Vu la requête, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 mars 1999 ; le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice ayant annulé l'arrêté du 27 novembre 1998 décidant la reconduite à la frontière de M. Arbi X... ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Spitz, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 27 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... :
Considérant, en premier lieu, que M. X..., ressortissant tunisien qui, selon ses dires, est entré en France en 1988, à l'âge de 23 ans, est célibataire, sans enfant et que ses parents et une partie de ses frères et soeurs résident en Tunisie ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte excessive à son droit à une vie familiale normale ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 ( ...) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ( ...) Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... n'est affecté d'aucune maladie qui nécessiterait son maintien sur le territoire français ; que, dans ces conditions, le PREFET DES ALPES-MARITIMES n'a pas commis d'erreur d'appréciation des conséquences que pourrait avoir l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, enfin, que si M. X... a fait valoir qu'il préfèrerait recourir au suicide plutôt que de quitter la France et s'il ressort du rapport de l'expertise ordonnée par le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice qu'"existe un comportement suicidaire et risque de passage à l'acte", ce comportement ne s'inscrivant toutefois "nullement dans un comportement pathologique psychiatrique évolutif", cette circonstance ne peut en aucun cas faire regarder l'arrêté attaqué comme exposant l'intéressé à l'un des traitements visés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... tant devant le tribunal administratif de Nice que devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est maintenusur le territoire plus d'un mois à compter de la notification, le 4 mars 1998, de la décision du 20 février précédent par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas, prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant, toutefois, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'en vertu du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans la rédaction, applicable au cas de M. X..., résultant de la loi du 11 mai 1998, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" doit être délivrée "à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... justifie, à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que cette circonstance s'opposait à ce qu'il pût faire légalement l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ALPES-MARITIMES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté, en date du 27 novembre 1998, prononçant la reconduite à la frontière de M. X... et fixant le pays de destination ;
Article 1er : La requête du PREFET DES ALPES-MARITIMES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES ALPES-MARITIMES, à M. Arbi X... et au ministre de l'intérieur.