Vu la requête, enregistrée le 5 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Serge X..., demeurant ... et le syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont, ayant son siège à Hautmont (Nord) BP 55 ; M. X... et le syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 21 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. X... et celle du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 17 janvier 1995 rejetant la demande d'annulation de l'arrêté du 25 mai 1994 par lequel le maire de la commune d'Hautmont (Nord) a prononcé la radiation des cadres de M. X... pour abandon de poste ;
2°) de statuer au fond et d'annuler le jugement et l'arrêté attaqués ;
3°) de condamner la commune d'Haumont à verser à M. X... et au syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 26 janvier 1984 et notamment son article 100 ;
Vu le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Serge X... et du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune d'Hautmont,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête en tant qu'elle émane du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article R. 228 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel que le droit de former appel d'un jugement de tribunal administratif n'est ouvert qu'aux personnes qui ont été en cause dans l'instance au titre de laquelle la décision qu'elles contestent est intervenue ; qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la requête formée par le syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont devant la cour administrative d'appel de Nancy devait être regardée, non comme une intervention, mais comme un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 17 janvier 1995, et, d'autre part, que le syndicat n'avait pas été en cause dans l'instance engagée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille et dirigée contre l'arrêté du 25 mai 1994 le radiant des cadres ; que, dès lors, ce syndicat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel comme irrecevable ;
Considérant, en second lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, le syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont n'était pas partie à l'instance devant la cour d'appel ; que, par suite, les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par ce syndicat, conjointement avec celles de M. X..., et tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour rejetant les conclusions de ce dernier ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de la requête en tant qu'elle émane de M. X... :
Considérant que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n'a ni visé, ni analysé le mémoire complémentaire présenté pour M. X... et enregistré au greffe de cette Cour le 22 août 1996 ; que par ce mémoire, M. X... exposait pour la première fois son absence à son poste de travail, le 19 mai 1994, par sa participation à une grève nationale, enproduisant une lettre qu'il avait adressée au maire de la commune d'Hautmont le 20 mai 1994 et dans laquelle il invoquait ce motif pour justifier son absence ; que l'arrêt attaqué n'a pas répondu à cette argumentation ; qu'il est ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions de la requête d'appel en tant qu'elles émanent du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont :
Considérant que le syndicat requérant, qui n'avait pas figuré dans l'instance engagée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille et tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 1994, n'a pas qualité pour interjeter appel du jugement de ce tribunal ; que, par suite, les conclusions de la requête doivent être rejetées en tant qu'elles émanent de ce syndicat ;
Sur les conclusions de la requête d'appel en tant qu'elles émanent de M. X... :
Considérant qu'à la suite de la suppression du service des sports de la commune d'Hautmont, M. X..., éducateur territorial hors classe des activités physiques et sportives, a été affecté dans les services techniques de la commune par une décision du maire en date du 5 mai 1994 qui le mettait en demeure de prendre ses nouvelles fonctions le 9 mai 1994 ; que M. X..., secrétaire-adjoint du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont, a produit des "bons de délégation syndicale" pour expliquer son absence lors des journées des 9, 10, 11, 13, 16, 17, 18 et 20 mai ; qu'étant absent de son poste de travail le 19 mai, il a fait, à cette date, l'objet d'une nouvelle mise en demeure de rejoindre son poste d'affectation ; que le 24 mai, le maire d'Hautmont, ayant constaté l'absence de M. X..., l'a une nouvelle fois mis en demeure de se rendre sur son lieu de travail ; que le 25 mai, après avoir fait constater en début d'après-midi, par exploit d'huissier, que M. X... n'avait pas été présent dans la matinée, le maire a décidé de procéder "dès aujourd'hui mercredi 25 mai 1994 après-midi" "à l'exclusion de l'intéressé de l'effectif communal" et a signé l'arrêté attaqué prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., il lui appartenait de rejoindre son poste le 9 mai, comme il avait été mis en demeure de le faire le 5 mai, alors même que son affectation à ce poste aurait été irrégulière ;
Considérant toutefois que M. X... a justifié son absence le 19 mai en produisant une lettre adressée le 20 mai au maire de la commune dans laquelle il indiquait avoir participé a un mouvement de grève nationale le 19 mai ; qu'en admettant même que les autorisations d'absence qu'il a présentées, en application de l'article 14 du décret du 3 avril 1985 sur l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale, et notamment celle présentée le 20 mai pour justifier son absence les 24 et 25 mai, aient été présentées dans des conditions irrégulières et que M. X... puisse être regardé comme ayant eu un comportement fautif, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait rompu les liens qui l'unissaient au service, et se soit placé en dehors du champ d'application des lois et règlements édictés en vue de garantir l'exercice des droits inhérents à son emploi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en ayant recours à la procédure de radiation des cadres pour abandon de poste au lieu d'engager, en application des articles 89 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, une procédure disciplinaire, le maire de la commune d'Hautmont a entaché d'illégalité sa décision du 25 mai 1994 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 1994 le radiant des cadres pour abandon de poste et à demander l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune d'Hautmont la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la commune d'Hautmont à payer à M. X... une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les conclusions de la requête sont rejetées en tant qu'elles émanent du syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 21 novembre 1996 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de M. X....
Article 3 : L'article 7 du jugement du tribunal administratif de Lille du 17 janvier 1995, rejetant les conclusions de M. X... dirigées contre l'arrêté du maire d'Hautmont du 25 mai 1994, ensemble cet arrêté sont annulés.
Article 4 : La commune d'Hautmont est condamnée à payer à M. X... la somme de 15 000 F.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Hautmont tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Serge X..., au syndicat CGT des personnels communaux d'Haumont, à la commune d'Hautmont et au ministre de l'intérieur.