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20/10/1999 | FRANCE | N°181486

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 20 octobre 1999, 181486


Vu le recours, enregistré le 24 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ; le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 mai 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a 1/ réformant le jugement du 12 septembre 1995 du tribunal administratif de Nancy, ramené de 50 000 à 10 000 F l'indemnité au paiement de laquelle a été condamné l'Etat, 2/ rejeté

le surplus des conclusions de son recours tendant à l'annulatio...

Vu le recours, enregistré le 24 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ; le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 mai 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a 1/ réformant le jugement du 12 septembre 1995 du tribunal administratif de Nancy, ramené de 50 000 à 10 000 F l'indemnité au paiement de laquelle a été condamné l'Etat, 2/ rejeté le surplus des conclusions de son recours tendant à l'annulation des articles 2 et 3 dudit jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé l'arrêté du 8 juin 1995 par lequel le recteur de l'académie de Nancy-Metz a confirmé l'exclusion définitive de Mlle Y... Ait Ahmad prononcée le 15 décembre 1994 par le conseil de discipline du collège du Haut-de-Penoy de Vandoeuvre-lès-Nancy et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. et Mme X... Ahmad une indemnité de 50 000 F en réparation du préjudice subi du fait de cette exclusion ainsi qu'une somme de 2 000 F au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens, 3/ condamné l'Etat à verser à M. et Mme X... Ahmad une somme de 2 000 F au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 ;
Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 ;
Vu le décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de M. et Mme X... Ahmad,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ; Considérant que l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle à la faculté pour les chefs des établissements d'enseignement et, le cas échéant, les enseignants, d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours, notamment en matière de technologie et d'éducation physique et sportive ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit en exigeant que l'administration justifie l'interdiction du port du foulard en cours d'éducation physique ou technologique en établissant, dans chaque cas particulier, l'existence d'un danger pour l'élève ou pour les autres usagers de l'établissement ; que l'arrêt attaqué doit dès lors être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie"; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur la seule circonstance que l'administration n'avait pas justifié l'interdiction du port du foulard en cours d'éducation physique ou technologique en établissant l'existence d'un danger pour l'élève ou pour les autres usagers de l'établissement pour annuler la décision du 8 juin 1995 par laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz aconfirmé l'exclusion définitive de Mlle Y... Ait Ahmad prononcée le 15 décembre 1994 par le conseil de discipline du collège du Haut-de-Penoy de Vandoeuvre-lès-Nancy ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme X... Ahmad devant le tribunal administratif de Nancy ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 31 du décret du 30 août 1985 susvisé, relatif aux établissements publics locaux d'enseignement : "Toute décision prise par le conseil de discipline peut être déférée, dans un délai de huit jours, au recteur d'académie, soit par la famille ou l'élève s'il est majeur, soit par le chef d'établissement. Le recteur d'académie décide après avis d'une commission académique réunie sous sa présidence" ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 8 du décret susvisé du 18 décembre 1985 relatif aux procédures disciplinaires dans les collèges, les lycées et les établissements d'éducation spéciale : "La décision du recteur doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la date de réception du recours" ; que le retrait par le recteur de l'académie de Nancy-Metz de sa première décision, en date du 16 janvier 1995, rejetant le recours hiérarchique formé par M. et Mme X... Ahmad à l'encontre de la décision du conseil de discipline du 15 décembre 1994 n'a pas eu pour effet de retirer également celle-ci ; que le recteur restait donc saisi du recours hiérarchique qu'il a finalement rejeté par la décision attaquée du 8 juin 1995 prise après une nouvelle consultation de la commission académique d'appel ; que la circonstance que le recteur n'ait, en définitive, pas statué sur ce recours dans le délai d'un mois prévu par le décret précité du 18 décembre 1985 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors ce délai n'a pas été imparti à l'autorité administrative à peine de nullité ;
Considérant que si le paragraphe 5 du règlement intérieur du collège du Hautde-Penoy de Vandoeuvre-lès-Nancy interdit le port des signes ostentatoires constitutifs d'éléments de prosélytisme ou de discrimination, cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de manière générale et absolue le port de signes d'appartenance religieuse dans l'établissement ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision d'exclusion aurait été prise sur le fondement d'un règlement illégal ;
Considérant que le foulard par lequel Mlle Y... Ait Ahmad entendait exprimer ses convictions religieuses ne saurait être regardé comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire ou revendicatif, et dont le port constituerait dans tous les cas un acte de pression ou de prosélytisme ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y... Ait Ahmad a refusé d'ôter son foulard en cours d'éducation physique et de technologie ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle a ainsi refusé de porter une tenue compatible avec le bon déroulement des enseignements en cause et qu'elle a, par suite, excédé les limites du droit d'exprimer et de manifester ses croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires ; que la sanction de l'exclusion définitive qui lui a été infligée était légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son encontre ; qu'ainsi, la décision du recteur en date du 8 juin 1995 n'est pas entachée d'illégalité et n'est donc pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé l'arrêté du 8 juin 1995 du recteur de l'académie de Nancy-Metz et d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. et Mme X... Ahmad une indemnité de 50 000 F en réparation du préjudice subi du fait de cette exclusion ;
Sur les frais exposés par M. et Mme X... Ahmad et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X... Ahmad la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 2 mai 1996 et les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 12 septembre 1995 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. et Mme X... Ahmad, présentée devant le tribunal administratif de Nancy, tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 1995 du recteur de l'académie de Nancy-Metz et à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité de 60 000 F, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme X... Ahmad, présentées devant la cour administrative d'appel de Nancy, tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X... Ahmad et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 181486
Date de la décision : 20/10/1999
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

21 - RJ1 CULTES - Manifestation d'appartenance à une religion - Port de signes d'appartenance religieuse par des élèves dans les établissements publics d'enseignement - Faculté d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours sans justifier - dans chaque cas particulier - l'existence d'un danger (1).

21 L'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle à la faculté, pour les chefs des établissements d'enseignement et, le cas échéant, les enseignants, d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours, notamment en matière de technologie et d'éducation physique et sportive, sans qu'il y ait à justifier, dans chaque cas particulier, l'existence d'un danger pour l'élève ou les autres usagers de l'établissement.

- RJ1 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS GENERALES - QUESTIONS GENERALES CONCERNANT LES ELEVES - a) Exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses - Port de signes d'appartenance religieuse par des élèves dans les établissements publics d'enseignement - Faculté d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours sans justifier - dans chaque cas particulier - l'existence d'un danger (1) - b) Discipline - Décision du conseil de discipline des établissements publics locaux d'enseignement - Recours administratif préalable devant le recteur d'académie (article 31 du décret du 30 août 1985 et article 8 du décret du 18 décembre 1985) - Décision du recteur devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la date de réception du recours - Prescription à peine de nullité - Absence.

30-01-03 a) L'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle à la faculté, pour les chefs des établissements d'enseignement et, le cas échéant, les enseignants, d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours, notamment en matière de technologie et d'éducation physique et sportive sans qu'il y ait à justifier, dans chaque cas particulier, l'existence d'un danger pour l'élève ou les autres usagers de l'établissement. b) Un recours devant le recteur d'académie contre les décisions prises par un conseil de discipline est organisé par les dispositions des articles 31 du décret du 30 août 1985 et 8 du décret du 18 décembre 1985. Le délai d'un mois au terme duquel la décision du recteur doit intervenir n'est pas prescrit à peine de nullité.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRE - SCOLARITE - Discipline - Décision du conseil de discipline des établissements publics locaux d'enseignement - Recours administratif préalable devant le recteur d'académie (article 31 du décret du 30 août 1985 8 du décret du 18 décembre 1985) - Décision du recteur devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la date de réception du recours - Prescription à peine de nullité - Absence.

30-02-02-01 Un recours devant le recteur d'académie contre les décisions prises par un conseil de discipline est organisé par les dispositions des articles 31 du décret du 30 août 1985 et de l'article 8 du décret du 18 décembre 1985. Le délai d'un mois au terme duquel la décision du recteur doit intervenir n'est pas prescrit à peine de nullité.


Références :

Arrêté du 08 juin 1995
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 85-1348 du 18 décembre 1985 art. 8
Décret 85-924 du 30 août 1985 art. 31
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. avec solution d'espèce contraire 1992-11-02, Kherouaa et autres, p. 389


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 1999, n° 181486
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Pignerol
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:181486.19991020
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