Vu la requête enregistrée le 11 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 septembre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 juillet 1998 décidant la reconduite à la frontière de M. Y...
X... ;
2°) de rejeter la demande de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., de nationalité sénégalaise, entré en France le 15 mai 1995, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 mars 1998, de la décision du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour ; qu'il se trouvait dès lors dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant, d'une part, que l'article 2 de l'arrêté du 29 juillet 1998 prononçant la reconduite à la frontière de M. X... prévoit que "l'intéressé sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible" ; que cet arrêté doit ainsi être regardé comme comportant une décision de renvoi de l'intéressé vers son pays d'origine, le Sénégal ; que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les risques encourus par M. X... en cas de retour vers son pays d'origine pour annuler dans son intégralité l'arrêté du 29 juillet 1998 au motif qu'il aurait violé l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... :
Considérant que le motif retenu par le tribunal administratif selon lequel l'intéressé courait des risques dans son pays d'origine ne pouvait conduire à l'annulation de l'arrrêté contesté du 29 juillet 1998 qu'en tant qu'il fixait le Sénégal comme pays de destination de M. X... ; qu'il suit de là que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir qu'en annulant cet arrêté dans sa totalité, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que M. X... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 24 juin 1997, qui est dépourvue de valeur réglementaire ; qu'il en résulte que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 1998 en tant qu'il ordonne sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision fixant le Sénégal comme pays de destination :
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière, de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du deuxième alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, précitée, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la commission des recours des réfugiés saisies par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard desconditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle envisage ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. X... justifie être un militant actif du mouvement des forces démocratiques de la Casamance, et être exposé personnellement, en cas de retour au Sénégal, à des risques graves pour sa sécurité ; que, dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la décision en date du 20 novembre 1996 de la commission des recours des réfugiés rejetant la demande d'admission au statut des réfugié présentée par M. X..., il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du PREFET DE POLICE fixant le Sénégal comme pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule sa décision de reconduire M. X... à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du 4 septembre 1998 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il annule la décision du 29 juillet 1998 du PREFET DE POLICE de reconduire M. X... à la frontière.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE POLICE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Y...
X... et au ministre de l'intérieur.