Vu, enregistré le 13 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 9 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Besançon, avant de statuer sur la demande de Mme X... tendant à l'annulation de la décision du 12 novembre 1998 par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a arrêté à la somme de 7 345 F le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne qu'elle a engagées à l'occasion des élections cantonales des 15 et 22 mars 1998 dans le canton de Belfort-ouest, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : les dispositions combinées des articles L. 52-8, L. 52-11-1 et L. 52-12 du code électoral et de la loi du 11 mars 1998 font-elles obstacle à ce qu'un candidat puisse prétendre au remboursement de dépenses effectivement supportées par lui et correspondant à des prestations qui ont été réalisées et facturées par la formation politique dont il se réclame ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
1. - Le régime du financement des dépenses électorales des candidats aux élections politiques résulte de l'article L. 52-11-1 du code électoral et est distinct de celui, régi par les dispositions des articles 8 à 9-1 de la loi du 11 mars 1988, relatif au financement des partis et groupements politiques.
Aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral, qui définit l'ensemble des conditions et modalités du remboursement aux candidats de leurs dépenses de campagne : "Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de l'Etat égal à 50 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses des candidats retracées dans leur compte de campagne./ Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ni à ceux qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des articles L. 52-11 et L. 52-12 ou dont le compte de campagne a été rejeté ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale, s'ils sont astreints à cette obligation".
Aucune de ces dispositions ne fait obstacle à ce qu'un candidat soit remboursé, dans le cadre ainsi précisé, de dépenses de campagne correspondant à des prestations assurées à titre onéreux par un parti ou un groupement politique.
2. - Aucune de celles des dispositions de la loi du 11 mars 1988 qui sont relatives aux partis et groupements politiques et à leur financement ne permet de remettre en cause ce qui précède.
Notamment, s'il est vrai que, lorsqu'un parti ou un groupement politique a bénéficié ou bénéficie d'un financement public, les moyens avec lesquels il exécute des prestations pour un candidat peuvent être réputés avoir été acquis en partie au moins grâce à un tel financement, il ne résulte d'aucune disposition de la loi du 11 mars 1988 que les sommes acquittées par ce candidat pour ces prestations puissent être exclues du remboursement prévu par l'article L. 52-11-1 du code électoral.
3. - Au demeurant, alors que seule la loi peut, dans le respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, fixer des limites à l'action des partis et groupements politiques, lesquels, aux termes de l'article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958, "concourent à l'expression du suffrage" et "se forment et exercent leur activité librement ( ...)", aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que les partis et groupements politiques fournissent des prestations à des candidats ni ne limite leur possibilité de fixer librement les modalités financières correspondantes. L'article L. 52-8 du code électoral prévoit d'ailleurs expressément, et par dérogation à l'interdiction faite aux personnes morales de participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, que les partis et groupements politiques peuvent fournir à un candidat " ... des biens, services ou autres avantages directsou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués".
4. - Enfin, la seule existence de risques de fraude ne saurait suffire à exclure, par principe, le remboursement des prestations assurées à titre onéreux par les partis et groupements politiques. Il appartient, d'ailleurs, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en application de l'article L. 52-15 du code électoral et sous le contrôle du juge, de veiller à ce que le remboursement n'excède pas le montant de la contribution effective du candidat aux dépenses retracées dans son compte de campagne, de relever les irrégularités éventuelles des dépenses facturées par les formations politiques, tenant, notamment, à l'inexistence des prestations ou à leur surévaluation et de réformer en conséquence les comptes de campagne dont elle est saisie.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Besançon, à Mme Marie-Claude X..., au ministre de l'intérieur et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Il sera également publié au Journal officiel de la République française.