Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme veuve Claudine X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 20 avril 1998 de la commission centrale d'aide sociale par laquelle a été rejetée sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 1996 de la commission départementale d'aide sociale du Nord ne faisant que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 1991 du préfet du Nord rejetant sa demande de remise totale des sommes indûment perçues au titre du revenu minimum d'insertion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 ;
Vu le décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 27 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion : "Un recours contentieux contre les décisions relatives à l'allocation de revenu minimum d'insertion peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d'aide sociale dans le ressort de laquelle a été prise la décision" et qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 29 de la même loi : "Tout paiement indu d'allocations est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou si le bénéficiaire opte pour cette solution ou n'est plus éligible au revenu minimum d'insertion, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d'aide sociale dans les conditions définies à l'article 27 ( ...)" ; qu'aux termes du dernier alinéa du même article : "En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite sur décision prise selon des modalités fixées par voie réglementaire." ; qu'enfin, en vertu des dispositions de l'article 36 du décret du 12 décembre 1988 prises pour l'application du dernier alinéa de l'article 29 de la loi du 1er décembre 1988, le préfet se prononce sur les demandes de remise ou de réduction de créances présentées par les intéressés ;
Considérant que, pour l'application des dispositions précitées relatives à la procédure de remise gracieuse des créances résultant du paiement indu d'allocations du revenu minimum d'insertion, il appartient aux juridictions de l'aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu'à leur qualité de juges de plein contentieux, non seulement d'apprécier la légalité de la décision prise par le préfet pour accorder ou refuser la remise gracieuse de la créance, mais encore de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de la demande de l'intéressé d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de leur propre décision ; que, par suite, en limitant ses pouvoirs à l'appréciation de la légalité de la décision du 14 octobre 1991 par laquelle le préfet du Nord a rejeté la demande de Mme X... tendant à obtenir la remise gracieuse de la créance née du paiement indu d'allocations du revenu minimum d'insertion, la commission centrale d'aide sociale a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ; que sa décision en date du 20 avril 1998 doit, dès lors, être annulée ;
Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 : "Le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la situation de précarité de Mme X..., à sa bonne foi et au fait que l'indu à l'origine de sa dette ne trouve pas son origine dans la fraude, il y a lieu d'accorder à l'intéressée la remise gracieuse totale de sa dette de 22 597 F et, en conséquence, d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord en date du 2 avril 1996 qui a limité la remise gracieuse à 50 % du montant de la dette et la décision du préfet du Nord du 14 octobre 1991 rejetant la demande de remise gracieuse présentée par Mme X... ;
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 20 avril 1998 est annulée.
Article 2 : La décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord en date du 2 avril 1996 et la décision du préfet du Nord du 14 octobre 1991 sont annulées.
Article 3 : Il est fait remise gracieuse de la totalité de la dette de Mme X... d'un montant de 22 597 F résultant du paiement indu d'allocation du revenu minimum d'insertion.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme veuve Claudine X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.