Vu l'arrêt du 22 décembre 1993, enregistré le 27 janvier 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes transmet au Conseil d'Etat, en application de la loi du 31 décembre 1987 et du décret du 17 mars 1992, la requête présentée devant cette cour par M. X... ;
Vu la requête enregistrée le 24 août 1992 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, présentée par M. Jean X..., demeurant au Centre de détention, B.P. 312 à Muret (31605) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 juin 1992 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation des décisions individuelles le concernant, prononçant son transfèrement de la maison d'arrêt de Fresnes à la maison d'arrêt de Caen le 6 septembre 1991, lui infligeant un total de 45 jours de punition de cellule puis le plaçant à l'isolement pendant sept mois du 22 octobre 1991 au 22 mai 1992, d'autre part, à l'abrogation des articles D. 103, D. 112 et D. 344 du code de procédure pénale ;
2°) annule lesdites décisions individuelles ;
3°) abroge lesdites dispositions du code de procédure pénale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié notamment par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives aux articles D. 103, D. 112 et D. 344 du code de procédure pénale :
Considérant que M. X... demande l'abrogation des dispositions de l'article D. 103 du code de procédure pénale aux termes duquel : "Le travail est effectué dans les établissements pénitentiaires sous le régime de la régie directe, de la concession ... Sont exclusives de tout contrat de travail les relations ... entre l'administration ... et le détenu auquel elle procure un travail ainsi que les relations entre l'entreprise concessionnaire et le détenu mis à sa disposition par une convention ... qui fixe ... les conditions de rémunération ...", ainsi que de l'article D. 112 du même code qui dispose que "les détenus participent à leurs frais d'entretien sur le produit de leur travail ..." et de l'article D. 344 aux termes duquel "les prix pratiqués à la cantine ... sont fixés par le chef d'établissement ..." ;
Considérant que les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces dispositions réglementaires issues de décrets publiés au Journal officiel respectivement les 20 septembre 1972, 9 mars 1975 et 6 août 1985, sont tardives et, par suite, irrecevables ; que si par ailleurs le refus du de l'autorité compétente d'abroger pour l'avenir un règlement illégal, est susceptible d'être utilement déféré au juge de l'excès de pouvoir, en l'espèce faute pour M. X... d'avoir présenté une demande d'abrogation à l'administration, ses conclusions relatives auxdits articles du code de procédure pénale doivent être rejetées comme irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'abrogation des dispositions des articles D. 103, D. 112 et D. 344 du code de procédure pénale ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de décisions individuelles concernant le requérant :
Considérant que la décision relative au transfèrement de M. X... de la maison d'arrêt de Fresnes à celle de Caen le 6 septembre 1991, qui ne modifie pas le régime de détention applicable, constitue une mesure d'ordre intérieur et n'est pas, dès lors, de la nature de celles qui peuvent être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Considérant qu'aux termes de l'article D. 171 du code de procédure pénale : "La mise à l'isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire. Les détenus qui en font l'objet sont soumis au régime ordinaire de détention" ; qu'une telle mesure, qui n'a pas pour effet d'aggraver les conditions de détention, n'est pas par nature, susceptible d'exercer une influence sur la situation juridique de la personne qui en est l'objet ; qu'elle constitue ainsi une mesure d'ordre intérieur quin'est pas susceptible d'être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Considérant qu'aux termes de l'article D. 167 du code de procédure pénale : "La punition de cellule consiste dans le placement du détenu dans une cellule aménagée à cet effet et qu'il doit occuper seul ; sa durée ne peut excéder 45 jours ..." ; que l'article D. 169 du même code prévoit que "La mise en cellule de punition entraîne, pendant toute sa durée, la privation de cantine et des visites. Elle comporte aussi des restrictions à la correspondance autre que familiale ..." ; qu'en vertu de l'article 721 du même code, des réductions de peine peuvent être accordées aux condamnés détenus en exécution des peines privatives de liberté "s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite" et que les réductions ainsi octroyées peuvent être rapportées "en cas de mauvaise conduite du condamné en détention" ; que, eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure, la punition de cellule constitue une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a déclaré irrecevables ses conclusions dirigées contre les décisions du directeur de la maison d'arrêt de Caen opérant sont transfèrement de la maison d'arrêt de Fresnes vers celle de Caen le 6 septembre 1991 et le plaçant à l'isolement le 22 octobre 1991, il est en revanche fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a déclaré irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le directeur de la maison d'arrêt de Caen lui a infligé la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de 45 jours du 6 septembre 1991 au 21 octobre 1991 ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur ces conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Caen ;
Considérant que pour infliger à M. X... la sanction de trois jours, puis de quatre jours et ainsi de suite jusqu'à un total de 45 jours de cellule de punition, le directeur de la maison d'arrêt de Caen s'est fondé sur ce que ce détenu refusait à chaque fois de regagner sa cellule au motif qu'il demandait son transfèrement sans délai vers un établissement de peine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant ces sanctions, l'administration pénitentiaire ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du directeur de la maison d'arrêt de Caen lui infligeant 45 jours de cellule de punition ;
Article 1er : Le jugement du 23 juin 1992 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées à ce tribunal par M. X... et tendant à l'annulation des décisions du directeur de la maison d'arrêt de Caen lui infligeant 45 jours de cellule de punition du 6 septembre 1991 au 21 octobre 1991.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. X... dirigées contre les décisions du directeur de la maison d'arrêt de Caen lui infligeant 45 jours de cellule de punition du 6 septembre 1991 au 21 octobre 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.