmé en appel, sur ce point, par deux arrêts de la Cour des comptes en date des 15 décembre 1995 et 4 juillet 1996 ;
Considérant que s'il résulte des prescriptions de l'article L. 236 précité du code électoral que le préfet ne peut prononcer la démission d'office d'un conseiller municipal que si la cause de l'inéligibilité de ce dernier est survenue postérieurement à son élection, et si c'est par un jugement du 20 avril 1995, antérieur aux élections municipales de juin 1995 que la chambre régionale des comptes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a déclaré MM. Z..., Y... et X... comptables de fait des deniers communaux, l'effet de ce jugement s'est trouvé suspendu, avant l'élection, par l'arrêt de la Cour des comptes du 4 mai 1995, rendu à la demande des intéressés et ordonnant qu'il soit sursis à son exécution ; qu'ainsi, les intéressés n'étaient pas inéligibles à la date de l'élection ; que, en revanche, par un arrêt du 4 juillet 1996 la Cour des comptes, statuant sur l'appel formé contre le jugement du 20 avril 1995 a révoqué le sursis à exécution et rendu son plein effet au jugement précité du 20 avril 1995 ; qu'ainsi c'est à la suite de l'arrêt de la Cour des comptes du 4 juillet 1996, soit postérieurement à la date des élections municipales de juin 1995, que les requérants devaient être regardés comme ayant été déclarés comptables de fait ; que, dès lors, MM. Z..., Y... et X... ne sont pas fondés à soutenir que la cause de leur inéligibilité était antérieure à leur élection ;
Considérant que le destinataire de la notification d'un arrêt de la Cour des comptes bénéficie de garanties équivalentes, que la notification soit effectuée directement par le secrétaire général de cette juridiction ou que, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 11 avril 1969, interviennent le trésorier payeur général du département et les comptables placés directement sous son autorité ; que, par suite, le grief tiré de ce que lanotification des arrêts de la Cour des comptes faite aux requérants par le secrétaire général de cette juridiction serait intervenue en méconnaissance des dispositions susévoquées et n'aurait ainsi pas fait courir le délai de production des comptes imparti par le jugement de la chambre régionale des comptes, doit être écarté ;
Considérant, enfin, que le délai précité, qui commençait à courir le 3 août 1996, date de la notification de l'arrêt précité du 4 juillet 1996 de la Cour des comptes, est parvenu à son terme le 3 octobre 1996, tandis que le délai de six mois prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 236 du code électoral a expiré le 3 avril 1997 ; qu'ainsi, à compter de cette date, alors même que, par un jugement du 12 novembre 1996, la chambre régionale des comptes avait rejeté les premiers comptes de gestion présentés par MM. Z..., Y... et X... et leur avait enjoint d'en présenter de nouveaux dans un délai de deux mois, il appartenait au préfet des Bouches-du-Rhône de déclarer les requérants démissionnaires d'office en application des prescriptions de l'article L. 236 du code électoral ; que la circonstance, à la supposer établie, que les dispositions provisoires du jugement du 20 avril 1995 de la chambre régionale des comptes n'auraient pas été notifiées au préfet est sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les réclamations de MM. Z..., Y... et X..., dirigées contre les arrêtés par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône les a déclarés démissionnaires de leurs fonctions de conseillers municipaux de la commune d'Istres en application de l'article L. 236 du code électoral, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de MM. Z..., Y... et X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à MM. Z..., Y... et X... les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A..., intervenant en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que MM. Z..., Y... et X... soient condamnés à lui payer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de M. A... est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 1997 est annulé.
Article 3 : Les réclamations de MM. Z..., Y... et X... sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques Z..., à M. Claude Y..., àM. François X..., à M. Claude A... et au ministre de l'intérieur.