Vu 1°/, sous le n° 187054, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 avril 1997, présentée pour la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER (FNAIM) dont le siège est ... St-Honoré à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS (CNAB) dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS (UNIT) dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS et l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 février 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 27 mai 1982 portant approbation d'une annexe au règlement intérieur du Conseil supérieur du notariat précisant les règles qui s'imposent aux notaires en matière de négociation de biens à vendre ou à louer ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger l'arrêté du 27 mai 1982 ;
Vu 2°/, sous le n° 188312, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 juin 1997, la requête présentée pour la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER représentée par son président en exercice, la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS représentée par son président en exercice, l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS représentée par son président en exercice ; la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, la CONFEDERATIONNATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS, l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à l'abrogation de l'article 11 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 modifié et du n° 58 du tableau I annexé, relatif à l'activité de négociation immobilière des notaires ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger l'article 11 dudit décret ainsi que le n° 58 du tableau I qui lui est annexé ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité du 27 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive du Conseil n° 67/43 du 12 janvier 1967 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2048 du 8 septembre 1945 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 pris pour son application ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 ;
Vu le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;
Vu le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, de la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS et de l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la FEDERATION NATIONALE DEL'IMMOBILIER, de la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS et de l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 188312 :
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement, n'est tenue d'y déférer que si ce règlement était illégal dès sa signature ou si son illégalité résulte d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
Considérant que, par une lettre dont le Premier ministre a accusé réception le 17 décembre 1996, la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS et l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS ont demandé l'abrogation de l'article 11 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 ainsi que de la rubrique n° 58 du tableau I annexé à ce décret, lesdites dispositions étant relatives à l'exercice et à la tarification des activités de négociation immobilière des notaires ; que le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet que les organisations requérantes ont contestée pour excès de pouvoir dans le délai du recours contentieux ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 susvisée : "Les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions" ; que ces dispositions, qui définissent les missions réservées aux notaires, ne posent par elles-mêmes aucune limite à l'exercice par les notaires d'autres activités en dehors de leur monopole légal ; que si le 1°) de l'article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 susvisé interdit aux notaires "de se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage", lesdites dispositions ne prohibent pas en tout état de cause l'exercice, à titre purement accessoire, d'activités de négociation immobilière pratiquées à l'occasion ou en vue de la réception d'un acte ; qu'en édictant les dispositions critiquées, les auteurs du décret attaqué n'ont donc pas méconnu la définition légale des activités de notaire ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2048 du 8 septembre 1945, validant et complétant l'acte dit "loi" du 29 mars 1944, dispose : "Tous droits et émoluments au profit des officiers publics ou ministériels peuvent être créés par décret en Conseil d'Etat ; ils peuvent être, dans la même forme, modifiés ou supprimés, même s'ils ont fait l'objet de dispositions législatives" ; que le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence prévoit que : "( ...) dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison, soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation du conseil de la concurrence" ; que, sur le fondement de ces dispositions combinées, le gouvernement conserve la possibilité de fixer les prix des services correspondant aux activités des officiers publics ou ministériels, y compris celles qui s'exercent en dehors de leur monopole légal ;
Considérant, en troisième lieu, que l'intervention de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, spécialement le deuxième alinéa de son article 1er précité qui prévoit une procédure de consultation du conseil de la concurrence, ne saurait, par elle-même, constituer un changement dans les circonstances de droit de nature à affecter la légalité d'un règlement pris avant son entrée en vigueur et, par conséquent, sans consultation préalable du conseil de la concurrence ;
Considérant, en quatrième lieu, que la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant lesconditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, si elle soumet l'exercice des activités d'agent immobilier à un certain nombre de sujétions et garanties, prévoit explicitement en son article 2 que ses dispositions "ne sont pas applicables ( ...) aux membres des professions dont la liste sera fixée par décret, en considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l'objet ainsi que des garanties financières qu'ils offrent pour l'exercice de cette activité" ; que, sur ce fondement, a été pris l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, qui dispose : "Les dispositions réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations sur les immeubles et les fonds de commerce ne sont pas applicables, pour les opérations qu'ils sont régulièrement habilités à réaliser dans le cadre de la réglementation de leur profession, aux notaires ( ...)" ; que, dans ces conditions, la différence des régimes applicables ne saurait être regardée comme une violation du principe d'égalité ;
Considérant, en cinquième lieu, que la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972 ci-dessus mentionnés ne comportent aucune restriction à l'exercice des activités d'agent immobilier par les ressortissants des autres Etats membres de la communauté européenne ; que, par suite, la circonstance qu'ils ne puissent exercer cette activité dans le cadre du notariat, l'accès à cette profession étant réservé aux Français par l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ne porte pas atteinte à la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du traité de Rome, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret contesté, et ne méconnaît pas les objectifs de la directive n° 67/43 du Conseil du 12 janvier 1967 susvisée ;
Considérant, en sixième lieu, que l'article 11 du décret du 8 mars 1978 et la rubrique 58 du tableau I qui y est annexé ne mettent pas les notaires exerçant une activité de négociation immobilière, dès lors qu'elle conserve un caractère purement accessoire, en situation d'exploiter une position dominante de façon abusive ; qu'ainsi, les dispositions critiquées ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires des articles 86 et 90, paragraphes 1 et 2, du traité de Rome, dans leur rédaction alors en vigueur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande tendant à l'abrogation de l'article 11 du décret du 8 mars 1978 et de la rubrique 58 du tableau I annexé à ce décret ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne au Premier ministre d'abroger l'article 11 du décret du 8 mars 1978 et la rubrique 58 du tableau I annexé à ce décret :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger l'article 11 du décret du 8 mars 1978 et la rubrique 58 du tableau I annexé à ce décret, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Sur la requête n° 187054 :
Considérant que, sous le n° 187054, les organisations requérantes demandent l'annulation d'une décision en date du 10 février 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'abroger son arrêté du 27 mai 1982 portant approbation d'une annexe au règlement intérieur du Conseil supérieur du notariat relative aux règles en matière de négociation de biens à vendreou à louer ;
Considérant, en premier lieu, que si les organisations requérantes soutiennent que l'arrêté du 27 mai 1982 devait être abrogé en raison de l'illégalité de l'article 11 du décret du 8 mars 1978, il résulte de ce qui précède que ce moyen n'est pas fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 26 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 susvisé : "Le conseil supérieur du notariat peut établir, en ce qui concerne les usages de la profession à l'échelon national et les rapports des notaires établis dans les ressorts de cours d'appel différentes, un règlement qui est soumis à l'approbation du garde des sceaux, ministre de la justice" ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions contestées entraient dans le champ défini par cet article ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 4 de l'annexe au règlement intérieur approuvée par l'arrêté du 27 mai 1982 dispose : "1- Les notaires ont la faculté de se grouper pour mettre en commun divers moyens dans le but d'assurer à la clientèle le meilleur service en matière de négociation. Ils peuvent, notamment, centraliser dans un fichier commun destiné à leur information et à celle de leurs clients, les offres de vente ou de location pour lesquelles ils ont reçu mandat de rechercher un acquéreur ou un locataire. 2- Ces groupement doivent être constitués de telle sorte que tout notaire acceptant de respecter les conventions qui les régissent puisse y être admis. Toute création de groupement devra être portée à la connaissance de la ou des chambres des notaires concernées. Les statuts ou règlements devront y être déposés. Le groupement, qu'il ait ou non la personnalité morale, ne peut être en relation directe avec la clientèle. Il ne doit avoir, en aucun cas, une activité propre de négociation. Aucun mandat ne peut être établi au nom d'un groupement" ; que la mise en commun de moyens autorisée par ces dispositions n'est susceptible en aucune façon d'affecter le commerce entre Etats membres ; que, par suite, en tout état de cause, il ne saurait être soutenu que le garde des sceaux, ministre de la justice, a approuvé un texte organisant une entente prohibée par les stipulations de l'article 85-1 du traité de Rome en vigueur à la date de son arrêté ;
Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article 4 précité ne constituent pas un acte réglementaire portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision du 10 février 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'abroger son arrêté du 27 mai 1982 ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne au garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger son arrêté du 27 mai 1982 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 février 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'abroger son arrêté du 27 mai 1982, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, de la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS et de l'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, à la CONFEDERATION NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS, à L'UNION NATIONALE INDEPENDANTE DES INTERMEDIAIRES IMMOBILIERS, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.