Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 juin 1998 et 30 octobre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abdelkader X..., demeurant chez M. Mohamed X..., 6, Square Rameau à Champigny-sur-Marne (94500) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 4 avril 1996 du tribunal administratif de Paris et rejeté les conclusions présentées par M. X... devant ce tribunal aux fins d'annulation de l'arrêté du 21 octobre 1992 du maire du Blanc-Mesnil prononçant sa radiation des cadres ;
2°) de rejeter la requête présentée par la commune du Blanc-Mesnil devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) d'ordonner la réintégration de M. X... à la date de son éviction en assortissant cette injonction d'une astreinte ;
4°) de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas , Auditeur,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. Abdelkader X..., et de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de la commune du Blanc-Mesnil,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le tribunal administratif de Paris ayant, par un jugement en date du 4 avril 1996, annulé l'arrêté du 21 octobre 1992 par lequel le maire du Blanc-Mesnil a rayé des cadres pour abandon de poste M. X..., agent non titulaire de la commune, la cour administrative d'appel de Paris a par un arrêt du 4 décembre 1997 annulé ce jugement et rejeté les conclusions présentées par l'intéressé devant le tribunal ; que M. X... se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'un licenciement pour abandon de poste ne peut légalement intervenir que si l'agent concerné qui a cessé sans justification d'exercer ses fonctions, n'a pas obtempéré à une mise en demeure de reprendre son travail ; que la cour administrative d'appel, après avoir constaté que par sa lettre du 1er octobre 1992, le maire du Blanc-Mesnil avait, d'une part, fixé au 5 octobre 1992 la fin du congé de maladie de M. X... qui avait débuté le 14 septembre précédent, et, d'autre part, mis ce dernier en demeure de reprendre son travail, ne pouvait sans erreur de droit regarder la lettre susmentionnée du même jour comme une mise en demeure régulière dès lors qu'elle estimait que l'intéressé était à la date du 1er octobre 1992 en position de congé de maladie et n'avait donc pas cessé d'exercer ses fonctions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, qui s'est fondé sur le seul motif tiré de la régularité de la mise en demeure adressée à M. X... pour annuler le jugement du tribunal administratif de Paris, doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier que si le médecin traitant de M. X... lui a prescrit un arrêt de travail du 14 au 26 septembre 1992, un médecin agréé par l'administration a conclu le 30 septembre que l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait de reprendre ses fonctions que le 5 octobre ; que, par suite, et dès lors que le requérant ne pouvait être regardé, le 1er octobre 1992, comme ayant cessé sans justification d'exercer ses fonctions, la lettre susmentionnée adressée à cette date par le maire du Blanc-Mesnil ne pouvait constituer une mise en demeure régulière ;
Considérant d'autre part que la lettre du 8 octobre 1992 du maire du Blanc-Mesnil, qui se borne à informer M. X... qu'il est regardé comme étant en situation d'abandon de poste depuis le 5 octobre, ne saurait constituer une mise en demeure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute d'avoir été précédé d'une mise en demeure régulière, l'arrêté du 21 octobre 1992 par lequel le maire du Blanc-Mesnil a rayé M. X... des cadres de la commune du Blanc-Mesnil est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ; que, par suite, la commune du Blanc-Mesnil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 4 avril 1996, le tribunal administratif a annulé cet arrêté ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite, sous astreinte, la réintégration de M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 introduit dans la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle une affaire au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ; que l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement la réintégration rétroactive de M. X... à la date de son éviction et la reconstitution de sa durée d'activité telle qu'elle se serait déroulée si l'intéressé n'avait pas été illégalement rayé des cadres ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire ces mesures ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "( ...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. X... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 31 mars 1998 ; que, d'autre part, l'avocat de M. X... n'a pas demandé la condamnation de la commune à lui verser sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête de M. X... tendant à la condamnation de la commune sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la communedu Blanc-Mesnil la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 4 décembre 1997 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la commune du Blanc-Mesnil devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint à la commune du Blanc-Mesnil de réintégrer M. X... à la date de son éviction et de reconstituer sa durée d'activité telle qu'elle se serait déroulée en l'absence d'éviction.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune du Blanc-Mesnil tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkader X..., à la commune du Blanc-Mesnil et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.