Vu, enregistrée le 28 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par la CONFEDERATION NATIONALE DES GROUPES AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC dont le siège est ... ; la confédération demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 91-984 du 25 septembre 1991 fixant la bonification d'ancienneté dont bénéficient les membres des corps enseignants qui ont perçu l'allocation d'enseignement prévue par le décret n° 89-608 du 1er septembre 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;
Vu le décret n° 89-608 du 1er septembre 1989 portant création d'allocations d'enseignement modifié par le décret n° 90-1151 du 19 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 91-586 du 24 juin 1991 portant création d'allocations d'année préparatoire à l'institut universitaire de formation des maîtres et d'allocations d'institutuniversitaire de formation des maîtres ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lallemand, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie :
Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 des statuts de la confédération nationale des groupes autonomes de l'enseignement public : "Le président représente la confédération vis-à-vis des tiers, des administrations et en justice" ; que lesdits statuts ne réservent pas à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice ; qu'ainsi le président de la confédération requérante avait qualité pour former, au nom de cette confédération, un recours pour excès de pouvoir contre le décret attaqué du 25 septembre 1991 ;
Sur la légalité du décret attaqué :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 35 de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 susvisée, "les objectifs de la politique nationale en faveur de l'éducation pour la période de 1989 à 1994 sont énoncés dans le rapport annexé à la présente loi" ; que ce rapport annexé fait figurer parmi ces objectifs l'augmentation du nombre d'enseignants et la création d'allocations d'enseignement ; qu'il précise que : "les périodes durant lesquelles ont été perçues ces allocations sont prises en compte, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, pour le reclassement des bénéficiaires dans les corps enseignants au sein desquels ils auront été titularisés" ; Considérant que le décret du 1er septembre 1989 susvisé a institué des allocations d'enseignement, attribuées en fonction du mérite et sous condition de ressources, au profit d'étudiants s'engageant, d'une part, à se présenter à des concours d'accès à certains corps d'enseignants et, d'autre part, à être initiés, au cours de leur préparation, à certaines activités d'enseignement ; que le décret du 25 septembre 1991 attaqué a modifié les statuts des corps des professeurs certifiés, des instituteurs et des professeurs des écoles pour instituer, au bénéfice de ceux des agents recrutés dans ces corps qui avaient bénéficié de telles allocations, une bonification d'ancienneté égale au tiers de la période durant laquelle ils avaient perçu ces allocations ;
Considérant qu'en instituant cette bonification pour les seuls agents ayantbénéficié de ces allocations, le décret attaqué du 25 septembre 1991 a porté au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires recrutés dans un même corps une atteinte qui n'est pas justifiée par la différence de situation existant entre les lauréats des concours de recrutement de ces corps selon qu'ils ont ou non perçu des allocations d'enseignement, dès lors du moins que l'initiation à des activités d'enseignement prévue pour les premiers ne les faisait pas participer au service public de l'enseignement ; que, eu égard notamment à la circonstance que les allocations d'enseignement sont attribuées sous condition de ressources, cette discrimination ne peut davantage trouver un fondement légal dans l'intérêt général s'attachant à l'accroissement du nombre de candidats aux concours ;
Considérant, il est vrai, que le ministre de l'éducation nationale invoque, au soutien des dispositions du décret attaqué, les termes précités du rapport annexé à la loi du 10 juillet 1989 ;
Mais considérant qu'ainsi d'ailleurs que le confirment les débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 10 juillet 1989, le rapport annexé à celle-ci n'est pas revêtu de la valeur normative qui s'attache aux dispositions de la loi ; qu'ainsi les mentions de ce rapport ne peuvent être regardées comme conférant un fondement légal aux dispositions réglementaires contestées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION NATIONALE DES GROUPES AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC est fondée à demander l'annulation du décret du 25 septembre 1991 ;
Article 1er : Le décret n° 91-984 du 25 septembre 1991 fixant la bonification d'ancienneté dont bénéficient les membres des corps enseignants qui ont perçu l'allocation d'enseignement prévue par le décret n° 89-608 du 1er septembre 1989 est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION NATIONALE DES GROUPES AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC, au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.