Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin 1997 et 27 octobre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT SOS ACTION SANTE, dont le siège est BP 194 à Beaune Cedex (21205) ; le SYNDICAT SOS ACTION SANTE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-404 du 21 avril 1997 fixant pour l'année 1997 les cotisations des régimes d'assurance invalidité-décès des professions libérales ;
2°) de lui allouer une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 55-1390 du 18 octobre 1955 modifié relatif au régime d'assurance invalidité-décès des médecins ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat du SYNDICAT SOS ACTION SANTE,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'emploi et de la solidarité :
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 644-2 du code de la sécurité sociale : "A la demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, des décrets peuvent fixer ( ...) une cotisation destinée à couvrir un régime d'assurance invalidité-décès, fonctionnant à titre obligatoire dans le cadre, soit de l'ensemble du groupe professionnel, soit d'une activité professionnelle particulière et comportant des avantages en faveur des veuves et des orphelins" ; qu'en vertu de l'article R. 641-6-3° du même code, le conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales comporte notamment le représentant de la section professionnelle des médecins qui prend le nom de caisse autonome de retraite des médecins français ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces versées au dossier que le conseil d'administration de la caisse autonome de retraite des médecins français a examiné le montant projeté de cotisation unique de ce régime pour 1997 dans sa séance du 14 décembre 1996 ; que le fait que la mention de son avis ne figure pas dans les visas du décret attaqué fixant, pour l'année 1997, les cotisations des régimes d'assurance invalidité-décès des professions libérales est sans influence sur sa légalité ;
Sur la légalité interne du décret attaqué, des articles R. 641-6 et suivants du code de la sécurité sociale, du décret n° 55-1390 du 18 octobre 1955 susvisé et de l'arrêté du 19 juin 1991 approuvant les statuts du régime d'invalidité-décès des médecins :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale : "L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité et les charges de famille. Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie et de maternité ainsi que les charges de famille. Cette garantie s'exerce par l'affiliation desintéressés et de leurs ayants droit à un régime obligatoire, ou, à défaut, par leur rattachement au régime de l'assurance personnelle. Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code" ; qu'en vertu de l'article L. 111-2 de ce même code, des lois pourront étendre le champ d'application de l'organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires ; qu'en vertu de l'article L. 642-1, toute personne exerçant une profession libérale est tenue de verser des cotisations destinées à financer le régime d'assurance vieillesse des mêmes professions libérales ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 644-2, le régime de l'assurance vieillesse des professions libérales peut se voir confier par le pouvoir réglementaire, à la demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la gestion d'un régime d'assurance-décès fonctionnant à titre obligatoire ; que la cotisation que le pouvoir réglementaire fixe après avis du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales pour servir à financer ledit régime a le même caractère obligatoire que celui qui est attaché aux cotisations prévues par les articles L. 642-1 et L. 644-1 ; que ce régime d'assurance invalidité-décès résulte du décret n° 55-1390 du 18 octobre 1955 susvisé ; que le décret attaqué, pris en application des dispositions précitées, fixe pour l'année 1997 les cotisations obligatoires aux régimes d'assurance invalidité-décès des professions libérales et notamment la cotisation annuelle unique des médecins ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 86 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne : "Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte tant des stipulations précitées que des dispositions susmentionnées que les organismes gérant un régime de sécurité sociale, fondé sur le principe de solidarité nationale dans le cadre d'une affiliation obligatoire des intéressés et de leurs ayants droits énoncée à l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, n'exercent pas une activité économique ; que, par conséquent, quelle que soit leur forme juridique, ces organismes ne constituent pas des entreprises au sens de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne, comme d'ailleurs de son article 85 ;
Considérant que la circonstance que le régime d'assurance invalidité-décès des médecins mis en oeuvre à titre obligatoire en vertu des dispositions susmentionnées par la caisse autonome de retraite des médecins français présenterait des similitudes avec les conditions offertes par des contrats régis par le code des assurances pour la couverture des mêmes risques ne saurait faire échec aux conséquences qui résultent, pour ce régime de sécurité sociale, de sa mise en oeuvre par un organisme soumis aux dispositions de l'article L. 111-1 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT SOS ACTION SANTE n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 21 avril 1997 pris en application de l'article L. 644-2 du code de la sécurité sociale et fixant pour l'année 1997 les cotisations des régimes d'assurance invalidité-dècés des professions libérales ;
Sur les conclusions du SYNDICAT SOS ACTION SANTE tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 fontobstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au SYNDICAT SOS ACTION SANTE la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions du ministre de l'emploi et de la solidarité tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner le SYNDICAT SOS ACTION SANTE à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions du ministre de l'emploi et de la solidarité tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une amende pour recours abusif au SYNDICAT SOS ACTION SANTE :
Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;
Article 1er : La requête du SYNDICAT SOS ACTION SANTE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'emploi et de la solidarité tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que celles tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée au SYNDICAT SOS ACTION SANTE sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT SOS ACTION SANTE, au ministre de l'emploi et de la solidarité, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au Premier ministre.