Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril et 1er août 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 janvier 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, à la demande de M. X..., d'une part, a annulé le jugement du 25 novembre 1993 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de l'intéressé tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 63 450 F en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution fautive d'un ordre de virement d'une somme correspondant à ce montant, opérée sur un compte de dépôt de fonds particuliers ouvert à son nom à la trésorerie générale de la coopération, ensemble la décision de rejet opposée à la demande de M. X... du 13 novembre 1989, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 63 450 F avec intérêts de droit à compter de la date de réception de ladite demande et l'a subrogé dans les droits et obligations de M. X... à l'encontre de M. Y... Quizoa et de tout autre débiteur de son chef ;
2°) de rejeter la requête de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêté du 7 novembre 1814 ;
Vu la loi du 29 avril 1926, notamment son article 104 ;
Vu la loi du 25 juin 1928 et notamment son article 11 ;
Vu le décret n° 53-714 du 9 août 1953, modifié ;
Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963, et notamment son article 60 ;
Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, ensemble la décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et de Me Le Prado, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., titulaire d'un compte particulier ouvert dans les livres de la trésorerie générale de la coopération, a saisi la juridiction administrative d'une requête tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat en raison du préjudice qui lui a été causé par l'exécution fautive d'un ordre de virement ; que, saisie en appel du jugement du 25 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent mais a rejeté la demande de l'intéressé au motif qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration n'était établie, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir elle aussi admis la compétence de la juridiction administrative a, par l'arrêt attaqué, fait droit à la demande de M. X... ;
Considérant qu'indépendamment de leurs attributions en qualité de représentant local du Trésor public, les trésoriers-payeurs-généraux ont été habilités à effectuer les opérations de banque qui étaient susceptibles d'être exercées par "les receveurs généraux" en vertu d'un arrêté du ministre des finances du 7 novembre 1814 ; que, dans la gestion des dépôts des particuliers qui leur sont confiés sur ce fondement, les trésoriers-payeurs-généraux agissent pour leur propre compte et sous leur responsabilité personnelle ;
Considérant que si, sous l'empire du décret du 11 décembre 1914 ratifié par la loi du 26 décembre 1914, il a été prévu que le remboursement des dépôts de fonds particuliers serait provisoirement garanti " à titre subsidiaire" par l'Etat et si même, conformément à l'article 104 de la loi du 29 avril 1926, le service des dépôts de fonds particuliers a été exécuté "pour le compte de l'Etat", l'article 11 de la loi monétaire du 25 juin 1928, en abrogeant expressément ces dernières dispositions, a nécessairement rétabli le principe de la responsabilité personnelle à l'égard des tiers du trésorier-payeur-général dans la gestion des dépôts provenant de fonds particuliers ;
Considérant il est vrai que le décret n° 53-714 du 9 août 1953 sur la responsabilité des comptables publics, pris sur le fondement de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, qui, dans le troisième alinéa de son article 9 énonçait que par dérogation aux dispositionsorganisant sous le contrôle de la juridiction administrative la responsabilité des collectivités publiques à l'égard des tiers lésés du fait des agissements des comptables publics, "Les trésoriers-payeurs-généraux ... autorisés à exécuter un service des dépôts de fonds des particuliers gèrent ce service sous leur responsabilité personnelle à l'égard des tiers dans les conditions du droit commun", a été abrogé par l'article 60-XIII de la loi de finances du 23 février 1963 ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Paris ;
Considérant toutefois qu'il ne résulte ni des termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, ni des débats parlementaires qui ont précédé son adoption, que le législateur ait entendu revenir tant sur la possibilité pour les trésoriers-payeurs-généraux de recevoir en dépôt des fonds des particuliers que sur le régime de responsabilité personnelle suivant les règles du droit privé afférent à ces opérations ;
Considérant au demeurant que la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit se réfère, au troisième alinéa de son article 8 aux comptables du Trésor qui assurent le "service de fonds de particuliers" et prévoit que les opérations effectuées de ce chef sont susceptibles d'être régies par les règlements du comité de la réglementation bancaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'un litige relatif au fonctionnement du service de dépôt des fonds de particuliers, relevant d'un trésorier payeur général ; qu'ainsi, en se reconnaissant compétente pour connaître de l'action engagée par M. X..., la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison du fonctionnement d'un service de dépôt des fonds des particuliers ; qu'il en résulte qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 25 novembre 1993 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Article 1er : L'arrêt du 25 janvier 1996 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 25 novembre 1993 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean Pierre X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.