Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 avril 2000, présentée pour M. Peter Helmut X..., demeurant chez Mme Y... et M. Z..., Le Claou (48400) Verbron ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret en date du 21 octobre 1999 accordant son extradition aux autorités allemandes ;
2°) ordonne le sursis à l'exécution dudit décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le gouvernement allemand a demandé le 8 août 1991 l'extradition de M. X... en vue de l'exécution d'un reliquat de 3 823 jours sur une peine globale de onze ans d'emprisonnement prononcée le 9 août 1983 par le tribunal de grande instance de Hanau et d'un reliquat de 1111 jours sur une peine globale de cinq ans d'emprisonnement prononcée le 21 décembre 1982 par le même tribunal pour extorsion accompagnée de séquestration, vols et vols aggravés ; que, placé sous écrou extraditionnel le 31 octobre 1991, M. X... a consenti à être livré aux autorités allemandes et que, par arrêt du 26 novembre 1991, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier lui a donné acte de son consentement ; que, par une décision contenue dans la note verbale adressée le 3 février 1992 au ministère allemand de la justice, les autorités françaises ont déclaré qu'il serait procédé à l'extradition de l'intéressé dès que celui-ci aurait satisfait à la justice française ; que par décret du 21 octobre 1999, le gouvernement français a accordé l'extradition de M. X... qui avait achevé le 8 juin 1999 de purger les peines prononcées contre lui en France ;
Considérant que ce décret s'est substitué à la décision contenue dans la note verbale du 3 février 1992 susmentionnée ; que M. X... ne saurait utilement se prévaloir de l'illégalité de cette dernière décision à l'appui de son recours en annulation du décret du 21 octobre 1999 ;
Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 12-2 c) de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, la demande d'extradition doit être accompagnée d'une copie des dispositions légales applicables, ou d'une déclaration sur le droit applicable ; qu'il ressort des pièces du dossier que si la demande d'extradition transmise par l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne à Paris le 8 août 1991 à l'encontre de M. X... ne comportait pas la copie des dispositions du code pénal allemand relatives à la prescription, cette seule circonstance ne faisait pas obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à ce que les autorités françaises puissent vérifier si les conditions légales, notamment celles relatives à la prescription, étaient remplies ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le décret accordant son extradition aux autorités allemandes a été rendu sur une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités françaises aient omis de vérifier que les peines prononcées en Allemagne à l'encontre de M. X... n'étaient pas prescrites ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la convention européenne d'extradition : "1. La Partie requise pourra, après avoir statué sur la demande d'extradition, ajourner la remise de l'individu réclamé pour qu'il puisse être poursuivi par elle ou, s'il a déjà été condamné, pour qu'il puisse purger, sur son territoire, une peine encourue à raison d'un fait autre que celui pour lequel l'extradition est demandée ..." ; que ces stipulations, qui se bornent à ouvrir à la Partie requise la faculté d'ajourner, dans les cas qu'elles prévoient, l'exécution matérielle de la décision d'extradition, ne sauraient être utilement invoquées à l'appui d'un recours en annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 10 mars 1927 : "Si lors de sa comparution, l'intéressé déclare renoncer au bénéfice de la présente loi et consent formellement à être livré aux autorités du pays requérant, il est donné acte par la Cour de cette déclaration" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la cour d'appel de Montpellier a donné acte à M. X..., le26 novembre 1991, de sa renonciation au bénéfice de la loi du 10 mars 1927 et de son consentement formel à être livré aux autorités allemandes ; que cette renonciation étant ainsi devenue irrévocable, M. X... n'est pas fondé à se prévaloir de ce qu'elle serait devenue caduque à la date du décret attaqué pour soutenir que la procédure d'extradition aurait dû être recommencée ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le requérant aurait subi une durée de détention excessive, en violation de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'un recours en annulation du décret prononçant son extradition ;
Considérant, enfin, que les stipulations de l'article 18 de la convention européenne d'extradition, qui accordent certaines garanties à la personne qui fait l'objet d'un décret d'extradition si elle n'a pas été remise à l'Etat requérant dans le délai d'un mois à compter de la notification du décret, ne sauraient être utilement invoquées à l'appui d'un recours en annulation de ce décret ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 21 octobre 1999 accordant son extradition aux autorités allemandes ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Peter Helmut X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.