Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 novembre 1999, présentée pour M. James Dewayne X..., détenu à la maison d'arrêt de Strasbourg Elsau (67482) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret en date du 21 octobre 1999 accordant son extradition aux autorités américaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble son 6ème protocole additionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi du 9 octobre 1981 ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de la loi du 9 octobre 1981 la peine de mort a été abolie en France ; qu'aux termes de l'article 1er du protocole n° 6 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, introduit dans l'ordre juridique interne à la suite de sa ratification, autorisée par la loi du 31 décembre 1985 et de sa publication ordonnée par le décret du 28 février 1986, "La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté" ; que l'application de la peine de mort à une personne ayant fait l'objet d'une extradition accordée par le gouvernement français serait contraire à l'ordre public français ; que, par suite, si l'un des faits à raison desquels l'extradition est demandée aux autorités françaises est puni de la peine capitale par la loi de la partie requérante, cette extradition ne peut être légalement accordée pour ce fait qu'à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort encourue ne sera pas prononcée ou ne sera pas exécutée ; qu'en revanche, l'extradition d'une personne qui encourt une peine incompressible de réclusion criminelle à perpétuité, n'est pas contraire à l'ordre public français ni à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la demande d'extradition présentée par le gouvernement américain à l'encontre de M. X... est fondée sur des faits de meurtre ; qu'en vertu des dispositions du droit pénal applicable en Californie, Etat dont les juridictions sont compétentes en l'espèce, un inculpé reconnu coupable de meurtre encourt la peine de mort ;
Considérant que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar a émis le 29 janvier 1998 un avis favorable à l'extradition de M. X..., sous réserve que les autorités américaines compétentes fournissent l'assurance au gouvernement français que, si elle venait à être prononcée, la peine de mort ne serait ni requise ni appliquée ;
Considérant que, par le décret attaqué en date du 21 octobre 1999, le gouvernement français accorde l'extradition du requérant aux autorités américaines à la condition que la peine de mort ne soit ni requise, ni prononcée, ni appliquée ; que, d'une part, par note du 17 décembre 1998, l'ambassade des Etats-Unis a fait connaître l'assurance donnée au gouvernement français par le gouvernement américain que si l'extradition de M. X... était accordée, la peine de mort ne serait pas prononcée ni infligée ; que, d'autre part, les autorités américaines ont transmis aux autorités françaises l'engagement pris au nom de l'Etat de Californie par le procureur général du comté de Sacramento - où M. X... serait appelé à être jugé, - que le ministère public compétent ne requerrait pas la peine capitale contre l'intéressé, y compris en cas de découverte de faits nouveaux pouvant constituer des circonstances spéciales ; que par une attestation solennelle, le procureur général du comté de Sacramento a donné l'assurance formelle qu'en l'absence d'invocation d'une circonstance spéciale par le ministère public, la peine de mort ne pouvait être prononcée ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué ne serait pas assorti de garanties suffisantes et que son extradition serait contraire à l'ordre public français ;
Considérant que, contrairement aux allégations du requérant, le système judiciaire des Etats-Unis respecte les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine ainsi que l'exigent les principes généraux du droit de l'extradition ; qu'ainsi, le décret attaqué ne méconnaît pas l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si M. X... soutient qu'il est de nationalité française, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; qu'en l'absence de contestation sérieuse, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant le juge de la nationalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, lequel n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. James Dewayne X..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.